Autofiction très personnelle, Le livre des solutions n’est pas forcément une grande réussite par manque de recul de Michel Gondry. Certes, l’auteur y est sincère, mais on peut également rester de marbre face à cette confession trop nombriliste.
Synopsis : Marc s’enfuit avec toute son équipe dans un petit village des Cévennes pour finir son film chez sa tante Denise. Sur place, sa créativité se manifeste par un million d’idées qui le plongent dans un drôle de chaos. Marc se lance alors dans l’écriture du Livre des Solutions, un guide de conseils pratiques qui pourrait bien être la solution à tous ses problèmes…
Retour de Michel Gondry avec une autofiction
Critique : Après une longue période durant laquelle le cinéaste Michel Gondry a tourné des courts métrages, des épisodes de séries télé et quelques clips, il revient enfin au long métrage de fiction avec Le livre des solutions (2023), huit ans après sa charmante comédie adolescente Microbe et Gasoil (2015). En réalité, il ne s’agit pas tant un retour à la fiction qu’un détour par l’autofiction puisque ce nouveau film raconte plus exactement une difficile période de la vie du réalisateur, pendant la création de L’écume des jours en 2013.
En réalité, la plupart des mésaventures de Marc Becker dans le film (interprété par un Pierre Niney survolté) font écho à la propre expérience vécue par Michel Gondry durant le processus de création de l’adaptation du roman de Boris Vian. C’est notamment pendant ce process chaotique que le cinéaste a consulté un psychiatre qui lui a diagnostiqué un trouble bipolaire. Selon ce que nous montre Le livre des solutions, Michel Gondry aurait donc mené la vie dure à ses proches collaborateurs pendant la création de cette imposante production budgétée à plus de 20 millions d’euros.
Tenter de rire de ses propres manies… et ne pas y parvenir
Toujours aussi indépendant dans l’âme, le cinéaste aurait ainsi eu l’idée de proposer un film d’une durée de quatre heures avec un intermède animé, ce qui fut bien entendu refusé par les producteurs puisqu’il s’agissait d’un pur suicide commercial. C’est donc cette phase particulièrement douloureuse qu’a souhaité raconter Gondry dans Le livre des solutions. Sans doute était-ce une manière de se mettre à distance par rapport à ce qui est arrivé et de faire le point, tout en injectant de l’humour afin de divertir un minimum le spectateur.
Malheureusement, Michel Gondry a sans doute un peu trop présagé de sa capacité à livrer une œuvre autobiographique qui pourrait vraiment intéresser le spectateur. Effectivement, le personnage incarné par Pierre Niney n’apparaît pas tant comme un créateur génial et incompris que comme un être profondément instable dont les relations avec ses collaborateurs sont très largement toxiques. Il n’est donc pas si drôle que voulu et peut même se révéler horripilant la plupart du temps. Sa tendance à vouloir être original à tout prix est sans aucun doute ce qui fait le prix de son œuvre, mais cela tient peu compte de la capacité des autres à supporter ses lubies.
Beaucoup trop de nombrilisme
Certes, Michel Gondry tente bien de montrer les errances psychologiques de son protagoniste, mais il semble beaucoup l’excuser, même lorsque son comportement est purement inacceptable. Enfin, il n’est pas interdit de trouver la démarche nombriliste, voire franchement prétentieuse lorsque le cinéaste clame à qui veut l’entendre que c’est le prix à payer pour être un artiste de valeur. En fait, Le livre des solutions ne touche jamais le spectateur qui a le sentiment d’assister à une comédie peu amusante tournant en rond autour de la petite personne narcissique du créateur soi-disant génial.
Outre le fait que le réalisateur ne dit pas grand-chose sur le cinéma – l’opposition entre les vrais artistes et les financiers carnassiers n’est qu’un cliché assez éventé – il passe surtout à côté des nombreux personnages périphériques qui ne parviennent pas à exister. Dans ce marasme, seule surnage Françoise Lebrun qui incarne la tante Denise (référence à la véritable tante Suzette que le cinéaste a filmé en 2010 dans son documentaire L’épine dans le cœur). Sinon, Blanche Gardin n’a tout bonnement rien à jouer et l’on peut en dire quasiment autant de Frankie Wallach et Camille Rutherford.
Encore une fois, les comédiennes ne sont aucunement en cause, mais l’écriture trop autocentrée ne leur permet pas vraiment d’exister à l’écran. Enfin, ce n’est pas la petite apparition de Sting dans son propre rôle qui vient relancer la machine grippée de cette comédie dramatique ni vraiment drôle, ni profondément touchante. Cet acte créateur qui était sans doute aussi une étape thérapeutique nécessaire n’est donc aucunement indispensable dans la filmographie d’un artiste capable de beaucoup mieux.
Box-office du Livre des solutions
Lors de sa sortie au mois de septembre 2023, Le livre des solutions a pu compter sur le soutien d’une très large majorité de la presse acquise depuis la présentation du film à la Quinzaine des Cinéastes à Cannes, tandis que le grand public ne semble pas avoir été aussi convaincu. Le métrage bénéficie d’une large sortie sur 374 écrans, sans aucun doute motivée par la présence en tête d’affiche du très populaire Pierre Niney. Il fait notamment le plein lors de ses nombreuses avant-premières (14 062 entrées), mais réussit moins sa première journée d’exploitation avec seulement 25 110 entrées sur une large combinaison de salles.
A l’issue de sa première semaine, le film génère la curiosité de 188 920 spectateurs et se retrouve donc en quatrième position du box-office national. Soutenu par son distributeur qui injecte de nombreuses copies supplémentaires, Le livre des solutions ne perd que 41% de ses entrées en semaine 2 et convainc donc 111 124 retardataires. Mais c’est en troisième septaine que The Jokers passe à l’offensive en poussant le film dans 725 salles, ce qui limite sa chute à 33 % et lui permet de glaner encore 73 920 cinéphiles. Ainsi, cette stratégie d’occupation du terrain s’avère payante avec un franchissement des 400 000 entrées en un peu moins d’un mois. Pour finir, en 14 semaines de présence dans les salles, Le livre des solutions a doublé ses résultats de la première semaine et se positionne à 455 239 entrées. Cela fait tout de même du film l’un des plus mauvais scores de Pierre Niney depuis une dizaine d’années (si l’on excepte le flop d’Amants de Nicole Garcia en 2020).
Critique de Virgile Dumez