Polar poussif et vaguement réactionnaire, La cité des dangers se noie dans des digressions sociétales qui n’apportent rien au genre, ni à la filmographie de Robert Aldrich, que l’on a connu plus inspiré.
Synopsis : Gloria Hollinger est retrouvée morte sur une des plages de Malibu. Sur les instances de son supérieur, Philip Gaines, le lieutenant chargé de l’enquête, est sur le point de classer l’affaire en pensant qu’il s’agit d’un suicide. Cependant, il poursuit officieusement ses recherches à la demande des parents de la victime.
Un polar dans le style d’En quatrième vitesse
Critique : Lorsque Robert Aldrich tourne La cité des dangers en 1975, il revient de loin. Il a perdu quelques temps auparavant son propre studio qui a fait faillite à cause de plusieurs échecs commerciaux au début de la décennie. Pour se refaire une santé, il a réalisé Plein la gueule (1974), un film sportif avec en vedette Burt Reynolds qui est rapidement devenu un triomphe aux Etats-Unis (43 millions de dollars de recettes pour une mise de départ d’à peine 2,9 millions). L’association entre la jeune star et le réalisateur vétéran se confirme donc avec la création de la firme de production RoBurt (contraction de Robert Aldrich et Burt Reynolds).
Ils mettent alors sur pied le polar La cité des dangers à partir d’un scénario de Steve Shagan inspiré de son propre roman intitulé City of Angels. Robert Aldrich y voit l’occasion de retrouver un style qu’il a affirmé dans son polar En quatrième vitesse (1955). Il suit une intrigue passablement embrouillée qui ne sert que de fil conducteur pour développer des personnages ambigus.
Une critique acerbe des dysfonctionnements du système américain
Effectivement, l’intrigue policière en elle-même passe très largement au second plan dans ce long-métrage qui entend critiquer les institutions américaines, et notamment la protection qui s’exerce auprès des élites, pourtant fortement corrompues. Le cinéaste rejoint ici le cortège de films vaguement réactionnaires qui déferlent alors sur les grands écrans, à la suite du succès de L’inspecteur Harry (Siegel, 1971). Certes, il milite pour une justice davantage tournée vers la défense des plus pauvres et des déclassés (les prostituées notamment), mais il le fait à l’aide de moyens peu orthodoxes.
Robert Aldrich fait preuve à plusieurs reprises dans La cité des dangers d’une vision assez rétrograde de l’Amérique et de la société en général. Visiblement dépassé par les mouvements de contestation qui s’affirment au cours des années 70, le cinéaste confirme une vision assez machiste de la société. Dans son film, la plupart des femmes sont des prostituées, tandis que de nombreux dialogues tendent à stigmatiser les homosexuels. Burt Reynolds y affirme une fois de plus son image de macho qu’il ne cessera de développer au cours de ses films suivants. Certes, son personnage est ici plus ambigu, mais ses attitudes de mâle dominant laissent un arrière-goût dans la bouche tout au long de la projection.
Un film long, inutilement bavard et ennuyeux
Robert Aldrich orchestre ici la mort d’une certaine Amérique traditionnelle, mais son discours n’est pas particulièrement clair et tend à ralentir dangereusement la narration. Bon nombre de scènes dialoguées alourdissent un film déjà passablement ennuyeux, notamment à cause d’une intrigue inutilement emberlificotée. Dire que le spectateur trouve le temps long au cours des deux heures de projection est un euphémisme. Oubliant le temps d’un long-métrage son efficacité légendaire, Robert Aldrich signe ici une œuvre aux articulations pleines d’arthrose.
Il sous-emploie la belle Catherine Deneuve qui écope d’un personnage de prostituée peu intéressant, tandis qu’il délaisse également toute forme de tension dramatique, au profit de longs tunnels dialogués. Pas étonnant que le film se soit rapidement effondré au box-office, tant il ne pouvait espérer passionner les foules.
Une déception au box-office
Avec 10 millions de dollars de recettes aux USA, La cité des dangers a fait quatre fois moins d’entrées que Plein la gueule avec un budget similaire. En France, le film n’a intéressé que 217 313 spectateurs et ceci malgré la présence au générique de Catherine Deneuve. C’est toutefois un résultat classique pour Burt Reynolds qui n’a jamais attiré le grand public français sur son seul nom.
En l’état, La cité des dangers est donc une œuvre cohérente dans la filmographie d’Aldrich, tout en constituant une sacrée déception sur le plan artistique. On lui préfère largement L’ultimatum des trois mercenaires (1977), son film suivant.
Critique de Virgile Dumez