La femme et le pantin : critique du film et test blu-ray (1959)

Drame | 1h42min
Note de la rédaction :
5/10
5
La femme et le pantin de Julien Duvivier, affiche (1959)

  • Réalisateur : Julien Duvivier
  • Acteurs : Brigitte Bardot, Jess Hahn, Lila Kedrova, Dario Moreno, Antonio Vilar, Betty Beckers, Daniel Ivernel, Michel Roux, Jacques Mauclair
  • Date de sortie: 13 Fév 1959
  • Nationalité : Français, Italien
  • Titre original : La femme et le pantin
  • Titres alternatifs : The Female (USA) / A Woman Like Satan (UK) / Ein Weib wie der Satan (Allemagne) / A mulher e o fantoche (Portugal) / Kobieta i pajac (Pologne) / Juguete de una Mujer (Mexique) / Femmina (Italie) / Den skinbarlige Eva (Danemark) / Die Frau und der Hampelmann (Autriche)
  • Année de production : 1958
  • Scénariste(s) : Julien Duvivier, Jean Aurenche, Albert Valentin d'après le roman éponyme de Pierre Louÿs / Dialogues : Marcel Achard
  • Directeur de la photographie : Roger Hubert
  • Compositeur : Jean Wiener, José Rocca
  • Société(s) de production : Dear Film Produzione, Gray-Film, Progéfi, Société Nouvelle Pathé Cinéma
  • Distributeur (1ère sortie) : Pathé Consortium
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : Alcome Distribution (DVD, 2000) / Isis (DVD, 2013) / Pathé (DVD / Blu-ray, 2021)
  • Date de sortie vidéo : 16 juin 2021 (DVD / Blu-ray / VOD)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 2 458 070 entrées / 645 767 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 2.35 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : Yves Thos (affiche 1959)
  • Crédits : Studio 37 - Pathé Films
Note des spectateurs :

Adaptation très libre de l’œuvre de Pierre Louÿs, La femme et le pantin vaut pour la présence d’une Bardot resplendissante et la qualité des images. Le film ne compte pourtant pas parmi les grandes réussites de Duvivier.

Synopsis : Eva est la fille de Stanislas Marchand, naguère célèbre écrivain germanophile, collabo français réfugié en Espagne. Lors de la traditionnelle feria de Séville où elle danse le fandango, la demoiselle est remarquée par Matteo Diaz, un riche et fier marchand de taureaux auquel aucune femme ne résiste. Le don Juan fait des avances à Eva qui, fine mouche, le repousse. Titillé dans son amour propre, il va tout mettre en œuvre pour conquérir le cœur de la Belle.

La femme et le pantin de Julien Duvivier avec Brigitte Bardot

La femme et le pantin de Julien Duvivier avec Brigitte Bardot © Droits réservés

Une commande pour Julien Duvivier

Critique : En 1958, la productrice Christine Gouze-Rénal a l’idée d’un beau coup commercial en associant le nom de Brigitte Bardot, véritable phénomène qui déferle depuis deux ans sur les écrans du monde entier, avec celui du romancier sulfureux Pierre Louÿs à travers son œuvre la plus connue : La femme et le pantin (1898). La productrice envisage de confier les rênes du projet au réalisateur espagnol Luis Buñuel qui est effectivement très intéressé par le roman d’origine, mais refuse de travailler avec Brigitte Bardot. Buñuel reviendra vers le roman de Pierre Louÿs bien plus tard en l’adaptant dans Cet obscur objet du désir (1977) qui sera d’ailleurs son ultime film.

Puisque le réalisateur ibérique se désiste, Gouze-Rénal demande au réalisateur Julien Duvivier s’il veut bien se charger de la mise en scène. Ce dernier, en mal de succès depuis quelques années, accepte volontiers cette commande, d’autant que le budget conséquent lui permet un tournage en Espagne et en couleurs. Par contre, le cinéaste n’a pas la main libre sur le casting et doit donc accepter de travailler avec Bardot, mais aussi l’acteur portugais Antonio Vilar. Pas vraiment passionné par le roman initial, Julien Duvivier va multiplier la création de personnages secondaires destinés à alimenter une intrigue qu’il trouve peu intéressante. D’ailleurs, il confie ces rôles à des acteurs qu’il apprécie comme Daniel Ivernel, Michel Roux ou encore Jacques Mauclair. Ainsi, cela lui permet de compenser la fadeur de son couple de stars.

