La vie devant soi : la critique du film (1977)

Drame | 1h45min
Note de la rédaction :
7/10
7
La vie devant soi, l'affiche

  • Réalisateur : Moshé Mizrahi
  • Acteurs : Simone Signoret, Costa-Gavras, Claude Dauphin, Geneviève Fontanel, Samy Ben-Youb, Michal Bat-Adam, Ibrahim Seck
  • Date de sortie: 02 Nov 1977
  • Nationalité : Français
  • Scénariste : Moshé Mizrahi d’après le roman d’Émile Ajar (Romain Gary)
  • Directeur de la photographie : Nestor Almendros
  • Compositeur : Philippe Sarde, Dabket Loubna
  • Distributeur : Warner Columbia
  • Editeur vidéo : Warner Home Video (VHS)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 1 977 455 entrées / 566 960 entrées
  • Récompenses : Oscar du meilleur film en langue étrangère 1978 / Simone Signoret : « César de la meilleure actrice » César 1978 / Bernard Evein : Nomination catégorie « Meilleur décor » César 1978 / Jean-Pierre Ruh : Nomination catégorie « Meilleur son » César 1978
  • Format : 1.66 : 1 / Son : Mono
  • Crédits affiche : © Guy Jouineau ; Guy Bourduge. Tous droits réservés.
Note des spectateurs :

Adaptation un peu timide du roman d’Emile Ajar, La vie devant soi vaut surtout le détour pour l’interprétation magistrale de Simone Signoret au sommet de son talent. Elle illumine l’écran de sa seule présence.

Synopsis : L’histoire de Mme Rosa, vieille prostituée de Belleville, et de ses protégés, les mômes abandonnés par leurs parents, dans un milieu difficile ou Arabes, Noirs et juifs se côtoient.

L’adaptation littérale du plus grand canular littéraire de ces dernières décennies

Critique : En 1975, un certain Emile Ajar reçoit le prix Goncourt avec son roman La vie devant soi qui décrit un Paris interlope et populaire ultra-violent et misérable à l’aide d’un langage ordurier et heurté qui séduit l’académie. Même si des doutes commencent à naître autour de cet auteur sorti de nulle part, la mystification opérée par Romain Gary, véritable auteur du livre, ne sera révélée qu’à sa mort. Cette histoire incroyable a d’ailleurs donné lieu au film Faux et usage de faux (Heynemann, 1990) avec Philippe Noiret et Robin Renucci.

Lorsque le réalisateur israélien Moshé Mizrahi décide d’adapter le roman La vie devant soi, il ignore donc tout de cette mystification littéraire et tente donc de traduire au mieux une œuvre qui s’appuie sur un style puissant et original. Deux options s’offraient à lui : soit tenter de traduire l’effervescence littéraire du romn par un style foncièrement original et déstabilisant, soit affadir le propos en se livrant à une transcription fidèle des grandes étapes narratives du livre. Mizrahi a plutôt suivi la deuxième voie, sans doute plus simple, mais qui tend à vider le bouquin de son essence.

 

Plongée dans le Paris de toutes les couleurs et origines

En l’état, Moshé Mizrahi opère un choix qui s’avère déterminant pour le film qu’il souhaite réaliser : il remplace le quartier de la Goutte d’Or connu pour sa population d’origine populaire et misérable, par le celui de Belleville plus directement touché par l’immigration. Le cinéaste entend ainsi parler d’un Paris rarement montré à l’écran à l’époque, à savoir celui où les Noirs, les Arabes et les juifs sont bien obligés de cohabiter au sein d’immeubles insalubres. Au cœur de cette population bigarrée, d’anciens résidents comme cette Madame Rosa incarnée par Simone Signoret, tentent de survivre.

Le personnage est marqué par un vécu particulièrement gratiné puisque Rosa est une rescapée d’Auschwitz qui s’est ensuite livrée à la prostitution. Désormais, elle s’est reconvertie en garde d’enfant pour les prostituées qui ne peuvent pas s’occuper de leur progéniture. Au milieu d’une ribambelle de gosses, Madame Rosa est liée à Momo, un gamin arabe qu’elle a recueilli il y a une dizaine d’années et dont elle refuse de se séparer.

Une vision du livre fondée sur l’empathie envers les personnages

Là où les relations entre le gamin et la vieille dame étaient parfois tendues dans le bouquin, à cause des dérives violentes du gosse, Moshé Mizrahi préfère insister sur leurs points communs, blessures et liens indéfectibles par-delà la mort. Sans doute inquiet par la dimension sordide du livre, Mizrahi a donc volontairement adouci le propos, ce qui lui a valu de fortes critiques à l’époque de la sortie du film. Aujourd’hui, le long-métrage paraît pourtant encore très fort, jetant un regard sans concession sur la prime adolescence.

