Le soleil des voyous est un petit film de casse dispensable, mais qui fait preuve d’une certaine efficacité et repose sur les épaules du grand Jean Gabin. Agréable à défaut d’être original.
Synopsis : Denis Farrand est un homme tranquille et riche, propriétaire d’un café, d’un garage et d’une auberge luxueuse. Il jouit de la considération générale de la ville. Pourtant dans sa jeunesse, il était Denis “le fignoleur”, un truand rusé et audacieux. Pour l’amour de Marie-Jeanne qu’il a épousée, il s’est rangé définitivement. En face de son bar, se trouve une banque. Toutes les fins de mois, lorsque Denis reste pour faire ses comptes, il peut voir le convoi qui vient chercher la paye du centre nucléaire de Farville. Alors Denis rêve… petit à petit il échafaude le coup qu’il aurait monté dans sa jeunesse…
Un film de casse calibré pour Jean Gabin
Critique : Fin 1966, Jean Gabin connaît son premier échec commercial depuis une décennie avec Le jardinier d’Argenteuil (Le Chanois) qui ne convainc que 868 897 amateurs de verdure à faire le déplacement en salles. Une sacrée déconvenue pour l’acteur dont la plupart des films émargent d’ordinaire entre 2 et 4 millions de spectateurs. La star veut donc réparer ce faux pas en tournant une œuvre purement commerciale qui rassurerait son public de fidèles.
Pour cela, les producteurs Maurice Jacquin et Raymond Danon optent pour l’adaptation d’un roman policier de J. M. Flynn intitulé The Action Man, publié en 1961 – et traduit la même année sous le titre Je fignole dans la collection française de la Série Noire. Adapté par Alphonse Boudard, le roman ressemble par bien des aspects à l’intrigue de Mélodie en sous-sol (Verneuil, 1963), puisque l’on retrouve en son centre un casse mené par un ancien gangster assisté d’un jeune loup. Cette fois-ci, Gabin retrouve le réalisateur Jean Delannoy, avec lequel il a tourné la série des Maigret, et se retrouve confronté à un acteur américain en la personne de Robert Stack. Ce dernier a déjà tourné plusieurs films en France où il a acquis une solide popularité grâce à la série télévisée des Incorruptibles.
Casting international pour star française au sommet
Afin de donner une allure plus internationale au produit fini, Delannoy dirige également l’actrice britannique Margaret Lee qui est alors très présente dans la production populaire européenne. Toutefois, l’intégralité du film tourne autour du personnage de vieux truand rangé des affaires incarné par un Jean Gabin en mode automatique. Effectivement, l’acteur n’a plus rien à prouver dans un emploi dont il maîtrise toutes les nuances. Il mène la danse avec son talent habituel et une formidable présence à l’écran. Face à lui, Robert Stack fait un jeune loup convaincant et Margaret Lee est un indéniable atout de charme.
Le plus intéressant dans Le soleil des voyous (1967) vient du casse central dont la description précise et réaliste constitue le morceau de bravoure. Ce passage assez long est mené avec efficacité et un certain sens du suspense par Jean Delannoy dont le savoir-faire n’est plus à prouver. Toutefois, il manque à l’ensemble un semblant d’originalité, une passion qui n’affleure que trop rarement.
Le soleil des voyous, un produit bien confectionné
Le long-métrage est assurément réussi, mais ne se distingue guère du tout-venant de l’époque et ne présente donc guère d’intérêt, à moins d’adorer l’atmosphère de ces polars des années 60. Seul élément un peu plus original, le personnage interprété par Jean Topart très attaché à sa mère – l’excellente Lucienne Bogaert – vient nous rappeler à quel point l’homosexualité était souvent associée à l’époque à des figures de criminels et de désaxés. On notera également la présence d’une scène de lutte plutôt violente entre Robert Stack et un truand. Leur affrontement est non seulement bien chorégraphié, mais l’usage d’un chalumeau ajoute une petite note de sadisme qui détonne dans ce type de divertissement généralement bon enfant.
Grâce à un retournement de situation plutôt bien amené, Le soleil des voyous est donc un divertissement correct et bien mené, malgré un aspect routinier qui l’empêche de s’élever au-dessus de la mêlée.
Un joli succès sur la durée
Sorti fin mai 1967, le long-métrage a pris la tête du box-office parisien et restera numéro 1 pendant deux semaines, avec des scores corrects, mais pas nécessairement exceptionnels. En réalité, c’est surtout la province qui va célébrer le retour de Gabin au polar. Si le film n’arrive pas à la première place du box-office français lors de sa semaine d’investiture à cause du phénomène La grande vadrouille (Oury), il va se comporter de manière magnifique tout au long de l’été et de l’automne 1967.
Porté par un bon bouche-à-oreille, Le soleil des voyous a profité d’une superbe stabilité pendant de longs mois d’exploitation, restant même durant plusieurs mois dans les cinq premières places du box-office national. Le film de gangsters termine sa très longue carrière commerciale avec 2 149 267 fidèles et une seizième place annuelle. Notons que le film fut également un succès à l’étranger avec plus d’un million et demi d’entrées en Italie. Une bonne affaire pour un petit film agréable, mais totalement dispensable.
Critique de Virgile Dumez