La femme Bardot contre le caractériel Duvivier

En réalité, le long-métrage ne se remet pas vraiment de cette impression que le réalisateur tourne un film qui ne l’intéresse pas. Sans être mauvais, La femme et le pantin ne dégage aucune sensualité – un comble quand Brigitte Bardot se trouve  devant la caméra – car Duvivier n’aimait pas la star et celle-ci le lui rendait bien. Leurs relations conflictuelles se ressentent et Duvivier se démène pour éviter de filmer Bardot en pleine effusion sensuelle. Le réalisateur se désintéresse également du pauvre Antonio Vilar qui n’a qu’une présence de bellâtre fantomatique. En réalité, le spectateur finit par se détourner de ce jeu du chat et de la souris entre une jeune fille aguicheuse – mais vierge – et un homme marié mais frustré.

Alors que la version muette de Jacques de Baroncelli mettait en exergue la tension sexuelle entre les deux personnages et leur incapacité à se rejoindre, celle de Duvivier est d’une froideur abyssale. Pire, elle détourne même le sens du roman pour en faire finalement un drame bourgeois somme toute conventionnel et qui se termine de manière terriblement conservatrice. Même la dimension sociale est ici réduite à peau de chagrin et ne donne pas davantage de profondeur au produit fini.

Une symphonie de couleurs dans une Andalousie de rêve

Pour autant, tout n’est pas à jeter dans ce film qui vaut surtout pour ses qualités esthétiques, et notamment un superbe travail sur les couleurs, absolument resplendissantes (au risque du kitsch). Le tournage en Espagne dans les ruelles de Séville donne au film une authenticité remarquable. Les magnifiques décors de Georges Wakhévitch dans les studios de Boulogne permettent aussi de se plonger dans cette Andalousie de carte postale qui fait toujours autant rêver. Enfin, les seconds rôles viennent agrémenter la projection grâce au talent de leurs interprètes. On apprécie notamment l’ami éconduit joué par Michel Roux ou encore le patron du club de danse interprété par Dario Moreno. Il faudrait aussi citer la grande Lila Kedrova en mère prête à vendre sa fille au premier venu, ou Jacques Mauclair en père écrivain, ancien collabo pendant la guerre.

On est ici très loin du roman de Pierre Louÿs, mais ce sont finalement ces écarts qui apportent une plus-value à une œuvre par ailleurs assez statique et passablement ennuyeuse. Dans le rôle principal, Brigitte Bardot est une fois de plus d’un beau naturel et irradie le film de sa présence magnétique, malgré le dédain de Duvivier pour une star qu’il semble mépriser. D’ailleurs, ni l’un ni l’autre n’ont aimé le résultat final. Pas plus que les critiques de l’époque qui furent assassines.

Brigitte Bardot dans La femme et le pantin (version restaurée)

La femme et le pantin de Julien Duvivier avec Dario Moreno et Brigitte Bardot © Droits réservés

Une déception commerciale et artistique

En ce qui concerne le grand public, le phénomène Bardot a permis au long-métrage de rafler la mise lors de ses premières semaines d’exclusivité, mais le bouche-à-oreille ne fut guère favorable. Bien que le chiffre de 2 458 070 entrées paraisse bon, La femme et le pantin fut une déception puisque Brigitte Bardot avait l’habitude de dépasser les trois, voire quatre millions d’entrées avec des comédies pourtant bien moins ambitieuses. Ce qu’elle fera au mois de septembre 1959 avec Babette s’en va-t-en-guerre de Christian-Jaque qui dépassera les 4,6 millions de spectateurs. La femme et le pantin, spectacle frigide, est donc bien loin derrière, ne laissant guère de souvenir impérissable.

Critique de Virgile Dumez

Notes :

Attention, si le film est sorti la semaine du 11 février 1959 (Faibles femmes, l’un des tous premiers Alain Delon, faisait son apparition ce jour-là, mais aussi Tables séparées avec David Niven, Deborah Kerr, Burt Lancaster, et Le beau Serge de Claude Chabrol…), cette nouvelle adaptation de La femme et le pantin a été distribué le vendredi 13 février, le même jour que Le petit prof avec Darry Cowl, Gigi de Vincente Minnelli et Les SS frappent la nuit de Siodmak.

