L’énigme de Kaspar Hauser : la critique du film (1975)

Biopic, Drame, Historique | 1h50min
Note de la rédaction :
8/10
8
L'énigme de Kaspar Hauser, l'affiche

  • Réalisateur : Werner Herzog
  • Acteurs : Bruno S., Walter Ladengast, Brigitte Mira, Clemens Scheitz
  • Date de sortie: 29 Oct 1975
  • Nationalité : Allemand
  • Titre original : Jeder für sich und Gott gegen alle
  • Titres alternatifs : The Enigma of Kaspar Hauser (titre international) / El enigma de Gaspar Hauser (Espagne) / O Enigma de Kaspar Hauser (Portugal) / Zagadka Kaspara Hausera (Pologne) / Gåten Kaspar Hauser (Norvège) / L'enigma di Kaspar Hauser (Italie)
  • Année de production : 1974
  • Scénariste(s) : Werner Herzog
  • Directeur de la photographie : Jörg Schmidt-Reitwein
  • Compositeurs : Johann Pachelbel, Orlando di Lasso, Tomaso Albinoni, Mozart
  • Société(s) de production : Werner Herzog Filmproduktion, Zweites Deutsches Fernsehen (ZDF)
  • Distributeur : Michèle Dimitri Films
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : AM Vidéo – RCV Vidéo (VHS, 1982) / Edition Le Cinéma du Monde (DVD) / Opening (DVD en coffret ou couplé à Signes de vie, 2006)
  • Date de sortie vidéo : 1982 (VHS) / 26 octobre 2006 (DVD)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 360 324 entrées / 135 681 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : Grand Prix spécial du jury du Festival de Cannes 1975 / Prix FIPRESCI du Festival de Cannes 1975 / Prix Jean Cocteau 1975 / Prix du Jury œcuménique 1975
  • Illustrateur / Création graphique : Studio 48 (agence)
  • Crédits : Werner Herzog Filmproduktion, Zweites Deutsches Fernsehen (ZDF)
Note des spectateurs :

L’énigme de Kaspar Hauser est un faux film historique, mais une belle réflexion sur ce qui sépare l’homme de l’animal, mais aussi les marginaux de la bonne société civilisée. Une œuvre majeure de Werner Herzog.

Synopsis : Le jour de la Pentecôte, en 1828, à Nuremberg, apparaît sur la grand-place un jeune homme muet et misérable. Personne ne le connaît. Il a l’air idiot. Il est à peine capable de prononcer son nom. C’est Kaspar Hauser. Un homme qui a passé sa vie reclus dans un cachot…

Werner Herzog ou la passion de la marginalité

Critique : Lorsqu’il se lance dans la réalisation de L’énigme de Kaspar Hauser (1974), le réalisateur allemand Werner Herzog a déjà de nombreux films derrière lui, souvent marqués par un goût prononcé pour les êtres issus de la marge. Ainsi, il a fait jouer des nains dans son incroyable Les nains aussi ont commencé petits (1970) et a consacré un documentaire très étrange sur les sourds et aveugles avec Le pays du silence et de l’obscurité (1971). Toutefois, il rencontre pour la première fois un succès international avec son film Aguirre ou la colère de Dieu (1972) qui révèle un auteur habité et désireux de relever des défis totalement fous, comme tourner en plein cœur de la forêt amazonienne avec un acteur principal considéré par beaucoup comme déséquilibré, à savoir l’impressionnant Klaus Kinski.

Au vu de son pedigree, il n’est donc pas étonnant que le cinéaste se soit passionné pour l’histoire vraie de Kaspar Hauser, cet homme qui ne savait pas parler, apparu un jour de mai 1828 sur la place de la ville de Nuremberg. Pourtant, Werner Herzog n’a pas cherché à réaliser un film réellement historique et, comme c’était déjà le cas avec Aguirre, il a préféré laisser vagabonder son imagination pour raconter l’histoire d’un enfant sauvage – ce que n’était pas le vrai Kaspar Hauser.

L’état de nature est-il soluble dans la civilisation ?

