Les crocs de Satan : la critique du film (1971)

Epouvante-horreur, Gothique | 1h26min (version cinéma) / 1h31min (director's cut)
Note de la rédaction :
6/10
6
Les crocs de Satan, jaquette VHS

  • Réalisateur : Gordon Hessler
  • Acteurs : Stephen Rea, Vincent Price, Hugh Griffith, Elisabeth Bergner, Essy Persson, Patrick Mower
  • Date de sortie: 15 Déc 1971
  • Nationalité : Britannique
  • Titre original : Cry of the Banshee
  • Titres alternatifs : La terreur des Banshee (Belgique) / Der Todesschrei der Hexen (Allemagne) / El grito del fantasma (Espagne) / O Chorar dos Mortos (Portugal) / Zwiastun śmierci (Pologne) / El grito del espanto (Mexique) / Satana in corpo (Italie) / Varulvens dødshyl (Danemark)
  • Année de production : 1970
  • Scénaristes : Tim Kelly, Christopher Wicking
  • Directeur de la photographie : John Coquillon
  • Compositeur : Les Baxter (version cinéma), Wilfred Josephs (version director's cut)
  • Monteur : Oswald Hafenrichter
  • Société de production : American International Pictures (AIP)
  • Distributeur : Film inédit en France. Uniquement diffusé dans le Nord de la France.
  • Éditeur(s) vidéo : RCV (VHS, 1986) / ESC Editions (DVD et blu-ray, 2021)
  • Date de sortie vidéo : 1986 (VHS) / 18 août 2021 (DVD et blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : -
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : 500 000 $ (soit 3,8 M$ au cours de 2023)
  • Rentabilité : -
  • Classification : -
  • Formats : 1.85: 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : Dark Star, l'étoile graphique (jaquette 2021)
  • Crédits :
Note des spectateurs :

Les crocs de Satan n’est pas un grand film gothique, mais il déploie un commentaire politique et social typique de la fin des années 60 qui interpelle. La réalisation de Gordon Hessler est par ailleurs dynamique.

Synopsis : Dans l’Angleterre du XVIIème siècle, Lord Whitman mène une guerre sans merci contre des villageois qu’il suspecte de sorcellerie…

Au départ, un pur film d’exploitation

Critique : Depuis le succès rencontré par Le grand inquisiteur (Reeves, 1968), la firme américaine AIP (American International Pictures) de Samuel Z. Arkoff et James H. Nicholson n’a de cesse d’exploiter le filon du film d’inquisition avec des sorcières comme protagonistes. Cela leur permet notamment d’investir dans des productions britanniques moins coûteuses – et surtout avantageuses sur le plan fiscal – et d’employer ainsi leur acteur sous contrat Vincent Price dans un rôle apprécié par les spectateurs du monde entier. Il s’agit donc d’une bonne affaire commerciale, avant tout.

Cette fois-ci, Arkoff dispose d’un script du dramaturge américain Tim Kelly qui pourrait faire l’affaire et il confie la réalisation de cette production à son fidèle Gordon Hessler qui a déjà signé pour AIP Le cercueil vivant (1969). Toutefois, Hessler n’est aucunement satisfait du script qu’il doit illustrer et il s’adjoint les services de Christopher Wicking pour réécrire l’ensemble du scénario. Ainsi, les deux complices reprennent la structure de base du script d’origine, mais ils en modifient considérablement le sens.

Les crocs de Satan, un commentaire politique sur les sixties

Tout d’abord, ils situent l’intrigue en Angleterre au XVIIème siècle et non en Irlande au XIXème, ce qui était une erreur chronologique manifeste puisqu’aucune chasse aux sorcières n’était identifiable à cette époque. Ensuite, ils ajoutent au long-métrage une dimension politique et sociale qui n’était pas prévue dans le contrat. Ainsi, les deux complices font des autorités locales des monstres qui se servent des superstitions des gens du coin pour affirmer leur pouvoir sur la populace. Parallèlement, les païens sont décrits non pas comme des satanistes dangereux, mais davantage comme des marginaux idéalistes qui ressemblent fort aux mouvements hippies vus à la fin des années 60.

