Entre humour et mal de vivre, Garçon Chiffon décrit avec tendresse le parcours d’un jeune homme au cœur et à l’âme chiffonnés.
Synopsis : Jérémie, la trentaine, peine à faire décoller sa carrière de comédien. Sa vie sentimentale est mise à mal par ses crises de jalousie à répétition et son couple bat de l’aile. Il décide alors de quitter Paris et de se rendre sur sa terre d’origine, le Limousin, où il va tenter de se réparer auprès de sa mère…
Critique : L’excellente mais trop courte scène d’ouverture pose sans détours les bases du récit. Bien que muni d’un GPS, Jérémy hésite sur l’itinéraire à suivre. Doit-il plutôt aller à droite ou à gauche ? D’ailleurs doit-il vraiment se rendre à cette réunion des Jaloux Anonymes où l’attendent sa thérapeute (Dominique Reymond) et les autres membres de l’association à qui il craint fort de ne pouvoir expliquer toute la complexité de ses problèmes ?
Car Jérémy est un garçon secret, empêtré dans des sentiments contradictoires. Il doute de lui-même et encore plus des autres et se noie dans une jalousie incontrôlable qui finit par avoir raison du couple qu’il forme avec Albert (Arnaud Valois).
Garçon Chiffon : les bobos de l’âme d’un garçon trognon
Côté professionnel, ce n’est guère mieux. Le manque d’assurance du protagoniste de Garçon Chiffon, qui est acteur, autorise quelques réalisateurs à l’assaillir, en toute bonne foi, d’un cynisme si savamment élaboré qu’il force l’admiration.
Et puis, il lui faut aussi faire le deuil de son père, disparu il y a peine six mois.
Face à tant d’adversité, il ne voit d’autre échappatoire que de regagner son Limousin natal pour retrouver la chaleur du nid maternel et en profiter pour préparer sa prochaine audition. Mais suffit-il de changer d’endroit pour abandonner son mal-être ? Pas si sûr.
Contrairement aux apparences, ce tableau tragique et pathétique réussit à ne jamais s’abîmer dans la noirceur grâce à la délicatesse et à l’humour qui le sous-tendent. Nicolas Maury, que le grand public a découvert grâce à la série télévisée Dix pour cent, endosse ici le double costume de réalisateur et coscénariste. Et il se glisse au millimètre près dans les vêtements de ce doux rêveur, qui n’est peut-être pas tout à fait lui mais paraît bien lui ressembler, tout au moins dans sa façon de regarder le monde.
Rire, autodérision et poésie
Certes la place quasi exclusive réservée à ce jeune homme un peu trop larmoyant mais si singulier confine à l’égocentrisme et génère un léger sentiment d’agacement. Pourtant, derrière ce nombrilisme assumé se profilent, entre rire et autodérision, une sensibilité extrême et une poésie rare, portée par quelques scènes mémorables, dont celle du sauvetage de Jérémie par quelques bonnes sœurs généreusement directives qui non seulement transportent le spectateur dans un univers délicieusement mystérieux mais démontrent toute l’originalité de la mise en scène.
Toute l’énergie et la fantaisie de Nathalie Baye
En ramenant Jérémie vers les terres de son enfance, Garçon Chiffon se double d’un émouvant portrait de mère à qui Nathalie Baye prête son énergie et sa fantaisie. Occupée par ses locations de gîtes et ses abécédaires au point de croix, Bernadette vit tranquillement dans un village perdu du centre de la France. Elle sait, dès qu’il le faut, déployer tout un arsenal de tendresse pour redonner, entre autorité et tolérance, le sourire à ce rejeton trop fragile que la vie malmène telle une poupée de chiffon mais qu’elle aime comme il est. Leur relation touchante participe largement à la saveur douce-amère de cette aventure familiale où s’entremêlent trop plein d’amour et affliction, blessures d’enfance et renaissance.
Même si la narration s’encombre parfois de digressions inutiles provoquant quelques baisses de rythme, la spontanéité des dialogues, la facétie des situations et la richesse de ses références font de cette première œuvre une réussite.
Critique de Claudine Levanneur
Les sorties de la semaine du 28 octobre 2020
Les sorties de la semaine du 19 mai 2021 (reprise)
Sortie vidéo :
Garçon chiffon est disponible à partir du 18 août 2021 en format physique, exclusivement en DVD, chez l’éditeur Blaq Out.