Dans son film, Herzog fait de ce personnage un être qui a été enfermé pendant toute son enfance et son adolescence et qui a donc été préservé de l’influence de tout être humain. Il prend donc le protagoniste en plein état de nature. Son but est bien de s’interroger sur ce qui différencie un être humain d’un animal. Mais surtout, Werner Herzog en profite pour se moquer de manière cinglante des us et coutumes de toute société dite civilisée. Encore une fois, il s’intéresse donc à un être marginal qui ne correspond en rien au moule défini par la haute bourgeoisie. Son personnage suit d’ailleurs un parcours assez similaire à celui de John Merrick dans le futur Elephant Man (1980) de David Lynch.

D’abord considéré comme un simple d’esprit, Kaspar est exposé à la vue des curieux dans un cirque typique du 19ème siècle où l’on exposait des animaux exotiques comme des ours et des chameaux, mais aussi des êtres humains considérés comme difformes. Bref ce que l’on qualifie aujourd’hui de zoos humains. Victime de l’exploitation de marchands sans scrupules, Kaspar Hauser est ensuite recueilli par un professeur issu de la bonne société – joué par Walter Ladengast – qui va lui apprendre les règles nécessaires à sa survie dans ce monde bourgeois.

L’énigme de Kaspar Hauser révèle l’étonnant Bruno S.

Dès lors s’ouvre la deuxième partie du film où Kaspar Hauser est présenté cette fois à la haute société allemande, avec le même degré de curiosité qu’auparavant. Ainsi, sous des dehors civilisés, ces hommes et ces femmes font preuve du même voyeurisme que le petit peuple. Pire, les hommes d’Eglise tentent de le convertir alors même que Kaspar n’a aucune prédisposition pour la spiritualité. En réalité, celui-ci déploie plutôt un esprit très rationnel et scientifique qui contredit les habitudes de la société de l’époque. On sent bien ici le point de vue d’un cinéaste qui prend le parti des iconoclastes face aux raseurs de l’administration. Ce qui est confirmé par le titre original du film que l’on peut traduire par : « Chacun pour soi et Dieu contre tous ».

Assez jubilatoire dans son discours, L’énigme de Kaspar Hauser ne serait pas aussi réussi sans la prestation totalement hallucinante de Bruno S., acteur non professionnel déniché par Werner Herzog. Avec son regard inquiétant, Bruno S. ne cesse de fasciner et son expérience de plus de 23 ans en hôpital psychiatrique apporte une touche de véracité à son personnage. D’ailleurs, Werner Herzog fut tellement content de cette découverte qu’il lui a consacré un film entier intitulé La ballade de Bruno en 1977.

Un franc succès au Festival de Cannes 1975

Œuvre dingue, mais cadrée de manière très rigoureuse et marquée par une certaine lenteur hypnotique – comme la plupart des films du cinéaste de cette époque d’ailleurs – L’énigme de Kaspar Hauser a été présenté avec succès au Festival de Cannes 1975 où il a décroché le Prix spécial du jury, ainsi que plusieurs autres récompenses annexes. Sorti au mois d’octobre 1975 dans les salles françaises, alors envahies de productions pornographiques, le long-métrage a tout de même intéressé 360 324 cinéphiles sur l’intégralité du territoire. Plutôt une belle performance pour une œuvre au sujet pas franchement facile d’accès.

Le drame historique allemand a ensuite été édité en VHS en 1982, avant d’être repris en DVD à de multiples reprises par l’éditeur Opening. On attend toutefois toujours dans nos contrées une version restaurée en blu-ray. Cet OVNI le mérite vraiment.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 29 octobre 1975

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L'énigme de Kaspar Hauser, l'affiche

© 1974 Werner Herzog Filmproduktion – Zweites Deutsches Fernsehen (ZDF) / Affiche : Studio 48 (agence). Tous droits réservés.

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Werner Herzog, Bruno S., Walter Ladengast, Brigitte Mira

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L'énigme de Kaspar Hauser, l'affiche

Bande-annonce de L'énigme de Kaspar Hauser (VOSTA)

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