Un peu moins réputée que Danse macabre, La sorcière sanglante, réalisée la même année est une bien belle surprise, grâce à une ambiance mortifère du plus bel effet et une réalisation superbe, mettant en valeur les comédiens et les décors macabres.
Synopsis : Au XVIème siècle, Adèle Karnstein est condamnée au bûcher, accusée d’avoir tué le comte Franz à l’aide de ses pouvoirs maléfiques. Sa fille aînée, Helen, tente de la sauver en accordant ses faveurs au comte Humboldt. Mais hélas, il est déjà trop tard. Avant de mourir devant les yeux de sa plus jeune fille, Elizabeth, Adèle lance une terrible malédiction. Peu après, Helen est tuée par le comte Humboldt, qui craint les représailles de l’église pour le crime d’adultère. La malédiction s’opère, et une épidémie de peste s’abat sur la région.
La sorcière sanglante suit de près Danse macabre
Critique : Alors que le cinéma d’épouvante gothique est à son apogée grâce aux productions britanniques de la Hammer, les producteurs italiens s’engouffrent dans la brèche ouverte avec le succès international rencontré par Le masque du démon (1960) de Mario Bava, révélant au passage la charismatique Barbara Steele.
Le cinéaste Antonio Margheriti, plutôt amateur de science-fiction, s’est rapidement trouvé être un excellent artisan d’un genre qui l’inspire beaucoup. Son cycle horrifique s’ouvre notamment avec La vierge de Nuremberg (1963) qui pose les bases de son style gothique agrémenté d’une forte empreinte latine. Mais c’est surtout l’année 1964 qui fut celle de la maturité avec la création de son chef d’œuvre Danse macabre, assez rapidement suivi par La sorcière sanglante, tourné avec une équipe technique et artistique assez largement identique.
Un bijou signé Tonino Valerii et Ernesto Gastaldi
Cependant, les producteurs sont ici différents puisque Antonio Margheriti s’est appuyé sur une toute petite compagnie naissante, à savoir l’éphémère Cinegai, récemment créée par Felice Testa Gay. Le tout est fondé sur un script rédigé par Tonino Valerii et le grand Ernesto Gastaldi à la demande de Margheriti qui est tombé amoureux du titre de leur projet : I lunghi capelli della morte, soit Les cheveux longs de la mort qui deviendra en France le plus banal La sorcière sanglante.
© 1964 Cinegai S.p.A. / Artus Films / Conception graphique : Benjamin Mazure. Tous droits réservés.
Si le métrage est légèrement inférieur à Danse macabre, il n’en demeure pas moins un des meilleurs exemples du genre et peut être considéré aujourd’hui comme un petit bijou. Traversé de fulgurances stylistiques, La sorcière sanglante bénéficie d’une qualité photographique exceptionnelle due au magnifique noir et blanc de Riccardo Pallottini. Ces qualités visuelles sont renforcées par des cadrages inspirés mettant en valeur les splendides décors et les paysages naturels qui servent l’ambiance d’outre-tombe de ce métrage très sombre. Il faut ajouter à cela l’excellence de la partition musicale de Carlo Rustichelli et vous obtenez ici une œuvre esthétiquement soignée.
La sorcière sanglante ou la perversité à son sommet
Toutefois, cette attention particulière à la forme ne doit pas masquer les innombrables qualités d’un script qui exploite au maximum les archétypes du cinéma gothique (passages secrets, crypte baignée dans la brume, toiles d’araignées s’étalant sur les murs, apparitions de spectres) pour mieux les associer à une thématique catholique purement latine. Ainsi, tout tourne ici autour de la condamnation des crimes et des désirs pervers d’élites corrompues.
Chaque protagoniste tente de dissimuler ses délits par des stratagèmes qui finiront nécessairement par être dévoilés et condamnés. Si la conclusion est bien évidemment morale, et donc peu progressiste, le réalisateur s’en est d’abord donné à cœur joie dans la perversité. Ainsi, les plans significatifs sur le comte meurtrier qui jouit du malheur qu’il procure sont-ils jubilatoires, de même que cette tension sexuelle inavouée qui innerve la totalité du métrage. Autant d’éléments qui font de cette nouvelle déclinaison d’un thème classique un pur moment de bonheur pour les amateurs de cinéma déviant.
Barbara Steele, toujours impériale en déesse de la mort
Tout ceci est soutenu par une interprétation de haute volée. On adore toujours la prestance de Barbara Steele, décidément très à l’aise dans un genre qui lui allait comme un gant. Mais elle est ici avantageusement secondée par un formidable George Ardisson qui trouve en ce comte pervers l’un de ses meilleurs emplois, lui qui fut abonné aux rôles de vikings dans les films d’aventures tournés au début des années 60. Umberto Raho est toujours très juste, même ici en prêtre tout-puissant, tandis que Giuliano Raffaelli compose un baron meurtrier et violeur, terrorisé par cette vengeance d’outre-tombe avec une conviction qu’il mit également au service de Mario Bava durant les années 60.
Beau succès en Italie, La sorcière sanglante a souffert d’une très mauvaise distribution en France, ne sortant que dans deux salles de quartier à Paris durant l’été 1970, alors que la mode du film gothique était déjà passée, le film étant vieux de six ans. Il n’a donc pas vraiment été exposé dans l’Hexagone, ce qui constitue une véritable injustice au vu de ses énormes qualités. Il faut donc remercier le distributeur Artus Films qui lui a offert une première exposition dès 2006 avec un DVD dont la copie demeurait encore pas mal abîmée. Le tir est en grande partie rectifié avec la nouvelle édition qui comprend cette fois un blu-ray avec une copie grandement nettoyée.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 5 août 1970
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Antonio Margheriti (Anthony M. Dawson), Halina Zalewska, Barbara Steele, George Ardisson, Giuliano Raffaelli, Umberto Raho
Mots clés
Cinéma bis italien, Cinéma gothique, Artus Films, Les sorcières au cinéma, Le Moyen-Age au cinéma