Comédie féministe sympathique pendant sa première heure, La bonne épouse ne tient pas ses promesses sur la durée. Sa fin démonstrative fera fuir plus d’un cinéphile. Les actrices, elles, sont excellentes.
Synopsis : Tenir son foyer et se plier au devoir conjugal sans moufter : c’est ce qu’enseigne avec ardeur Paulette Van Der Beck dans son école ménagère. Ses certitudes vacillent quand elle se retrouve veuve et ruinée. Est-ce le retour de son premier amour ou le vent de liberté de mai 68 ? Et si la bonne épouse devenait une femme libre ?
Plongée au sein des écoles ménagères des années 60
Critique : Le réalisateur Martin Provost n’a pas attendu le raz-de-marée féministe post-MeToo pour s’intéresser de près au destin des femmes. On se souvient notamment de sa réhabilitation de la peintre Séraphine (2008) dans le film du même nom. Il a également raconté le destin bouleversant de Violette Leduc dans Violette (2013) avec la magnifique Emmanuelle Devos, tout en offrant un rôle dramatique terrible à Yolande Moreau dans Où va la nuit (2011), sans doute son meilleur film.
On comprend d’autant mieux son intérêt pour l’histoire étonnante de ces écoles ménagères dont il a découvert l’existence en discutant avec une vieille dame qui a suivi cet enseignement dans sa jeunesse. Après des recherches conséquentes, Martin Provost et sa coscénariste Séverine Werba ont décidé d’évoquer ces écoles qui avaient pour fonction d’enseigner aux jeunes filles à devenir de bonnes épouses. Afin de pouvoir créer un choc des idées, Martin Provost a choisi de situer son histoire au moment de mai 68, convoquant ainsi ses souvenirs d’enfance, mais aussi par nécessité puisque ces écoles ont disparu après 1970.
Mai 68 ou l’essor du féminisme
La vertu de La bonne épouse est donc tout d’abord de rappeler aux foules d’aujourd’hui à quel point mai 68 fut un moment charnière de notre histoire, balayant en très peu de temps des institutions vieilles de plusieurs siècles. Il ramène ainsi le féminisme à ses origines et propose une vision satirique de ce que pouvait être la position sociale de la femme dans les années 60. Uniquement considérée comme épouse et mère de famille, la femme devait se conformer à un moule établi depuis des siècles, la confinant au foyer et à l’éducation des petits enfants.
Martin Provost a l’intelligence de situer son histoire en Alsace dans une institution privée où les enseignantes peuvent être religieuses (drôle Noémie Lvovsky), totalement soumises à leur mari (impeccable Juliette Binoche en mode minauderie) ou simplement vieilles filles (Yolande Moreau, toujours décalée). Face à cet enseignement qui nous paraît d’un autre temps, les jeunes filles de l’institution sont aussi diverses que possible. Certaines sont totalement soumises au régime patriarcal, tandis que d’autres se rebellent face à cette condition. Toutes seront finalement emportées par le flot de l’histoire qui les mènera sur les routes de France pour participer à la révolution de mai 68.
Un film militant gâché par une fin démonstrative catastrophique
Si la première partie du film est d’une belle efficacité, avec des moments désopilants qui montrent l’absurdité de la condition féminine et qui évoquent parfois la verdeur d’un Milou en mai (Malle, 1990), la seconde partie sur la libération des femmes s’avère bien moins convaincante. Certes, on apprécie les moments où Binoche retrouve l’amour de son adolescence en la personne d’Edouard Baer, mais certains éléments du scénario ne fonctionnent pas. A quoi sert ainsi toute la séquence avec l’arrivée de la télévision ? Elle est plutôt confuse et mélange plusieurs tons – dramatique avec la tentative de suicide d’une pensionnaire et burlesque avec la présence d’Armelle. Mais le pire intervient en toute fin de film lorsque Martin Provost décide de se lancer dans une séquence musicale proprement ratée.
Alors que la comédie montrait de manière plutôt habile le scandale que représentait la condition féminine dans les années 60, Martin Provost succombe à l’air du temps et nous balance une séquence clairement orientée #MeToo qui est d’une lourdeur démonstrative assez insupportable. Alors que le long-métrage prônait jusque-là l’amour entre les êtres, cette séquence exclut totalement du champ les hommes et instaure non pas une égalité, mais un nouveau rapport de force. C’est donc aussi peu fin que très maladroit et le dernier quart d’heure de La bonne épouse vient donc gâcher une bonne partie du plaisir ressenti jusque-là.
La bonne épouse, victime collatérale de la Covid-19
Que l’on apprécie ou non le film, La bonne épouse n’a vraiment pas eu de chance pour son exploitation puisque la comédie est sortie trois jours avant le premier confinement de mars 2020 lié à la crise du Coronavirus. Pourtant, les trois premiers jours étaient plutôt encourageants. Le distributeur Memento Films a positionné le film à la réouverture des salles en juin 2020, mais La bonne épouse n’a pas connu le succès attendu puisque les salles sont restées désespérément vides pendant de longues semaines. Au final, La bonne épouse n’a glané que 632 661 entrées sur l’ensemble du territoire. Il s’agit d’un score correct en temps de pandémie, mais largement en-deçà des possibilités d’une telle comédie en temps ordinaire.
Critique de Virgile Dumez