Certes, Mizrahi évite les effusions de violence, mais il parvient à rendre sympathique le petit Momo, et développe l’empathie que l’on peut éprouver pour cette Madame Rosa, pourtant pleine de préjugés raciaux. On apprécie toutefois son discours qui vise à démolir toute forme de communautarisme pour privilégier l’humanisme. Quant à la volonté du cinéaste de militer pour le droit de chaque être humain à choisir sa fin de vie, elle ne peut que nous toucher au plus profond.

Simone Signoret, une grande comédienne au sommet

Porté par l’interprétation dantesque d’une Simone Signoret impressionnante, La vie devant soi est sans doute trop sage dans sa réalisation qui ressemble à s’y méprendre à celle d’un téléfilm. C’est le plus gros défaut de cette œuvre pourtant puissante et qui émeut par la puissance de conviction de son interprète principale. Signoret, qui se livre ici sans fard, était devenue l’une de nos plus grandes actrices et elle a très largement mérité son César de la meilleure actrice, tant elle est formidable. Il est plus étonnant de retrouver La vie devant soi au palmarès des Oscars en tant que meilleur film en langue étrangère.

Sorti en novembre 1977, La vie devant soi a connu un magnifique succès au box-office français en se hissant à la neuvième place annuelle avec près de 2 millions de spectateurs conquis, malgré un sujet pas facile. Un score qui démontrait la popularité intacte d’une très très grande actrice, au sommet de son talent.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 2 novembre 1977

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La vie devant soi, l'affiche

© 1977 Lira Films / Affiche : © Guy Jouineau ; Guy Bourduge. Tous droits réservés.

Box-office :

Sorti le 2 novembre 1977, La vie devant soi permettait au cinéaste Moshé Mizrahi de corriger le tir après les déceptions commerciales de Rosa je t’aime et Les stances à Sophie.

Lors d’une semaine où seule la pornographie renouvelait l’offre (ce même jour sortaient Langues chaudes, 27 782 entrées P.P., Pornographie spéciale, 18 240, La grande débauche, 17 437, tous devant la comédie franchouillarde Marche pas sur mes lacets de Max Pécas, plus populaire en province !), La vie devant soi était le succès de cette semaine dominée par les continuations américaines des vacances de la Toussaint. Avec 84 812 entrées dans 23 salles franciliennes, le drame avec Simone Signoret réalise une magnifique entame, juste derrière les phénoménaux La  guerre des étoiles en 3e semaine, à 109 427 entrées, et L’espion qui m’aimait, en 4e semaine à 84 812 spectateurs.

Le taux de remplissage des salles pour La vie devant soi est très solide, avec 3 cinémas au-dessus des 7 000 spectateurs (le Publicis, le Paramount Elysées et le Paramount Marivaux). L’adaptation du Prix Goncourt affichait également plus de 6 500 spectateurs au Paramount Odéon, près de 6 000 au Paramount Montparnasse, et 5 800 au Moulin Rouge.

Avec son franc-parler, la star de Casque d’or, allait attirer plus de 1 977 000 spectateurs, soit son 3e meilleur score de la décennie, après La veuve Couderc (2 008 000) et surtout L’aveu (2 140 000). Un beau succès juste avant le désaveu de Judith Therpauve de Chéreau, un an plus tard qui allait finir sa carrière à 190 000 spectateurs.

En 2e semaine, malgré la sortie de la suite d’Un éléphant ça trompe énormément (Nous irons tous au paradis, numéro 1 avec 132 714 curieux), Signoret gagne en clients avec 97 633 tickets. La semaine était marquée par un temps maussade et le jour férié du 11 novembre. Au Paramount Marivaux, La vie devant soi grimpe à 9 800 entrées.

En 3e semaine, le futur Oscar du meilleur film en langue étrangère ne désarme pas et se saisit de la 2e place, avec 67 585 réguliers, loin devant Bobby Deerfield de Pollack avec Pacino qui entrait péniblement en 7e place, avec 29 000.

Cinquième semaine, La vie devant soi s’accroche (3e, 46 821 spectateurs). Le distributeur Warner l’exploite encore dans 24 cinémas.

En 6e semaine, le classique dégringole en 7e place face à un renouvellement des nouveautés (Mort d’un pourri, Orca, Arrête ton char bidasse, La 7e compagnie…) et réalise 34 171 entrées. L’effet César et Oscar jouera en sa faveur pendant encore de très nombreuses semaines d’exploitation, et pas moins de 566 960 parisiens seront au total bouleversés par ce drame mortifère.

Quant à Moshé Mizrahi, il retrouvera Signoret pour Chère inconnue en 1980. Le film avec Seyrig et Rochefort se contentera de 511 000 spectateurs. Madame Rosa était bien morte.

Frédéric Mignard

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