Brigitte Bardot resplendissait sur Paris aux cinémas le Berlitz, le Paris et le Wepler.

En première semaine parisienne, Duvivier arrive en tête du box-office parisien avec 64 041 spectateurs contre 53 853 pour Faibles femmes. Toutefois, la meilleure moyenne par écran, à 700 spectateurs près, c’est Darry Cowl dans Le Petit Prof qui l’obtient, avec 26 040 amateurs de comédies au Rex, contre 25 370 pour La femme et le pantin, au Berlitz.

En 2e semaine parisienne, Bardot fléchira à 46 626 contre 47 134 pour Alain Delon dans Faibles femmesLe petit prof se maintient magnifiquement. On notera la magnifique continuation de Sueurs froides de Hitchcock qui célébrait sa 4e semaine à 31 985 spectateurs.

In fine, aucun des films mentionnés ci-dessus n’atteindra le top 20 annuel. En revanche, La femme et le pantin réussira à achever sa carrière au-dessus de ces nouveautés, à l’exception de Sueurs froides, puisque Vertigo (son titre original) finira l’année  à 2 540 000 contre 2 453 000 pour le Duvivier.

Frédéric Mignard

Sorties du 13 février 1959

Les sorties de la semaine du 11 février 1959

Lire la critique et le test blu-ray de la version muette de La femme et le pantin (Baroncelli, 1929)

La femme et le pantin de Julien Duvivier, affiche (1959)

© 1959 Pathé / Illustration : Yves Thos. Tous droits réservés.

Le test blu-ray :

Pathé livre une magnifique version restaurée en 4K d’une œuvre mineure qui est toutefois à redécouvrir. Le test a été effectué à partir du produit définitif.

Compléments & packaging : 4 / 5

L’objet est présenté dans un fourreau classique qui renferme un double volet avec le DVD et le Blu-ray. C’est simple mais efficace, et ceci malgré un choix de photos un peu ternes pour l’illustrer, alors même que le film est resplendissant de couleurs. Sur la galette elle-même, les suppléments vidéo sont d’excellente tenue avec un entretien croisé de 46min avec Philippe Roger, spécialiste de cinéma, et Charles Ficat, grand connaisseur de l’œuvre de Pierre Louÿs. Le premier cherche à défendre le film de Duvivier, même s’il avoue ses faiblesses. Il explique les vicissitudes de la production et cherche à valoriser le travail esthétique fourni par Duvivier. Parallèlement, le second évoque plutôt la vie et l’œuvre de l’écrivain Pierre Louÿs. L’ensemble est passionnant à suivre et parfaitement complémentaire des entretiens menés pour la version muette de Baroncelli.

Un reportage d’époque sur le tournage est fourni, mais sa durée de 30 secondes le ravale au rang de simple témoignage de circonstance. Enfin, la bande-annonce d’époque est également proposée en version restaurée.

L’image du Blu-ray : 5 / 5

La restauration du film en 4K est tout bonnement splendide, d’autant que le film est initialement une merveille en matière de richesse picturale. On aura rarement vu l’Espagne des années 50 aussi resplendissante. La définition est à couper au rasoir, tandis que la colorimétrie est poussée à son maximum pour un résultat qui en met plein les yeux. Le métrage est tout bonnement ressuscité.

Le son du blu-ray : 4 / 5

La restauration du son est également probante avec une musique qui ne sature jamais et des dialogues de Marcel Achard parfaitement audibles. Le Dolby Digital Mono 2.0 est très bien équilibré, dans les limites de ce spectre sonore un peu réduit. Le confort de visionnage est réel. On notera la présence de sous-titres anglais pour nos amis étrangers, ou encore celle de sous-titres pour sourds et d’une piste en Audiovision.

Test Blu-ray :  Virgile Dumez

 

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La femme et le pantin 1959, jaquette

© 1958 Studio 37 – Pathé Films / Conception graphique : © 2021 Pathé Films. Tous droits réservés.

Les affiches d’Yves Thos

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La femme et le pantin de Julien Duvivier, affiche (1959)

Bande-annonce de La femme et le pantin (version restaurée)

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