Légionnaire accumule tous les poncifs du film d’aventures exotiques dans un ensemble mou et désincarné, malgré un budget conséquent.
Synopsis : Marseille, 1924. Pour échapper à la mafia locale après un match de boxe truqué, Alain Lefèvre se voit contraint de changer d’identité en s’enrôlant dans la Légion étrangère. Avec des dizaines de nouvelles recrues, il se retrouve au Maroc où l’attend un entraînement inhumain destiné à le préparer au combat dans le désert. Peu de temps après, les soldats sont envoyés aux confins du Sahara pour tenir le fort Brenelle qu’assiègent les rebelles berbères. Isolés face à des ennemis de plus en plus nombreux, les légionnaires vont devoir livrer un combat sans merci…
Un projet ambitieux porté par Jean-Claude Van Damme
Critique : Alors que la carrière de Jean-Claude Van Damme commence à sérieusement battre de l’aile, il parvient tout de même à monter un ambitieux projet tournant autour de la Légion étrangère. La volonté de Van Damme et de son fidèle complice Sheldon Lettich (réalisateur de Full Contact et Double impact) est de rendre un hommage sincère aux grands films d’aventures exotiques qui ont pullulé sur les écrans durant les années 30, puis 50. Il s’agit pour la star belge du film d’action de se diversifier et prouver qu’il est capable de sortir de sa zone de confort pour se lover dans un cinéma conçu comme plus prestigieux.
Les compères parviennent à réunir des fonds importants – on parle d’un budget supérieur à 20 millions de dollars – afin de reconstituer la France des Années folles, puis de tourner dans le désert marocain. Pourtant, Sheldon Lettich abandonne le projet quelques jours avant le début du tournage et c’est finalement le réalisateur de seconde équipe Peter MacDonald qui se retrouve en charge de la réalisation. Celui-ci apparaît comme une solution de repli avantageuse puisqu’il a déjà eu une expérience similaire sur Rambo 3 (1988) où il a dû remplacer au pied levé Russell Mulcahy. Pas sûr que les producteurs aient gagné au change puisque le cinéaste a toujours été incapable de livrer des œuvres vraiment intéressantes, alors qu’il demeure un formidable technicien.
Des clichés, des clichés, encore des clichés !
Avec Légionnaire (1998), le réalisateur Peter MacDonald ne semble guère plus inspiré que sur ses autres films. Il suit scrupuleusement un script plutôt médiocre et se contente donc d’illustrer platement les mésaventures de ce boxeur obligé d’entrer dans la Légion pour fuir l’ire de la mafia. Le problème majeur du long-métrage vient de son incapacité à dépasser les poncifs du film d’aventures. Ainsi, le spectateur habitué se retrouve devant une œuvre routinière où aucune scène ne semble véritablement émerger. Dès que l’on apprend que Van Damme est boxeur, on se doute qu’il va refuser de se coucher et que cela entraînera sa disgrâce. Lorsqu’il arrive à la Légion, il se retrouve confronté à un sergent sadique (Steven Berkoff en mode éructant), mais il pourra compter sur ses camarades pour l’épauler. Toutes les séquences fourmillent de clichés, tous plus usés les uns que les autres.
Pire, le script se base sur un retournement de situation improbable lié à une photographie de la Légion diffusée dans la presse, ce qui est impossible puisque cette institution est fondée sur l’anonymat de ses membres. D’une lourdeur infinie, Peter MacDonald surligne chaque émotion à grands coups de flashback douteux (souvent au ralenti) et tue ainsi tout espoir d’empathie du spectateur pour des personnages taillés à la serpe. Ainsi, dans Légionnaire, les méchants sont très méchants et les gentils très gentils. La nuance n’y a pas sa place.
JCVD perdu dans le désert marocain
Spectacle mou où même Van Damme semble absent (il était alors dans une période difficile liée à de fortes addictions), Légionnaire est un film d’aventures médiocre qui ne se réveille que dans son dernier quart d’heure avec une bataille finale plutôt bien fichue. On retrouve là les qualités de technicien de Peter MacDonald, avec une bonne gestion de l’espace, de beaux mouvements de caméra à la grue et des moments de pure pyrotechnie. Il est toutefois trop tard pour réveiller le spectateur, depuis longtemps assoupi devant tant de platitudes.
Devant la médiocrité du résultat final et le faible potentiel du sujet pour le public américain, le distributeur a décidé de diffuser le film directement en vidéo sur le sol nord-américain. En France, Légionnaire fut l’une des dernières sorties en salles pour JCVD. Le résultat piteux de 189 449 entrées sur tout le territoire national a douché les espoirs de son distributeur Metropolitan FilmExport. Un échec aussi cruel que compréhensible pour le futur roi du DTV lors de la décennie à venir.
Critique de Virgile Dumez