La fiancée du poète, fable poétique et solidaire, préconise quelques arrangements avec la vérité pour créer du rêve et rendre la vie plus belle. Un poème social à savourer.
Synopsis : Amoureuse de peinture et de poésie, Mireille s’accommode de son travail de serveuse à la cafétéria des Beaux-Arts de Charleville tout en vivant de petits larcins et de trafic de cartouches de cigarettes.
N’ayant pas les moyens d’entretenir la grande maison familiale des bords de Meuse dont elle hérite, Mireille décide de prendre trois locataires.
Trois hommes qui vont bouleverser sa routine et la préparer, sans le savoir, au retour du quatrième : son grand amour de jeunesse, le poète.
Réalisatrice césarisée, Yolande Moreau partage une fois encore sa douce dinguerie
Critique : Agnès Varda offre à Yolande Moreau ses premiers rôles au cinéma. D’abord dans le court-métrage 7p, cuis, s de b, à saisir en 1984, puis Sans toit, ni loi en 1985. Celle qui fit les beaux jours de la troupe des Deschiens, conserve de cette rencontre essentielle l’esprit fantasque et libertaire. Ce qui ne l’empêche pas d’être courtisée par les grands réalisateurs français (Berri, Brizé, Jeunet, Ozon, Dupontel, Rappeneau…).
En 2004, elle s’essaie avec succès à la réalisation et reçoit en 2005 le césar du meilleur premier film avec Quand la mer monte, suivi de Henri en 2013. Dix ans plus tard, on la retrouve devant et derrière la caméra pour une romance sensible et joyeuse.
A la mort de ses parents, Mireille (Yolande Moreau) vient prendre possession de la maison familiale. La bâtisse paraît abandonnée depuis longtemps : les morceaux de verre cassé dans l’entrée et une chambre aux murs délabrés en témoignent. De sa splendeur passée ne subsiste, planté au milieu du jardin, qu’un faux cerf en fonte (on goûtera ou pas le jeu de mots avec faussaire, sujet principal du film) qui fascine Mireille et semble seul pouvoir la faire émerger d’une trop longue errance.
La fiancée du poète et ses arrangements fabuleux avec le réel
Dans un premier temps, on ne sait tout d’abord pas grand-chose d’elle si ce n’est son aveu au curé du village (excellent William Sheller) ravi de la revoir, de quelques bêtises. Désormais, quelle route va t-elle emprunter pour reprendre le cours de sa vie ? Sur les conseils de l’homme d’église, elle loue l’une des chambres inoccupées de sa grande maison à Bernard (Grégory Gadebois), le jardinier municipal qui mène une double vie. Suivront Cyril, rencontré à l’école des Beaux-Arts où il excelle à faire des reproductions de tableau et où elle officie en tant que cuisinière, Elvis un apatride qu’elle découvre planqué dans sa cabane de jardin et qui s’invente un passé de chanteur américain. Et puis, un peu plus tard resurgira Fernando (Sergi Lopez), l’homme de sa vie, celui qui l’a trahi en usurpant le nom d’un poète.
Une famille hétéroclite composée de faussaires en tous genres et faite sur mesure pour Mireille. En effet, même si ces frasques et surtout les tricheries de son pseudo poète lui ont valu quelques années de prison, elle continue de penser que la désobéissance reste le meilleur piment de la vie, à l’inverse de sa sœur (Anne Benoît) qui ne connaît que le socialement correct.
Une Meuse sereine et solidaire
Des plans larges de la Meuse paresseusement étalée au creux de paysages d’un vert éclatant composent un cocon d’une sérénité réconfortante pour ces personnages hors cadre que la scénariste regarde avec tendresse et humour.
Bien sûr, il faut accepter de s’immerger dans l’univers onirique et candide de la cinéaste belge qui prend un malin plaisir à mélanger les genres. De la comédie au film muet en passant par quelques morceaux chantés, le récit se perd dans les méandres de la vérité et du mensonge. Pourtant, le climat de bien-être qui se dégage de cet hymne lyrique nous incite à souscrire à son message de solidarité, d’échange et d’écoute mutuelle dans une société de plus en plus uniformisée, l’image de fin de cette petite troupe fendant le brouillard laisse planer l’espoir d’un monde apaisé. Bien sûr, il ne s’agit que d’une fable ! Mais elle nous a permis de rêver l’espace de quelques instants.
Sorties de la semaine du 11 octobre 2023
Biographies +
Yolande Moreau, Sergi López, Grégory Gadebois, Thomas Guy, François Morel, Anne Benoît, Noémie Lvovsky, Philippe Duquesne