Henry, Portrait of a Serial Killer : la critique du film (1991)

Biopic, Policier, Drame | 1h23min
Note de la rédaction :
7/10
7
Henry, portrait of a serial killer

  • Réalisateur : John McNaughton
  • Acteurs : Tom Towles, Michael Rooker, Tracy Arnold
  • Date de sortie: 06 Mar 1991
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : Henry : Portrait of a Serial Killer
  • Titres alternatifs : Henry, portrait d'un serial killer (titre DVD, blu-ray et de la reprise française) / Henry - Portrait d'un tueur en série (Québec) / Henry: Retrato de un asesino (Espagne) / Henry: A Sombra de Um Assassino (Portugal) / Henry: portret seryjnego zabójcy (Pologne) / Henry - Pioggia di sangue (Italie) / Henry Lee Lucas - sarjamurhaaja (Finlande) / Retrato de um Assassino (Brésil)
  • Année de production : 1986
  • Scénariste(s) : Richard Fire, John McNaughton
  • Directeur de la photographie : Charlie Lieberman
  • Compositeurs : Ken Hale, Steven A. Jones, Robert McNaughton
  • Société(s) de production : Maljack Productions
  • Distributeur : Pierre Grise Distribution
  • Distributeur (reprise) : Tanzi Distribution
  • Date de reprise : 6 novembre 2013
  • Éditeur(s) vidéo : René Château Vidéo (VHS, 1992) / Opening (DVD, 2002) / Filmedia (DVD, 2014) / Movinside (DVD, 2018) / Carlotta (DVD et blu-ray, 2021)
  • Date de sortie vidéo : 1992 (VHS) / 6 mars 2002 (DVD) / 8 avril 2014 (DVD) / 3 juillet 2018 (DVD) / 22 septembre 2021 (blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 24 972 entrées / 8 223 entrées (sortie originale) - 276 entrées (reprise France 2013)
  • Box-office nord-américain : 609 939 $ (soit 1,3 M$ au cours de 2022)
  • Budget : 111 000 $ (soit 300 000 $ au cours du dollar de 2022)
  • Classification : Interdiction aux mineurs -16 ans avec avertissement
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : Sitges - Catalonian International Film Festival 1990 : Prix du meilleur réalisateur ; meilleur film et meilleur scénario / Seattle International Film Festival 1990 : Prix du meilleur acteur pour Michael Rooker / Fantasporto 1991 : Prix du meilleur film, du meilleur scénario, du meilleur acteur pour Michael Rooker et de la meilleure actrice pour Tracy Arnold / BIFFF 1991 : Silver Raven pour John McNaughton / Avoriaz 1991 : Projection en séance de minuit.
  • Illustrateur / Création graphique : © Joe Coleman (édition blu-ray française), Eric Adrian Lee (édition 4K Arrow Vidéo),
  • Crédits : Maljack Productions
  • Recommandé Art et Essai par l'Afcae
  • Franchise : 1er volet du diptyque sur Henry Lee Lucas, avant Henry, Portrait d'un serial killer 2 (1996)
Note des spectateurs :

Film choc des années 80, Henry, portrait of a Serial Killer marque par sa froideur et son ambiance poisseuse, sublimée par l’interprétation glaçante de Michael Rooker. Inégal par la pauvreté de ses moyens, mais marquant.

Synopsis : Hanté par une enfance martyre, Henry Lee Lucas tue. La seule manière pour lui de se libérer de ses démons. Avec la complicité de Otis Toole, il écume les routes des Etats-Unis, choisissant ses victimes au hasard…

La vie quotidienne d’un tueur en série, tournée comme un documentaire

Critique : Vers 1984, le jeune cinéaste John McNaughton réalise et produit plusieurs petits documentaires putassiers sur des sujets trash dans sa ville natale de Chicago. Alors qu’il envisage le tournage d’un nouveau documentaire, il choisit d’utiliser le maigre budget qui lui est alloué par Malik B. Ali et Waleed B. Ali de Maljack Productions, soit 111 000 $ (environ 300 000 $ au cours du dollar de 2022) pour réaliser son tout premier film de fiction. Afin de limiter les risques, McNaughton opte pour un film d’horreur qu’il traite de manière documentaire.

