Après une première partie très conventionnelle, Les insectes de feu finit par ressembler au Phase IV de Saul Bass par son ambiance apocalyptique et frôlant la folie. Seule la réalisation demeure un brin trop sage.
Synopsis : Un tremblement de terre libère des insectes mutants qui ont la capacité d’allumer des feux et causent de terribles dégâts dans une petite ville des États-Unis.
La dernière production de William Castle
Critique : Alors qu’il a l’intégralité de sa carrière de réalisateur et de producteur derrière lui, William Castle envisage de monter un film d’agression animale qui pourrait saisir la vague des Dents de la mer (Steven Spielberg, 1975) au bond. Pour cela, il monte à toute vitesse une petite production dont il a le secret, fondée sur le livre de Thomas Page intitulé The Hephaestus Plague, publié en 1973 avec succès. Aidé par l’auteur lui-même, William Castle écrit un traitement qui respecte la structure particulière du roman d’origine et confie la réalisation du produit de série B au Français Jeannot Szwarc qui venait tout juste de s’illustrer à la télévision par ses brillants épisodes pour la série horrifique Night Gallery.
Pour le jeune artisan qui rêvait d’Hollywood, Les insectes de feu (1975) est une aubaine puisque le long-métrage lui offrait l’occasion de montrer sa capacité à gérer un petit budget de manière efficace. Il pouvait ainsi effacer l’échec du drame Extreme Close-Up (1973) qu’il a tourné peu de temps auparavant sur un scénario de Michael Crichton. Soumis à un budget contraint, Jeannot Szwarc a bien du mal à s’extraire d’un rendu télévisuel, d’autant qu’il est obligé d’embaucher des acteurs qui ont surtout des carrières attachées à la petite lucarne. Il peut toutefois diriger Bradford Dillman qui a un passé un peu plus prestigieux que les autres comédiens – et une présence à l’écran bien plus imposante par ailleurs.
Les insectes mettent le feu dans une première partie classique
Certes, le début du film nous précipite sur les rails très prévisibles du film d’agression animale, avec cette fois-ci des insectes sortis d’une faille terrestre et qui enflamment tout ce qu’ils touchent. Cela donne lieu à des séquences assez spectaculaires, comme la destruction d’une église par un tremblement de terre, puis on se souviendra de l’agression d’un chat entièrement brûlé par les insectes tueurs. Parmi les séquences choc du long-métrage, les bisseux approuveront également le passage où la coiffure de Joanna Miles prend feu. Malheureusement, la séquence, au lieu d’être terrifiante, déclenche plutôt l’hilarité. Il s’agit assurément d’un faux pas à l’intérieur d’une œuvre qui est traitée avec un premier degré absolu.
Les insectes de feu ou l’autopsie de la folie d’un homme
Là où Les insectes de feu gagne des points par rapport à ce début banal et filmé de manière assez plate comme le tout-venant de la production télévisuelle d’alors, vient de sa seconde partie tout à fait inattendue. Là où toutes les œuvres de ce genre évoluent vers davantage de spectaculaire, Les insectes de feu devient au contraire de plus en plus intimiste en cours de route, suivant en cela la direction narrative du roman d’origine.
Dès lors, il faut revenir au titre original du film pour mieux l’appréhender. Effectivement, le mot Bug est bien moins littéral que le titre français très descriptif. Certes, un bug désigne en anglais un insecte, mais il peut aussi signifier une erreur ou un défaut. Or, c’est cette dernière occurrence qui donne tout son sens à la dernière partie du long-métrage. Le personnage principal devient effectivement obsédé par les insectes qui ont tué son épouse et il continue à expérimenter sur eux, au point de multiplier les erreurs tel un apprenti-sorcier. Ravagé par une folie autodestructrice, le scientifique brillamment interprété par Bradford Dillman est donc lui-même victime d’un bug psychologique.
Comme un air de Phase IV
Cette deuxième partie du film se révèle bien plus intéressante, y compris sur le plan esthétique, puisque le métrage fait songer au chef d’œuvre de Saul Bass Phase IV (1974), tourné justement l’année précédente et sorti en France quatre mois auparavant. On notera d’ailleurs que les séquences absolument bluffantes avec les animaux ont été réalisées par la même personne, à savoir le brillant Ken Middleham. L’effet est tout à fait saisissant et permet donc aux Insectes de feu d’échapper au tout-venant de la production B de l’époque en proposant des images parfois impressionnantes. Autre point qui rapproche ce long-métrage de Phase IV, la musique électronique et avant-gardiste signée Charles Fox est en tout point comparable à celle du bijou de Brian Gascoigne pour le film de Saul Bass. A chaque fois, cet emballage musical fait d’étranges bruits électroniques contribue à faire du film une œuvre d’ambiance dont l’atmosphère inquiète et fascine en même temps.
