Baseball, business et stratégies de terrain par le réalisateur de Truman Capote. Le stratège est à réserver aux aficionados uniquement.
Synopsis : Billy Beane est puni par son succès. Parce que l’équipe de baseball professionnel dont il est le directeur général, les Athletics d’Oakland, s’est rendue en finale de sa division, ses joueurs vedettes ont accepté des offres d’organisations beaucoup plus riches que la sienne. Alors qu’il tente d’acquérir un lanceur de premier plan, l’ex-joueur de baseball divorcé et père d’une adolescente fait la connaissance de Peter Brand, un économiste issu de l’université Yale. Celui-ci a créé une formule mathématique permettant d’identifier, au moyen de statistiques rigoureuses, les joueurs de la ligue susceptibles de former l’équipe la plus performante. Sans tenir compte de l’opinion de ses recruteurs, Beane l’embauche sur le champ et fait sur ses conseils appel à des laissés-pour-compte. Après un début de saison désastreux, au cours duquel Beane en découd avec l’entraîneur buté de l’équipe, les Athletics consolident leurs forces et remontent la pente. Durant la saison 2002, ils battront le record du plus grand nombre de victoires consécutives.
2 longues heures de stratégie autour du baseball
Critique : Produit par Brad Pitt en personne, Le stratège est moins un film sur le sport qu’une réflexion sur le business qui l’entoure. Le nouveau long métrage de Bennett Miller, six ans après Truman Capote, que devait réaliser initialement Steven Soderbergh, s’interroge sur la possible survie des équipes sans le sou et donc sans la possibilité de s’approprier les meilleurs joueurs sur le marché. C’est une vision marchande du baseball qui est privilégiée, puisqu’à partir d’une stratégie somme toute arithmétique, mise au point par un jeune licencié d’Harvard, le recrutement prend une autre forme, plus ouverte aux défauts des uns et des autres, pour se concentrer sur des probabilités et des qualités spécifiques chez le joueur. Dans un contexte aussi précis, les exploits sportifs et autre psychologie des joueurs (ici ils sont interchangeables, voir jetables !) sont relégués au dernier plan.
Cette fable capitaliste ambiguë dont on ne ressort pas forcément emballé par le personnage réel joué par Brad Pitt (le manager contesté des Oakland A’s qui va mener son équipe à un record sans précédent) ne passionne déjà pas par son sujet sportif très américain. Mais vue sous cet angle pointu, elle n’offre que peu d’empathie et d’exaltation.
Six nominations aux Oscars
Les joies et moments de stress des grands matchs sont ici refroidis par une vision comptable du sport, qui nous plaît encore moins. Bref, Brad Pitt a beau être solide dans son jeu, la photographie de Wally Pfister qui remplaça au pied levé Adam Kimmel, chef op arrêté pour des raisons sordides de possession d’explosifs et d’agressions sexuelles, a beau être soignée, et la réalisation froide de Miller (très proche de celle de son Truman Capote) a beau exercer un vrai point de vue d’auteur, l’on suit ces deux longues heures de stratégies financières et sportives sans jamais réussir à se sentir concerné. On laissera donc ce succès américain, aux 6 nominations aux Oscars 2012, dont Meilleur film et Meilleur acteur, aux seuls passionnés de la batte. Et ils ne furent pas nombreux en dehors des Etats-Unis.
Le stratège, un échec international
Sorti en France le 16 novembre 2011, Le stratège est devenu l’un des plus gros échecs de Brad Pitt de par chez nous, avec 112 000 spectateurs. Sur près de 50 films en 30 ans de carrière, seuls les indépendants Johnny Suede (1992), Kalifornia (1993), Cool World (1994), Full Frontal (2002) auront fait moins auparavant, et Vue sur la mer par la suite (2015).
La stratégie de Sony de distribuer le film à l’international était risquée. La production sur le baseball passera de 77 846 entrées en première semaine à 5 766 en 3e, perdant respectivement 69 et 76% de sa fréquentation en 2e et 3e semaines.
Sans Brad Pitt à l’affiche, le troisième long de Bennett Miller n’aurait probablement pas eu les honneurs d’une distribution large dans 174 cinémas.
Le résultat sera encore pire en Allemagne où le film a ouvert en 21e position du box-office national. Idem en Italie. L’Espagne, le Royaume-Uni et la Russie feront à peine mieux qu’en France.
Les deux seuls marchés internationaux où Le stratège se distinguera sera l’Australie, avec 5M$ de recettes et surtout le Japon, éternel terre de groupies de Brad Pitt, avec plus de 11M$.