Pour cela, il s’inspire librement du parcours présumé des tueurs Henry Lee Lucas et Ottis Toole et livre avec Henry, portrait of a Serial Killer (1986) une œuvre glaçante qui bénéficie justement de son manque flagrant de moyens pour lui donner un aspect documentaire frappant. Certes, le cinéaste n’est pas novateur dans sa façon d’aborder la psyché d’un tueur en série puisque Psychose (Hitchcock, 1960), Maniac (Lustig, 1980) et Schizophrenia (Kargl, 1983) s’en sont déjà chargés avant lui. Cependant, McNaughton est toutefois le premier à limiter au maximum les effets de caméra afin de donner une impression d’immersion totale dans le quotidien de personnages banals.

Un pur concentré de cinéma white trash

Afin de ne pas jouer sur le suspense, le cinéaste présente dès le début un nombre conséquent de victimes du tueur qui semblent poser comme des statues de cire, telles des œuvres d’art démentielles. Puis, nous suivons les pas de cet individu qui ne semble pas se distinguer de la masse du petit peuple américain. L’ambiance s’apparente à ce que l’on appelle white trash, puisque les différents protagonistes vivent dans des taudis malfamés et insalubres. Pour renforcer cet aspect sordide, la photographie de Charlie Lieberman insiste sur des tonalités éteintes, des couleurs froides, tandis que les décors suintent la pauvreté et la crasse.

Hnery, portrait d'un serial-killer, la jaquette VHS

© 1986 Maljack Productions / Conception graphique : © 1992 René Chateau. Tous droits réservés.

Lorsque le cinéaste décrit son trio de personnages, il n’hésite pas à avoir recours à une caractérisation outrancière. Si Henry – excellent Michael Rooker – apparaît presque comme le plus normal des protagonistes, on peut saluer aussi l’interprétation naturelle de Tracy Arnold en jeune femme éprise d’un anti-héros. Mais celui qui obtient la palme de l’ignominie est finalement le complice nommé Otis incarné avec conviction par Tom Towles. Là où Henry tue par habitude et pulsion destructrice, Otis est davantage libidineux. Son rapport à la mort des autres est ici lié inextricablement à une sexualité exubérante. Alors qu’il drague les jeunes hommes dans des voitures – le vrai Ottis, avec deux t, avait même une relation avec Henry Lee Lucas – ce monstre s’en prend aussi à sa propre sœur et semble même tenté par la nécrophilie.

Edition DVD et Blu-ray Carlotta de Henry Portrait of a serial killer, (2021)

© 1986 Maljack Productions – Illustration blu-ray : © Joe Coleman. All Rights Reserved.

De l’art de l’épure pour maximiser l’ambiance sordide

Conscient de la noirceur extrême de son propos, John McNaughton a limité au maximum les séquences sanglantes et Henry, portrait of a Serial Killer n’est aucunement un sommet en matière de violence graphique. Ici, tout est plutôt question d’atmosphère, ce qui est renforcé par l’excellente partition musicale au synthétiseur signée Robert McNaughton. Celle-ci établit dès les premiers instants une ambiance lourde et menaçante qui prend le spectateur et ne le lâche plus jusqu’à la fin. Finalement, on pourrait davantage rapprocher le long-métrage des futures expérimentations de Michael Haneke sur des films comme Benny’s Vidéo (1992) et surtout Funny Games (1997).

La particularité d’Henry, portrait of a Serial Killer (1986) est donc d’ancrer l’existence de monstres ordinaires dans le quotidien des Américains. De quoi glacer les sangs de la censure américaine qui a rechigné à laisser le film sortir. Il a fallu le soutien de Chuck Parello pour que le long-métrage soit programmé au Festival de Chicago le 24 septembre 1986. A partir de là, le métrage a mis du temps à s’imposer à cause de sa trop grande violence. Il a été ensuite programmé en septembre 1989 aux festivals de Boston, puis de Telluride, avant d’obtenir une sortie limitée au mois de janvier 1990.

Un culte grandissant au cours des années 90

En France, il a fallu attendre 1991 pour que le métrage soit projeté au Festival d’Avoriaz lors d’une séance de minuit. Dans la foulée, le distributeur Pierre Grise Distribution le programme dans quelques salles à partir du mercredi 6 mars 1991, avec un bel écho dans la presse. L’interdiction aux moins de 16 ans avec avertissement ne l’affecte guère au vu du circuit art et essai où il est diffusé. L’éditeur René Chateau sent venir la bonne affaire et diffuse à partir de 1992 une VHS dans sa collection mythique « Les Classiques de l’horreur et de l’épouvante ».

