Link : la critique du film (1986)

Thriller, Épouvante-horreur | 1h43min
Note de la rédaction :
7/10
7
Link, l'affiche

  • Réalisateur : Richard Franklin
  • Acteurs : Terence Stamp, Elisabeth Shue, Linus Roache, Steven Finch
  • Date de sortie: 05 Mar 1986
  • Nationalité : Britannique
  • Titre original : Link
  • Titres alternatifs : Le chaînon manquant (Québec) / Link, der Butler (Allemagne) / Link: En hårete grøsser (Norvège) / Link, el sanguinario (Mexique) / Abernes nat (Danemark) / Link - O Animal Assassino (Brésil)
  • Année de production : 1986
  • Scénariste(s) : Everett De Roche d'après une histoire de Lee David Zlotoff et Tom Ackermann
  • Directeur de la photographie : Mike Molloy
  • Compositeur : Jerry Goldsmith
  • Société(s) de production : Cannon Screen Entertainment, Thorn EMI Screen Entertainment
  • Distributeur : AAA
  • Distributeur américain : Cannon Film Distributors
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : Cannon (VHS, 1986), Warner Home Vidéo (VHS, 1988) / Canal + Vidéo (VHS) / StudioCanal (DVD, 2004) / Le Chat qui Fume – StudioCanal (4K UHD et blu-ray, 2021)
  • Date de sortie vidéo : Novembre 1986 (VHS, Cannon, première édition) Novembre 2021 (4K UHD) / Janvier 2022 (blu-ray simple)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 270 761 entrées / 63 691 entrées
  • Box-office nord-américain : 1 720 450$ (4,4 M$ au cours du dollar ajusté en 2022)
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleurs / Son : Dolby Stéréo
  • Festivals et récompenses : 1986 : Prix spécial du jury au Festival d'Avoriaz
  • Illustrateur / Création graphique : Benjamin Baltimore (affichiste) - Tactics (agence) / Frédéric Domont (jaquette Chat qui Fume)
  • Crédits : StudioCanal
Note des spectateurs :

Prix spécial du jury à Avoriaz en 1986, Link est un thriller animalier très efficace qui tire vers le slasher dans une dernière partie particulièrement tendue. Une jolie réussite qui n’a pas eu la carrière qu’elle méritait à sa sortie.

Synopsis : Étudiante américaine en zoologie, Jane Chase persuade le Dr Steven Phillip de l’engager durant les vacances d’été comme assistante dans le vaste manoir de style victorien où il vit seul, au pied d’une falaise du nord de l’Angleterre. S’il enseigne à l’Université des Sciences de Londres, l’anthropologue travaille aussi en secret sur le fameux chaînon manquant entre l’Homme et le singe. Une fois arrivée, Jane fait la connaissance des chimpanzés Imp et Voodoo, et de l’intrigant Link, un orang-outan vêtu d’une livrée de majordome. Un jour, elle apprend par hasard que Phillip compte vendre Link et Voodoo. Peu de temps après, il disparaît. Jane tente alors de quitter la maison, mais Link l’en empêche… et la retient prisonnière.

Un vieux projet finalement réalisé au Royaume-Uni

Critique : Alors qu’il vient de tourner Patrick (1978) sur un script d’Everett De Roche, le cinéaste australien Richard Franklin envisage de signer un thriller où l’homme serait aux prises avec des singes vindicatifs. Les deux complices se mettent au travail et livrent le script de ce qui deviendra plusieurs années plus tard Link. En Australie, personne ne semble prêt à investir dans ce scénario et Richard Franklin se consacre ensuite à Déviation mortelle (1981), puis accepte la proposition américaine de réaliser Psychose 2 (1983) qui est un succès inespéré et une œuvre tout à fait correcte portée par un scénario de Tom Holland.

Après un Jouer c’est tuer (1984) qui est un échec commercial, Richard Franklin reçoit en 1985 une proposition de la firme britannique Thorn Emi : il peut venir réaliser le thriller de son choix en Angleterre. Le cinéaste ressort donc du placard son vieux script de Link qui est aussitôt validé par les exécutifs du studio, alors en grosse difficulté financière. Richard Franklin réussit à obtenir l’accord de Terence Stamp pour le rôle du professeur de zoologie et il engage la toute jeune américaine Elisabeth Shue qui vient tout juste d’être révélée par sa prestation en petite amie de Ralph Macchio dans Karaté Kid, le moment de vérité (Avildsen, 1984).

