Davantage un drame personnel qu’un film sur l’éducation, Le principal est surtout porté par d’excellents acteurs et une écriture fine des personnages. La réalisation banale et l’absence de grand drame empêchent toutefois l’ensemble de marquer durablement les esprits.
Synopsis : Sabri Lahlali, Principal adjoint d’un collège de quartier, est prêt à tout pour que son fils, sur le point de passer le brevet, ait le dossier scolaire idéal. Mais il ne sait pas jusqu’où son entreprise va le mener…
A la base du Principal, une histoire vraie…
Critique : Pour écrire le scénario du Principal (2022), l’acteur-réalisateur Chad Chenouga s’est inspiré d’une histoire vraie qui lui a été racontée par deux professeurs de collège, à propos d’un principal adjoint qui avait triché lors de l’examen du brevet en fournissant les corrigés à son fils la veille des épreuves. Pourtant, loin d’être sanctionné, celui-ci était parvenu à devenir principal et l’affaire avait été étouffée. A cette intrigue initiale qui sert de fil rouge au film, Chad Chenouga a ajouté des éléments plus personnels comme la relation entre le protagoniste principal (très juste Roschdy Zem) avec son frère à la fragilité mentale certaine (très bon Hedi Bouchenafa). Il s’agit effectivement d’un élément plus autobiographique qui enrichit encore un peu plus le sujet.
Ainsi, Le principal ne se veut pas tant une œuvre sur l’Education nationale que la description psychologique d’un homme qui s’est battu toute sa vie pour échapper à son milieu, mais qui s’effondre près de la ligne d’arrivée. Venu d’une cité, Sabri, le personnage de principal adjoint joué avec autorité par Roschdy Zem, fait tout son possible pour oublier d’où il vient, même si son frère le ramène toujours à son point de départ. D’ailleurs, la dimension autobiographique apparaît très nettement dans ces séquences intimes entre frangins.
Regarde un homme tomber
Pour autant, le métrage s’attache surtout à décrire la relation entre cet homme fier de sa position ascendante et son entourage proche. Visiblement marqué par l’échec de son couple avec Marina Hands, le principal adjoint entretient une relation plutôt tendue avec son fils (Jibril Bhira, au jeu naturel). Plaçant tous ses espoirs dans sa progéniture, il ne peut envisager l’échec de cet adolescent en qui il n’a pas totalement confiance. C’est cette obsession de la réussite à tout prix qui le pousse à la faute et à commettre l’irréparable.
© 2022 Hole In One Films – Why Not Productions / Photo : Malgosia Abra. Tous droits réservés.
Figure d’autorité qui représente aux yeux de tous et de la principale (formidable Yolande Moreau) un modèle de droiture, Sabri commet la faute de tricher au profit de son fils et commet donc un véritable suicide social. Certes, le long-métrage se termine bien pour lui sur le plan institutionnel puisqu’il ne perd pas sa promotion – un joli tacle envers une institution qui pratique l’omerta depuis des décennies – mais l’homme perd l’essentiel, à savoir le respect de ses proches et de son entourage.
Le principal souffre d’un manque de ressorts dramatiques marquants
Réalisé de manière très sobre par Chad Chenouga, Le principal est donc une étude de caractère plutôt bien écrite et relativement fine dans son approche des personnages. Malheureusement, la durée très resserrée du métrage (moins d’une heure et vingt minutes sans le générique) ne lui permet pas d’approfondir suffisamment sa thématique. On aurait souhaité que certaines pistes soient développées, comme ses relations particulières avec son frangin, mais aussi avec son ex-conjointe. De même, la tentation de glisser vers le thriller ne se concrétise jamais vraiment.
Assez proche d’un certain cinéma social à la Pierre Jolivet, Le principal souffre sans aucun doute de la multitude de ses pistes ouvertes et non suivies. De même, la fin très ouverte, qui insiste tout de même sur la solitude de l’homme enfermé dans sa quête d’ascension, laisse peu de place au drame et ne marquera donc pas les esprits.
Une déception en salles
D’ailleurs, le grand public ne s’est guère précipité pour découvrir le long-métrage en salles. Lors de sa semaine d’investiture le 10 mai 2023, ils ne furent que 60 604 spectateurs dans toute la France dans 273 cinémas. Preuve d’une satisfaction moyenne, le métrage a perdu 50 % de son public-cible dès la seconde semaine avec seulement 33 220 conseillers d’éducation. Le drame doit donc patienter pour atteindre péniblement la barre des 100 000 spectateurs en une vingtaine de jours. Par la suite, le métrage s’est maintenu à l’affiche jusqu’au début du mois de juillet pour un total peu enthousiasmant de 120 214 entrées, ce qui est insuffisant.
Cette indifférence générale vis-à-vis du film le condamne à n’être exploité qu’en DVD à partir du mois de septembre 2023, réservant la version HD pour la VOD. Pourtant, le film n’est pas dénué de qualités, mais il lui manque un quelque chose qui le rendrait vraiment marquant.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 10 mai 2023
Acheter le film en DVD
Voir le film en VOD
© 2022 Hole In One Films – Why Not Productions / Affiche : Le Cercle Noir pour Fidelio. Photo : Malgosia Abra. Tous droits réservés.
Biographies +
Chad Chenouga, Roschdy Zem, Philippe Duquesne, Yolande Moreau, Marina Hands, Agnès Soral, Yannick Choirat, Jibril Bhira, Hedi Bouchenafa
Mots clés
L’école au cinéma, La famille au cinéma, La banlieue au cinéma, Les relations père-fils au cinéma