Les marins de l’Orgueilleux est un beau drame en milieu maritime qui vaut le détour pour ses nombreuses qualités d’écriture et une interprétation sans faille d’un trio inoubliable. Ou comment réussir un long-métrage à partir d’idées nobles et positives.
Synopsis : Capitaine d’un baleinier, le capitaine Joy sait que la mort approche. Avant de quitter ce monde, il aimerait faire de son petit-fils Jed un marin et lui inculquer les valeurs des hommes de mer. Le garçon se prend d’amitié pour le second du navire, Dan Lunceford, dont Joy désapprouve les méthodes. Au fil des aventures et des périls, Lunceford fera preuve de courage et gagnera le respect du capitaine.
Une histoire d’hommes en milieu hostile
Critique : Le scénariste d’origine ukrainienne Sy Bartlett (1900-1978) s’est fait remarquer en signant plusieurs scripts pour la RKO dans les années 30, avant de s’engager dans l’armée pour lutter contre le nazisme. Ses histoires d’après-guerre sont donc empreintes d’héroïsme et vantent les valeurs traditionnelles de loyauté et de fidélité entre des hommes et leur commandant.
On retrouve cette constante dans l’un de ses films les plus connus, Un homme de fer (1949) réalisé par Henry King avec Gregory Peck. On se souvient moins d’un autre script écrit la même année et tourné par le yes man de la Fox, Henry Hathaway : Les marins de l’Orgueilleux (1949). Pourtant, ce drame maritime se déroulant au sein d’un équipage de baleinier mérite amplement le détour par la justesse des sentiments qui émanent des différents personnages.
Confrontation passionnante entre vieux loup de mer et jeune homme aux dents longues
Film sur la transmission, Les marins de l’Orgueilleux avait tout pour devenir une œuvre pontifiante visant à démontrer la supériorité des vieux loups de mer sur le commun des mortels. Mais le long-métrage échappe en grande partie à cet écueil en opposant de manière assez fine les vieux baroudeurs qui connaissent leur métier sur le bout des doigts de manière empirique aux jeunes bleus tout frais sortis de leur école où l’on apprend tout dans les livres. Grâce à une attention toute particulière envers la psychologie de chaque protagoniste, les auteurs ne tranchent aucunement en faveur de l’une ou de l’autre position.
Dans cette lutte entre les Anciens et les Modernes, les hommes de valeur finissent par se révéler dans le feu de l’action et se respecter les uns les autres, par-delà leurs différences de points de vue et d’origine. On retrouve ici un thème typique du film de guerre où le combat sert de révélateur aux hommes, mais il est appliqué ici à la pêche à la baleine. Au milieu de cet affrontement entre le vieux loup de mer et son jeune second, le petit mousse interprété avec beaucoup de charisme par l’enfant star Dean Stockwell vient servir de catalyseur au point d’être au cœur de la querelle entre deux figures paternelles aussi antagonistes que complémentaires.
De grandes qualités d’écriture pour un film aux valeurs positives, mais jamais moralisatrices
Malgré un tournage intégral en studio, Henry Hathaway filme la pêche à la baleine avec un souci du détail authentique qui révèle un vrai talent d’observation. Il permet également aux acteurs de se livrer à des numéros enthousiasmants : Lionel Barrymore est exceptionnel en vieux briscard obligé de cacher ses sentiments aux yeux de son équipage, tandis que Richard Widmark interprète pour la première fois un personnage totalement positif avec beaucoup de conviction.
Si les amoureux des animaux n’apprécieront pas les parties de chasse à la baleine (autres temps, autres mœurs serions-nous tentés de dire, d’autant que le long-métrage est situé au 19ème siècle), les autres devraient goûter ce beau drame sans retenue, d’autant qu’il tente de faire ressortir la noblesse de certains sentiments humains, sans pour autant prendre le spectateur pour un imbécile. C’est suffisamment rare pour être signalé.
Le test du DVD :
Une édition certes sommaire, mais plutôt correcte d’un film rare, à redécouvrir.
Compléments & packaging : 1 / 5
Ils se sont égarés quelque part au milieu de l’océan. Boîtier classique et sans charme.
L’image : 3 / 5
Pas de restauration sur ce titre qui souffre de nombreux points blancs et autres rayures, notamment à l’approche des changements de bobines. Toutefois, le noir et blanc est suffisamment contrasté pour offrir un certain confort de visionnage et l’ensemble se regarde donc sans déplaisir.
Le son : 3 / 5
Une seule piste en version originale sous-titrée et mono est disponible. Celle-ci est plutôt claire, même si certains craquements subsistent, tandis qu’un certain souffle s’invite tout au long de la projection. On pouvait s’attendre à mieux.
Critique de Virgile Dumez