Après une première partie plutôt drôle, Le deuxième acte échoue justement dans sa bascule centrale pour devenir un film autocentré et autosatisfait qui reflète malheureusement l’état actuel du cinéma français.
Synopsis : Florence veut présenter David, l’homme dont elle est follement amoureuse, à son père Guillaume. Mais David n’est pas attiré par Florence et souhaite s’en débarrasser en la jetant dans les bras de son ami Willy. Les quatre personnages se retrouvent dans un restaurant au milieu de nulle part.
Le deuxième acte, une énième mise en abyme pour Quentin Dupieux
Critique : Tournant plus vite que son ombre, le cinéaste Quentin Dupieux semble toujours privilégier la rapidité d’exécution à la réflexion, comme pouvaient le pratiquer autrefois les adeptes de l’écriture automatique. Ici, on pense davantage à un cadavre exquis tant Le deuxième acte semble s’échapper dès que le spectateur tente de le saisir. Sans en révéler la teneur narrative – même si tout est relatif puisque l’intrigue est évanescente – nous nous bornerons à préciser que Quentin Dupieux commence à sérieusement tourner en rond.
Effectivement, après nous avoir fait le coup de la mise en abyme une bonne dizaine de fois dans sa (déjà) longue filmographie, il paraît radoter ces derniers temps. Après une mise en abyme théâtrale (Yannick) et journalistique (Daaaaaali), voici que le réalisateur malin s’en prend au cinéma lui-même en nous conviant au tournage d’un film d’auteur français qui part totalement en vrille. Toutefois, l’humour se teinte désormais d’une conscience et on pense à plusieurs reprises au titre du livre de Freud Malaise dans la civilisation en cours de projection.
Une première partie assez cinglante et réussie
Ainsi, Dupieux brise assez rapidement le quatrième mur et se désintéresse très vite du film censé être en tournage pour s’arrêter sur les relations houleuses entre les acteurs du long métrage. Cette première partie est de loin la plus réussie, avec notamment de nombreuses piques humoristiques sur l’ambiance nauséabonde qui règne actuellement sur les consciences, sommées de ne jamais déborder du cadre strict imposé par le respect envers les minorités, y compris lorsque cela se fait par le biais de l’humour. Sur le refrain désormais classique du « on ne peut plus rien dire », le réalisateur se veut volontairement provoquant en mettant en boite toute forme de communautarisme, aussi bien que le mouvement #MeToo et ses excès.
© 2024 – Chi-Foumi Productions – Arte Cinéma
Même si l’on sait bien que le cinéaste n’a rien contre ces luttes légitimes, on le sent énervé, à juste titre, contre les chasses aux sorcières menées actuellement sans aucun discernement. Au passage, il en profite aussi pour régler leur compte aux acteurs et à la grande « famille » du cinéma français. On adore notamment la prétention extrême du personnage incarné par Vincent Lindon, mais aussi la rouerie de celui interprété par Louis Garrel. Enfin, Léa Seydoux prend un risque certain en jouant une actrice manipulatrice qui se sert de la vague actuelle pour instaurer un climat malsain sur le tournage.
Le Deuxième Acte, en blu-ray chez Diaphana Vidéo © 2024 – Chi-Foumi Productions – Arte Cinéma
Une deuxième partie en roue libre, vaine et prétentieuse
Toutefois, comme trop souvent au cœur de la filmographie du réalisateur, ces moments très réussis vont être en partie gâchés par une seconde partie qui part totalement en vrille, au point de laisser le film s’effondrer dans une absence totale d’intérêt. Sa critique de l’IA tombe complètement à plat, se révélant même d’une lourdeur extrême, tandis que les derniers échanges entre les personnages (qui sont désormais du film dans le film dans le film) sont marqués du sceau de l’inconséquence. L’ennui s’installe alors durablement, ce qui est tout de même un comble pour une œuvre d’une durée très courte. Et que dire du dernier plan, un long travelling qui n’a pour autre objet que de filmer des rails de travelling, si ce n’est qu’il démontre la limite d’un projet finalement très nombriliste.
D’ailleurs, la mise en abyme fonctionne parfaitement bien puisque les acteurs évoquent à un moment du film le fléau des salles désertées par le public. Vu dans une salle vide, Le deuxième acte ne risque effectivement pas de réconcilier le grand public avec le cinéma français actuel qui meurt à petit feu de son entre-soi insupportable. Esthétiquement sans attrait, dépourvu du moindre intérêt sur le plan purement narratif, Le deuxième acte est assurément une œuvre risquée et audacieuse qui plaira sans doute aux cinéphiles les plus aventureux. Les autres ont parfaitement le droit de trouver cela vain et affreusement prétentieux.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 15 mai 2024
© 2024 – Chi-Foumi Productions – Arte Cinéma / Affiche © CheckMorris
Biographies +
Quentin Dupieux, Léa Seydoux, Vincent Lindon, Louis Garrel, Raphaël Quenard, Manuel Guillot
Mots clés
Comédie décalée, Le film dans le film au cinéma, Les histoires incompréhensibles au cinéma, Les films d’ouverture de Cannes