La femme et le pantin : critique du film muet et test Blu-ray (1929)

Drame | 1h55min
Note de la rédaction :
8/10
8
La femme et le pantin, jaquette

  • Réalisateur : Jacques de Baroncelli
  • Acteurs : Conchita Montenegro, Raymond Destac, Henri Lévêque
  • Date de sortie: 31 Mai 1929
  • Nationalité : Français
  • Titre original : La femme et le pantin
  • Titres alternatifs : The Woman and the Puppet (titre international) / La mujer y el pelele (Espagne) / Conchita (Italie) / Wenn du zum Weibe gehst... (Allemagne) / A Mulher e o Fantoche (Brésil)
  • Année de production : 1929
  • Scénariste(s) : Jacques de Baroncelli d'après Pierre Louÿs et Pierre Frondaie
  • Directeur de la photographie : Louis Chaix
  • Compositeur : Edmond Lavagne, Philippe Parès, Georges Van Parys
  • Société(s) de production : Société des Cinéromans
  • Distributeur (1ère sortie) : Pathé Consortium Cinéma
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : Pathé (DVD / Blu-ray)
  • Date de sortie vidéo : 16 juin 2021
  • Box-office France / Paris-périphérie : -
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : -
  • Formats : 1.33 : 1 / Noir et Blanc / Son : Muet
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : Jacques Bonneaud (illustrateur affiche 1929)
  • Crédits : Fondation Jérôme Seydoux - Pathé
Note des spectateurs :

Adaptation fidèle du roman de Pierre Louÿs, La femme et le pantin, séduit par son ambiance et ses trouvailles visuelles, ainsi que le charisme du casting. A découvrir.

Synopsis : Don Mateo est fou de désir pour la belle Conchita qui promet d’être à lui, mais ne se livre jamais.

La deuxième adaptation filmée du roman de Pierre Louÿs

Critique : Le roman sulfureux de Pierre Louÿs intitulé La femme et le pantin, paru en 1898, a déjà fait l’objet d’une adaptation cinématographique aux États-Unis en 1920 par Reginald Barker lorsque le cinéaste français Jacques de Baroncelli s’y intéresse. Pour mémoire, ce réalisateur a déjà derrière lui pléthore d’adaptations d’œuvres littéraires qu’il traduit à l’image de manière à la fois fidèle et inspirée. Pour créer cette première version française du célèbre roman à scandales, Jacques de Baroncelli s’appuie aussi bien sur le roman que sur la pièce de théâtre de Pierre Frondaie.

La femme et le pantin, jaquette dvd

© 1929 Fondation Jérôme Seydoux – Pathé / Conception graphique : © 2021 Pathé Films. Tous droits réservés.

Malgré la multiplication de scènes d’intérieur, tournées dans des studios français au milieu de superbes décors réalisés par Robert Gys, Jacques de Baroncelli a insisté pour pouvoir poser ses caméras sur les lieux même de l’action. Il signe ainsi quelques très beaux plans des villes de Séville et Cadix, ce qui confère au film une belle atmosphère ibérique. On signalera d’ailleurs que La femme et le pantin a été tourné initialement en couleurs, mais la défaillance du procédé Keller-Dorian a empêché le tirage de copies couleur, obligeant donc une exploitation en noir et blanc. Toutefois, on serait tenté de dire que cette absence de couleurs permet d’éviter au film de tomber dans le piège de la carte postale.

Des acteurs méconnus, mais au pouvoir de séduction immédiat

Afin de donner une plus grande véracité au récit, Jacques de Baroncelli choisit d’octroyer les rôles principaux à des acteurs peu vus à l’écran. Ainsi, il découvre la jeune danseuse espagnole Conchita Montenegro qui n’avait à son actif qu’une paire de films espagnols méconnus. Face à la jeune ingénue, il offre à l’homme de théâtre Raymond Destac ce qui restera comme son plus grand rôle à l’écran. La plupart des personnages secondaires n’ont pas non plus persévéré dans le métier ou sont retournés au théâtre après cette expérience.

Dès les premières séquences dans le train, Jacques de Baroncelli impose une vision de cinéma, basée sur une classique, mais superbe composition des plans. Les images sont magnifiquement travaillées, tandis que les acteurs évitent l’aspect grimaçant qui peut plomber certains films muets de nos jours. Conchita Montenegro est fascinante de séduction dès les premiers instants, tandis que Raymond Destac fait un Casanova qui ressemble à un prédateur prêt à fondre sur sa nouvelle proie. Pour autant, dans ce jeu du désir et de la frustration, le vainqueur ne sera pas nécessairement celui que l’on pense.