Link en DVD chez StudioCanal

Link en DVD chez StudioCanal édité en 2004. © 1986 StudioCanal

Richard Franklin singe son maître Alfred Hitchcock

Mais surtout, Richard Franklin insiste pour engager le dresseur animalier américain Ray Berwick à qui l’on doit les miracles obtenus sur le plateau des Oiseaux d’Alfred Hitchcock, le maître à filmer de Richard Franklin. Car le but du réalisateur est de limiter au maximum l’utilisation d’être humains déguisés en singe. Il souhaite donc obtenir des réactions naturelles de la part des chimpanzés et aussi de l’orang-outan Locke qui tient le rôle principal du primate meurtrier. Cette option n’a pas facilité le tournage, mais joue grandement dans la réussite du long-métrage. Il était effectivement inenvisageable d’avoir recours à des effets spéciaux rudimentaires qui auraient ruinés les efforts de réalisme du cinéaste.

Si la volonté de Richard Franklin était bien de réaliser un thriller tendu, il n’en oublie pas pour autant de traiter une thématique intéressante, à savoir la différence infime qui sépare les êtres humains des autres animaux, et en l’occurrence ici des singes. De manière finalement assez dérangeante, Richard Franklin orchestre la révolte des animaux contre l’espèce qui se déclare dominante. Plusieurs fois humilié par son maître – le charismatique Terence Stamp dans un rôle ambigu – Link prend petit à petit sa revanche sur cette espèce qui clame à tout va sa supériorité. Le singe devient ainsi une force de contestation et d’anarchie qui tranche d’autant plus que l’action est située au cœur du très guindé Royaume-Uni.

Un cadre séduisant et une réalisation maîtrisée

Richard Franklin ose également introduire quelques sous-entendus sexuels qui supposent un désir sous-jacent de l’orang-outan pour cette jeune fille qui déborde de tendresse pour le plus jeune chimpanzé. Ainsi, Richard Franklin suggère l’idée d’une jalousie maladive qui contamine peu à peu le vieux singe dont les frustrations explosent tel un volcan dans le dernier tiers du film.

Réalisé de manière efficace, Link parvient à intéresser durant sa première heure malgré un rythme assez lent et un nombre très restreint de personnages. Cela tient à la performance des deux acteurs principaux, ainsi qu’à la contribution formidable des animaux. Il ne faut pas non plus négliger l’importance des splendides paysages d’Ecosse qui stimulent la rétine. De même, la magnifique propriété victorienne où se situe l’action est un décor fascinant de toute beauté.

Le slasher version primate

Dans son dernier tiers, l’action prend peu à peu le pas sur la réflexion et le thriller devient même franchement trépidant, même si les ressorts dramatiques s’avèrent convenus (les arrivées successives du nouveau propriétaire de Link, puis du petit ami de l’étudiante et de ses amis offrent des victimes toutes désignées du grand singe). Les différents meurtres parviennent à surprendre par la qualité de leur mise en scène, tandis que la réalisation de Richard Franklin se fait expressive.

La caméra virevolte dans les couloirs, les escaliers, et se joue parfois de la géographie en franchissant les murs ou les plafonds avec une fluidité magistrale. Usant aussi du grand angle et de multiples déformations optiques, le cinéaste paraît donc en pleine possession de ses moyens et livre un thriller d’épouvante terriblement efficace, par-delà ses quelques facilités d’écriture. Signalons enfin que la musique un peu kitsch de Jerry Goldsmith convient finalement bien à cette œuvre qui sait également manier l’humour noir, notamment lors d’un plan final très ironique.

Link, jaquette VHS Cannon France Vidéo

Link, jaquette VHS Cannon France Vidéo © 1985 Cannon Screen Entertainment LTD. Tous droits réservés.

Une sortie sabordée dans les pays anglo-saxons

Présenté dans sa version complète de près de deux heures au Festival d’Avoriaz 1986, Link y a obtenu le Prix spécial du jury. Malheureusement pour Richard Franklin, ce n’est pas sa version qui a été montrée dans les salles obscures, mais bien une mouture amputée de 20 minutes par les distributeurs. Il faut dire que son film n’a guère eu de chance.