Une Licorne d’or au Festival international de Paris du film fantastique et de science-fiction
Loin d’être du niveau de Phase IV, Les insectes de feu n’en demeure pas moins une petite série B valeureuse qui est sortie sous l’égide de Paramount Pictures aux States afin d’alimenter le réseau des drive-in du pays. Cela a permis au film de glaner 3 602 023 $ de recettes (soit 20 460 000 $ au cours de 2023) et de devenir une production tout à fait rentable. Après ce joli coup, le réalisateur Jeannot Szwarc a eu la chance d’être sélectionné pour mettre en boite Les dents de la mer, 2ème partie (1978).
En ce qui concerne la France, Les insectes de feu ont été lâchés sur les écrans au mois de janvier 1976 par la firme CIC après avoir été récompensé de la Licorne d’or au Festival international de Paris du film fantastique et de science-fiction en 1975. Le résultat au box-office fut satisfaisant avec 593 896 entomologistes dans les salles. Ensuite, le long-métrage est sorti en VHS, avant de rester dans les placards de la firme Paramount qui ne lui a pas consacré de DVD et de blu-ray sur notre territoire. Désormais, le métrage est disponible sur Paramount + et en VOD. Il mérite un coup d’œil.
Critique de Virgile Dumez
Box-office :
Le saviez-vous? Les insectes de feu est sorti en France le même jour que Les dents de la mer de Steven Spielberg. Une coïncidence troublante puisque Jeannot Szwarc réalisera lui-même le second épisode de Jaws.
Le 28 janvier 1976 : le jour de la bête
Le 28 janvier 1976 est un jour d’euphorie pour les exploitants qui peuvent compter sur le phénomène américain Jaws pour relancer la fréquentation. La réputation carnassière du film de Steven Spielberg, vendu par CIC, lui vaut 28 écrans à Paris et sa périphérie. C’est massif. La major américaine profite de la curiosité soudaine du public pour les vilaines bestioles, pour lancer un deuxième film au genre identique, Les insectes de feu, oui, un autre produit du répertoire de CIC destinés à ceux qui seraient refoulés de la séance du film de Spielberg pour cause de séances complètes. Les insectes de feu doit néanmoins se contenter de 16 écrans.
On notera que SNC proposait la semaine suivante La fête sauvage, un documentaire animalier du grand Frédéric Rossif. En ce début d’année 1976, les animaux font vendre et le bestiaire se libère. Dans les titres, ils sont omniprésents (Un après-midi de chien, Un animal doué de raison, A cheval sur le tigre).
Le phénomène Les dents de la mer brise la glace
Le mercredi 28 janvier, Les dents de la mer bat tous les records et s’offre un premier jour grandiose à 43 919. Bugs de Jeannot Szwarc décroche avec 3 875 spectateurs. Les pornos de la semaine, notamment Cette cochonne de gardienne, font autant avec seulement 5 écrans !
En France, un froid glacial frappe le pays (cela sera aussi l’année de la grande sécheresse, ndlr) et il faut être courageux pour s’aventurer au cinéma. Néanmoins, Jaws bat des records d’affluence pour une première semaine, avec plus de 309 000 Parisiens et un million de français (1 105 000). Interdit aux moins de 13 ans, les jeunes spectateurs repartent frustrés.
Les insectes de feu en route pour la stabilité
Les insectes de feu est plus sobre : 38 957 Parisiens, avec un pic au Berlitz, où il s’accapare 7 454 tickets. En intra-muros, l’invasion d’insectes souterrains se fait aux Mercury, Luxembourg, Cluny Palace, Nation, Gaumont Sud, Montparnasse Pathé, Clichy Pathé et au Cambronne, seule salle qui n’affiche pas plus de 1 000 spectateurs.
En deuxième semaine, Les insectes de feu, toujours dans 16 cinémas, demeure stable, avec 37 306 Franciliens et un total de 76 263 spectateurs.
Les insectes embrasent encore 12 salles et enflamment 26 906 spectateurs en semaine 3. Cette semaine-là, c’est à la Maxéville, à Paris, qu’ils trouvent le plus de victimes (5 338).
17 458 entrées (9 salles, 4e semaine) ; 11 470 entrées (7 salles, 5e semaine), 9 154 (7 salles, 6e semaine), 3 409 entrées (2 salles, 7e semaine), 2 255 (1 salle, 8e semaine)… Au total, Les insectes de feu demeurent 11 semaines dans les cinémas parisiens, avec 1 347 spectateurs à la Maxeville pour son ultime semaine à Paris, soit un total de 156 062 spectateurs. Pendant ce temps, Les dents de la mer a vu son espace se réduire à 7 écrans, 8 154 baigneurs, mais un total provisoire d’1 107 000 spectateurs.
Les sorties de la semaine du 28 janvier 1976
Voir le film en VOD
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Biographies +
Jeannot Szwarc, Bradford Dillman, Joanna Miles, Richard Gilliland, Jamie Smith-Jackson
Mots clés
Les insectes au cinéma, Les animaux tueurs, Les animaux au cinéma