La fureur du désir non assouvi

Il fallait oser baser l’intégralité d’un long-métrage sur un événement qui n’adviendra jamais, puisque la jeune danseuse suscite le désir des hommes sans jamais rien leur accorder en retour. Dans ce terrible jeu passionnel, le spectateur se retrouve dans la même position inconfortable que le personnage masculin, désireux qu’il se passe un événement, même dramatique. Pourtant, Jacques de Baroncelli parvient à créer une terrible tension sensuelle et même sexuelle sans offrir d’échappatoire et encore moins d’exutoire. Visuellement, il ne cesse de multiplier les grilles et autres obstacles entre les deux protagonistes, histoire de signifier l’impossible rapprochement entre les deux êtres.

Bien sûr, derrière cette incapacité à créer une relation équilibrée, l’auteur montre le fossé qui sépare les classes sociales. Cette opposition de classe se lit ici par le choix des décors très contrastés entre l’intérieur du logement de la danseuse et la demeure du noble. L’auteur souligne ainsi le désir de possession de celui à qui l’on ne refuse rien. Mais il tombe ici sur une femme manipulatrice à qui on ne la fait pas. Certains peuvent lire le long-métrage comme un modèle de misogynie, avec cette femme vénale qui fait peu de cas des sentiments des hommes. Mais cela serait vite oublier la position sociale dominante de cet homme qui cherche à ajouter un trophée de plus à sa longue liste.

Un duel farouche entre les sexes

Véritable duel entre les sexes, La femme et le pantin bénéficie d’une séquence érotique – une danse lascive avec nudité quasiment intégrale – que les critiques de l’époque ont trouvé trop timorée par rapport au roman. Preuve que l’on pouvait faire davantage preuve d’audaces sur le plan sexuel en 1920 qu’en 2020. Si la séquence n’émoustillera plus grand-monde de nos jours, on peut imaginer la réaction du public de l’époque face à cette audace. Il est difficile d’avoir des renseignements sur les entrées des films de cette époque, mais certains intervenants parlent d’un beau succès public, ce que semble corroborer l’essor de la carrière de Conchita Montenegro qui a pu signer un contrat avec la MGM peu après.

Tourné de manière classique par Jacques de Baroncelli, La femme et le pantin n’en propose pas moins quelques plans audacieux qui démontrent la volonté d’innovation d’un cinéaste cherchant à se renouveler. On adore par exemple le plan vu à travers les cordes d’une guitare ou encore les plongées verticales spectaculaires sur les personnages. Autant de trouvailles qui donnent envie de découvrir davantage de longs-métrages d’un cinéaste largement délaissé par les cinéphiles.

La femme et le pantin au cinéma : les adaptations

Le test blu-ray :

Parallèlement à l’édition de la version de Julien Duvivier avec Bardot, Pathé réédite en DVD / Blu-ray la version muette de Jacques de Baroncelli. Le test a été effectué à partir du produit définitif.

Compléments & packaging : 4 / 5

Comme le reste de sa collection patrimoniale, La femme et le pantin est présenté dans un fourreau sobre, dans lequel on trouve un double volet présentant le DVD et le blu-ray. C’est simple, mais efficace. En matière de suppléments vidéo, on trouve d’abord un passionnant entretien croisé avec Philippe Roger et Bernard Bastide, grands spécialistes du cinéma (31min). Ils reviennent sur la carrière de Jacques de Baroncelli, mais analysent aussi la composition des plans, les audaces stylistiques d’un cinéaste pourtant classique. Ils reviennent aussi sur la réception du film à sa sortie. Un deuxième module (19 min) s’intéresse à la création de la musique où l’on apprend à mieux connaître l’ensemble qui a recréé cette bande originale dont on possédait encore les indications fournies pour les pianistes lors des projections muettes. Le travail a consisté à réadapter ce matériel pour un orchestre plus conséquent et à le caler avec les images.

Enfin, Pathé nous offre un document en couleurs sur la semaine sainte à Séville en 1924. Il s’agit d’un document issu de leurs fameuses actualités d’époque.

L’image du blu-ray : 5 / 5

Bien entendu, certains pourront arguer que la copie n’est pas absolument parfaite. Mais pour une œuvre aussi ancienne, le résultat obtenu tient de la pure résurrection. On ne trouve ici quasiment aucune trace de brûlure, de déchirure et aucune saute d’image. La définition est également très convaincante et même le léger grain vient donner au tout une texture cinéma nécessaire. Un grand bravo pour cette magnifique restauration.

Le son : 4 / 5

La bande sonore, enregistrée pour l’occasion, est proposée à la fois en stéréo et en 5.1. Nous avons opté pour la deuxième piste et le spectateur est donc bien englobé dans la partition, respectueuse des ambiances hispanisantes du film. A noter la possibilité de choisir des sous-titres en anglais pour nos amis étrangers, ou encore d’avoir accès au long-métrage en audiovision.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 29 mai 1929

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La femme et le pantin, l'affiche

© 1929 Fondation Jérôme Seydoux – Pathé / Affiche : Jacques Bonneaud. Tous droits réservés.

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