Produit initialement par la société Thorn Emi, Link a souffert du rachat de la firme par la Cannon de Golan et Globus. La sortie anglo-saxonne du long-métrage a donc été totalement sabordée, au grand dam d’un Richard Franklin dépité par cette expérience malheureuse. Le film sera proposé dans 435 cinémas sur l’ensemble du pays et finira sa carrière à la 158e position annuelle, juste devant le Pirates de Polanski, lui aussi complètement coulé par ce même distributeur, sauf que Pirates, aux 1 640 000$ de recettes, avait coûté 40M$ pour devenir l’un des plus gros échecs de la décennie 80.

En France, le Prix Spécial du Jury à Avoriaz 86 est apparu dans les salles dans cette version modifiée qui est toujours celle exploitée de nos jours en vidéo. Il a cumulé 270 761 entrées, soutenu par la critique qui y a vu l’ombre du maître du suspense et de ses Oiseaux. L’écho global laissait espérer un meilleur accueil du public. Il n’en fut rien. Distribué sur 24 écrans sur la capitale et sa périphérie, le film tient à peine 6 semaines. Une affiche hors de propos a largement contribué à diminuer l’intérêt du public à une époque où la mention Avoriaz avait un poids lourd dans la carrière d’un film.

Link, jaquette blu-ray UHD 4K

© 1986 StudioCanal / © 2021 Le Chat qui Fume. Design : Frédéric Domont. Tous droits réservés.

Une déception au box-office français

Link avait tout pour réussir mais démarre mollement en 8e place avec 29 912 spectateurs sur P.P. Il doublera à peine sa mise de départ, alors même qu’il bénéficiait de beaux écrans parisiens. Sortis le même jour, Le justicier de New York (Cannon) entrait en tête des entrées hebdomadaires avec 95 689 fans de Bronson, Enemy de Wolfgang Petersen, dans 35 salles, fascinait 70 078 amateurs de science-fiction, et même le flop avec Binoche, Mon beau-frère a tué ma sœur atteignait les 50 000 tickets sur la même combinaison de 24 écrans. En 2e semaine, La revanche de Freddy, dans 17 cinémas, réalisait autant que l’orang-outan malheureux de son sort.

Pour la suite, Link perd 9 écrans en semaine 2 et dégringole en 12e position, avec tout de même 16 237 curieux. Dans 7 cinémas, la semaine suivante, il obtient un bon bouche-à-oreille avec de beaux scores par écran sur l’intra-muros (10 027 entrées). Le distributeur AAA n’est toutefois pas en mesure de conserver plus de 5 écrans en semaine 4 (4 064). Au moins, bénéficie-t-il de trois sites clés dans Paris en semaine 5 (le Gaumont Opéra, le Gaumont Ambassade sur les Champs Elysées et le Bretagne, à Montparnasse) pour un total de 2 950 tickets. Les spectateurs, aussi peu nombreux soient-ils, aiment le film ; l’attention que lui porte les Parisiens est visible au niveau de la moyenne solide par écran.

Un succès dingue en vidéocassette

C’est en VHS que Link trouvera vraiment sa force, avec une sortie en novembre 1986. En décembre, le singe malin grimpe jusqu’en 5e place mensuelle du top 40 des vidéocassettes du mois, devant les Goonies ou Enemy Mine, au milieu de blockbusters. Cannon Vidéo fera au moins un beau boulot promotionnel pour le petit écran. Warner, qui rachète une partie du catalogue de la Cannon, réédite le film en 1988, et le propose aussi à la vente.

Le film connaîtra donc plusieurs éditions VHS et appartient désormais au catalogue de StudioCanal qui l’a édité une première fois en DVD au milieu des années 2000. Récemment, l’éditeur Le Chat qui Fume en a proposé une version blu-ray et 4K UHD. Cette dernière permet de largement réévaluer le travail photographique effectué par Mike Molloy grâce à une copie superbe. Cette édition est déjà épuisée et a été remplacée par un blu-ray standard, toujours chez le même éditeur.

Critique de Virgile Dumez

Box-office de Frédéric Mignard

Les sorties de la semaine du 5 mars 1986

Acheter le film en blu-ray sur le site de l’éditeur

Voir le film en VOD

Link, l'affiche

© 1986 StudioCanal / Affiche : Benjamin Baltimore (affichiste) – Tactics (agence). Tous droits réservés.

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Richard Franklin, Terence Stamp, Elisabeth Shue, Linus Roache, Steven Finch

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Bande-annonce de Link (VF)

Thriller, Épouvante-horreur

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