Dans Les crocs de Satan, Gordon Hessler se livre donc à un commentaire sur la société de son temps. Si les marginaux semblent avoir sa préférence, il ne fait pas vraiment preuve de prosélytisme puisque sa description de l’humanité est uniformément négative. On peut seulement saluer sa volonté de montrer les femmes comme les grandes perdantes d’un système patriarcal qui les confine dans des rôles subalternes. On remarque notamment la tendance des hommes à assoir leur pouvoir en accusant celles-ci de tous les maux, et notamment ceux liés à la sorcellerie.

La femme, victime de la folie de puissance des hommes

Maltraitées, torturées, assassinées ou réduites à la folie – comme le beau personnage de la femme de Vincent Price incarnée par la starlette Essy Persson – les femmes sont uniformément désignées comme les agentes du mal qu’il soit païen ou diabolique. On notera d’ailleurs une certaine incohérence thématique puisque le groupe de marginaux est décrit comme païen tout en rendant grâce à Satan, ce qui n’est absolument pas logique. Peut-être est-ce une erreur, ou un moyen pour les auteurs de montrer que la cause importe peu.

Les crocs de Satan, la jaquette ESC

© 1970 Orion Pictures Corporation / © 2021 Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. Design : Dark Star, l’étoile graphique. Tous droits réservés.

Dans la version cinéma promue par Samuel Z. Arkoff – finalement meilleure que le director’s cut d’Hessler, de quatre minutes plus long, mais moins cohérent sur le plan narratif – Les crocs de Satan débute par le massacre d’une communauté païenne. La séquence marque les esprits par le dynamisme de la réalisation et la volonté d’inscrire le long-métrage dans des décors naturels, contrairement aux films de la Hammer, systématiquement tournés en studio. La suite sera à l’avenant avec une caméra mobile, souvent portée à l’épaule et faisant également usage d’angles tarabiscotés. Cela imprime un rythme certain au spectacle, alors même que le scénario demeure trop linéaire dans la description d’une vengeance un brin mécanique dans son exécution.

Des effets spéciaux de maquillage ratés

Effectivement, si le discours social est intéressant, le film d’horreur pâtit d’effets sanglants limités et surtout d’effets spéciaux de maquillage déplorables. A tel point que le cinéaste Gordon Hessler a été contraint de laisser le monstre principal interprété par Patrick Mower dans l’ombre. Bien lui en a pris car les photographies prises à l’époque sur le tournage révèlent un masque particulièrement ridicule. C’est d’autant plus dommage que la musique de Les Baxter – uniquement écoutable sur la version cinéma – est plutôt efficace et inquiétante.

Enfin, Les crocs de Satan se rattrape in extremis par un final improvisé sur le plateau, mais qui a le mérite d’être marquant. Il s’agit d’un climax qui ressemble à s’y méprendre à ceux des EC Comics très populaires à l’époque. Son humour à froid apparaît comme très percutant et permet de finir le long-métrage sur une note très positive qui fait oublier les quelques errements du script.

Sorti avec un certain succès en 1970 dans les pays anglo-saxons, Les crocs de Satan a par contre reçu des critiques très négatives, au point d’être considéré comme un navet insauvable. Cela a été renforcé par l’attitude très condescendante de Vincent Price envers le film, qu’il détestait autant que Samuel Z. Arkoff, son employeur et exploiteur (selon les dires de l’acteur). Diffusé en Belgique sous le titre La terreur des Banshee, le métrage aurait fait une incursion sur le territoire français à partir du 15 décembre 1971 près de la frontière du Nord (source : Encyclociné). Toutefois, on ne peut pas vraiment parler d’une exploitation française en bonne et due forme.

Une VHS et une édition récente dans la collection British Terrors

Les fans de films gothiques britanniques connaissent surtout le métrage par la diffusion de la VHS publiée par RCV en 1986 sous le titre désormais admis de Les crocs de Satan. C’est d’ailleurs ce titre qui a été utilisé à nouveau par ESC Editions pour mettre sur le marché leur combo DVD / blu-ray dans leur collection British Terrors. On notera la présence d’une copie de très bonne qualité, aussi bien sur la version cinéma – que l’on vous conseille – que sur la version director’s cut, de quatre minutes plus longue pour cause de nudité plus marquée et de passages sanglants rallongés de quelques secondes.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 15 décembre 1971

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Les crocs de Satan, jaquette VHS

© 1970 American International Pictures, Inc. Orion Pictures Corporation All Rights Reserved.

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Les crocs de Satan, jaquette VHS

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Epouvante-horreur, Gothique

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