Edition collector 4K de Henry Portrait of a serial killer, Arrow video

© 1986 Maljack Productions Illustration exclusive pour l’édition 4K © Arrow Vidéo : Eric Adrian Lee. All Rights Reserved.

Petit à petit, un culte prend corps. Le film est même parodié par des Belges avec C’est arrivé près de chez vous (Belvaux, Bonzel, Poelvoorde, 1992), tandis qu’une suite est opportunément mise en chantier par Chuck Parello. Henry, portrait d’un serial killer 2 (Parello, 1996) n’arrive pourtant à aucun moment à la cheville de son modèle et échoue directement dans les bacs vidéo à bas prix.

Une reprise cinéma en 2013 et plusieurs éditions vidéo ont entretenu le culte

Le long-métrage choc débarque dès 2002 en DVD dans une édition au rabais chez Opening, où l’on traduit pour la première fois le titre en Henry, portrait d’un serial killer. Depuis, ce titre francisé a été repris à chaque diffusion du film dans nos contrées. Il a aussi fait l’objet d’une restauration et d’une reprise en salles en 2013 par les bons soins du petit distributeur Tanzi Distribution. Au cours des années 2010, Filmedia, puis Movinside éditent un DVD collector deux disques respectivement en 2014 et 2018. Toutefois, c’est Carlotta qui dégaine le premier blu-ray du long-métrage en 2021, preuve que le métrage underground est devenu un pur objet de culte pour cinéphiles avertis. Une vraie consécration pour une œuvre inégale, mais effectivement marquante par son ambiance poisseuse.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 6 mars 1991

Acheter le film en blu-ray sur le site de l’éditeur

Henry, portrait of a serial killer

© 1986 Maljack Productions / © 1991 Pierre Grise Distribution. Tous droits réservés.

Biographies +

John McNaughton, Tom Towles, Michael Rooker, Tracy Arnold

Box-office :

Henry Portrait of a Serial Killer est historique. Il fut le premier long métrage distribué par Pierre Grise Distribution. Créé par Martine Marignac, productrice de Rivette et d’œuvres d’art et essai rigoureuses, décédée en juillet 2022, le distributeur allait, avec Henry Portrait of a Serial Killer, s’astreindre à un type de sortie minimaliste dont il avait le secret. Aussi, le thriller psychologique n’est pas une œuvre commerciale balancée dans un circuit large. A Paris, le film initialement prévu pour le 6 février 1991 sort finalement un mois plus tard, le 6 mars. Est-ce en raison d’un manque d’écrans disponibles?

En tout cas, la production underground, interdite aux moins de 16 ans, réalise un score exceptionnel pour son lancement, avec 3 296 entrées au seul cinéma le Racine. Après un premier jour à 478 entrées, le bouche-à-oreille n’a cessé d’enfler.

1 523 spectateurs se déplacent en deuxième semaine pour assister à ce spectacle exclusivement en VO. Le succès continue. Puis 1 091 en 3e semaine, 683 entrées en 4e semaine, mais cette fois-ci au 3 Luxembourg où il reste jusqu’à sa 11 e semaine pour un total de 8 223 spectateurs.

Au final, il s’agit d’un beau succès pour ce jeune distributeur qui sortira en septembre de la même année son second long, La belle noiseuse de Rivette, avec Emmanuelle Béart, qui obtint le score historique de 277 696 amateurs d’art à l’état pur. Pierre Grise distribution cessera son activité en juin 2009. Cette Belle noiseuse restera son meilleur score.

En France, Henry Portrait of a Serial Killer voyagera discrètement en France, avec un nombre très limité de copies, dans des villes étudiantes, amatrices de séances en version originale, toujours dans le réseau indépendant. Cela tombe bien, le futur classique était officiellement recommandé Art et Essai par l’Afcae.

Box-office de Frédéric Mignard

Trailers & Vidéos

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Henry, portrait of a serial killer

Bande-annonce de la reprise 2013 d'Henry, portrait d'un serial killer (VOstf)

Biopic, Policier, Drame

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