La vie à l’envers : la critique du film (1964)

Drame | 1h32min
Note de la rédaction :
8,5/10
8,5
La vie à l'envers, l'affiche

  • Réalisateur : Alain Jessua
  • Acteurs : Charles Denner, Jean Yanne, Anna Gaylor, Guy Saint-Jean, Nicole Gueden, Yvonne Clech
  • Date de sortie: 24 Juin 1964
  • Nationalité : Français
  • Titre original : La vie à l'envers
  • Titres alternatifs : Life Upside Down (USA) / Das umgekehrte Leben (Allemagne) / Życie na opak (Pologne) / Una vita alla rovescia (Italie) / Elämä ylösalaisin (Finlande) / Livet på vrangen (Danemark)
  • Année de production : 1964
  • Scénariste(s) : Alain Jessua
  • Directeur de la photographie : Jacques Robin
  • Compositeur : Jacques Loussier
  • Société(s) de production : A.J. Films
  • Distributeur (1ère sortie) : SETEC
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : StudioCanal
  • Date de sortie vidéo : 13 avril 2017
  • Box-office France / Paris-périphérie : 76 884 entrées / 46 368 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.66 : 1 / Noir et Blanc / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : Présenté au Festival de Cannes 1964 / Prix de la première œuvre à la Mostra de Venise 1964
  • Illustrateur / Création graphique : B. Bouy
  • Crédits : StudioCanal
Note des spectateurs :

Premier film d’Alain Jessua, La vie à l’envers est une œuvre audacieuse qui ose aborder le thème de la folie sous un angle positif. Charles Denner y est excellent.

Synopsis : Employé d’une petite agence immobilière, Jacques Valin mène une vie tranquille de Français moyen qu’il partage avec son amie Viviane, petite cover-girl qui tourne des courts-métrages publicitaires. Harassé de la vie parisienne, il se découvre un jour l’étrange faculté de s’abstraire à volonté du monde extérieur qui disparaît ainsi à ses yeux…

Le premier film d’un cinéaste atypique

Critique : Prix Jean-Vigo avec son court-métrage Léon la lune (1957), l’ancien assistant Alain Jessua met plusieurs années à monter son premier long-métrage qu’il écrit, réalise et surtout produit à travers sa propre société A.J. Films. La vie à l’envers est donc un petit film indépendant qui va définir l’univers particulier et légèrement décalé d’un cinéaste qui restera toujours en marge de tout courant pour développer une œuvre personnelle inégale, mais régulièrement inspirée.

Ici, le cinéaste a engagé Charles Denner pour incarner Jacques, un homme qui semble comme extérieur à lui-même mais qui parvient à donner le change en arborant un masque social relativement plaisant. Dans la première partie du film, l’auteur fait preuve d’un cynisme revigorant en confrontant la voix intérieure du personnage (une voix off très présente mais jamais intrusive) à la réalité du quotidien. Jessua se moque ainsi des us et coutumes des petites gens, de leurs rapports peu approfondis, des conversations futiles et de tout ce qui a trait au jeu social. Parfois cruel avec ses proches, le personnage apparaît au départ comme un monstre d’égoïsme, ne se préoccupant finalement que de son petit confort quotidien. Sa tendance à se conformer au moule préétabli en fait un lâche qui nous ressemble finalement beaucoup par certains aspects.

A la recherche du bonheur intérieur

Mais le plus intéressant dans La vie à l’envers vient de la fameuse épiphanie qui s’empare du protagoniste principal. Celui-ci parvient effectivement par une concentration extrême envers des détails et des objets à abolir la présence des autres humains et même à s’affranchir du temps qui passe. Dans une forme extrême d’ataraxie (que l’on peut définir comme l’impassibilité d’une âme devenue maîtresse d’elle-même), Jacques finit par s’extraire totalement du monde qui l’entoure pour ne se concentrer que sur son bonheur propre, ne devenant plus qu’un esprit affranchi de son corps. Il rejoint en cela les recherches menées par les philosophies orientales et notamment bouddhistes.

Déjà passablement épuré dès les premières minutes, La vie à l’envers parvient à atteindre une sorte de nirvana de l’art en évacuant petit à petit toute notion trop proprement cinématographique. Les plans deviennent de plus en plus fixes, le jeu de Charles Denner tend à se neutraliser comme avec les modèles de Robert Bresson et le décor est de plus en plus dénudé au cours du film. Il est finalement très rare de voir une telle progression dans un film puisque ce que les autres cinéastes auraient décrit comme une descente dans l’enfer de la folie est montré ici comme une ascension vers le bonheur le plus pur et le plus absolu.

Une œuvre profondément originale dans son propos

On peut ainsi comparer le long-métrage à deux autres films français de la même époque qui procèdent de la même manière : L’œil du malin (1962) de Claude Chabrol et Le feu follet (1963) de Louis Malle. Dans les trois films, le spectateur est invité à suivre les errances mentales de trois personnages en rupture avec la société qui les entoure. Pourtant, dans le Chabrol, le cynisme du personnage le pousse à commettre un homicide, tandis que dans le Louis Malle, le protagoniste joué par Maurice Ronet évolue doucement mais sûrement vers le suicide. Finalement, il n’y a que le Jacques incarné par Charles Denner qui s’aventure vers une folie joyeuse et totalement assumée. En cela, Alain Jessua fait preuve d’une réelle originalité et bat en brèche les clichés de ce type de structure narrative.

Réalisé avec talent, La vie à l’envers bénéficie également de la belle performance d’actrice d’Anna Gaylor, alors l’épouse du cinéaste. On peut également saluer la prestation de Jean Yanne dont ce fut le premier vrai rôle important au cinéma en personnage sympathique mais un peu falot.

Un premier film encensé par la critique, mais peu vu à l’époque

Présenté au Festival de Cannes en 1964 et récompensé du Prix de la meilleure première œuvre à la Mostra de Venise la même année, La vie à l’envers a connu un très beau succès auprès des critiques qui y ont justement vu l’éclosion d’un jeune talent à suivre. Toutefois, sa sortie en salles fin juin 1964 est restée confidentielle avec un parc de salles très réduit et une première semaine à 5 003 entrées à Paris. Malgré cette entame modeste, le métrage est resté un certain temps à l’affiche au point de générer in fine 46 368 entrées à Paris et 76 884 sur la France entière.

Resté longtemps dans l’oubli par l’absence d’exploitation en VHS, La vie à l’envers a petit à petit gagné ses galons de film culte auprès des cinéphiles férus d’étrangetés cinématographiques. Pour preuve sa programmation en 2010 lors de l’Etrange Festival. Faisant désormais partie du catalogue StudioCanal, le métrage est disponible sur sa plateforme VOD et mérite largement d’être découvert puisqu’il s’agit de l’un des plus beaux films de son auteur, si ce n’est son meilleur.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 24 juin 1964

Voir le film en VOD

La vie à l'envers, l'affiche

© 1964 StudioCanal / Affiche : B. Bouy. Tous droits réservés.

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Alain Jessua, Charles Denner, Jean Yanne, Anna Gaylor, Guy Saint-Jean, Nicole Gueden, Yvonne Clech

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