Fraülein SS est un pur film d’exploitation qui serait resté interdit en France pendant 7 ans. Il a été réalisé par Mario Caiano, connu pour ses péplums et thrillers, dans le cadre de la nazisploitation dont les Italiens étaient friands dans les années 70, notamment avec les films Portier de nuit et Salo où les 120 jours de Sodome.
Synopsis : Alors que les nuages menaçants de la Seconde Guerre mondiale se répandent dans toute l’Europe, une jeune femme juive aux cheveux blonds verra sa vie idyllique s’effondrer en morceaux lorsqu’elle sera arrêtée et jetée dans la prostitution forcée au tristement célèbre « camp de joie » 27.
Le film : Obscure production d’exploitation sortie dans l’Hexagone avec 7 ans de retard en raison de ses problèmes avec la censure, selon la promotion, Fraülein SS apparaît sans crier gare, du jour au lendemain dans des cinémas de France, en 1984. Pour exister, elle doit compter uniquement sur un titre explicite et une affiche pour le moins marquante.
L’affiche est cadrée avec rigueur comme un visuel de Landi (est-ce l’illustrateur qui l’aurait créée sans la signer ?). Malgré son grand professionnalisme, elle ne laisse pas de place à l’illusion, on vend bel et bien un film de Nazisploitation. Le sous-genre odieux n’était plus vraiment à la mode au milieu des années 80. La décennie, plus fun que sa prédécesseuse, avait tourné la page des Salon Kitty, Gretchen sans uniforme et autres Ilsa la louve des SS qui proliféraient dans les années 70.
Les spectateurs se sont bel et bien laissés charmer (sic) par l’esthétique deuxième guerre mondiale des grands panneaux extrêmement graphiques placés à l’entrée des cinémas. Pour attirer le regard, un rouge criard et une croix gammée à moitié dissimulée sautent aux yeux. Le sujet est plus ou moins vendu, puisqu’il y sera question d’une relation masochiste entre une victime de camp devenue tenancière de bordel pour officiers SS. Celle-ci est incarnée par l’actrice Sirpa Lane (à la vie tragique à retrouver ici). Le public l’a quelque peu oubliée. Son titre de gloire remonte à 1975, puisqu’il s’agissait de La Bête de Walerian Borowczyk. Sur l’affiche, la protagoniste blonde, au jeu fragile, en retrait, semble récalcitrante, mais puissante. Cela sous-entend la notion de non-consentement et forcément de vengeance de la part de la victime jouissant soudainement d’un pouvoir contradictoire sur les bourreaux.
Fraülein SS est un petit succès estival à Paris
Très proche thématiquement de Portier de nuit dans sa mise en scène d’une relation spéciale entre une jeune femme juive extraite d’un camp et un officier qui lui voue un amour masochiste, Fraülein SS se fait surtout l’illustration d’un sous-genre mélangeant les horreurs de la guerre et la perversion sexuelle, sur fond d’atrocités morales et humaines. Point de réalisme, le genre est surtout caractérisé par de mauvais acteurs, des décors miteux et des dialogues nanardesques qui rendent le genre aussi foireux que comique, la loi du nanar. Fraülein SS, de par la réalisation de Mario Caiano qui est tout sauf un incompétent (L’oeil du labyrinthe), se démarque au moins du tout-venant des séries Z de l’époque, mais l’on ne retrouve pas pour autant la maestria de Liliana Cavani, Pasolini et Tinto Brass.
La sortie de cette production Filmes Cinematografica (Armaguedon d’Alain Jessua, avec Delon et Jean Yanne) est cautionnée par Paramount, puisque la major lui propose de nombreux écrans, la semaine du 4 juillet 1984. Le circuit français lui propose un circuit de 7 sites (les Paramount Marivaux, Montparnasse, Orléans, Galaxie, Montmartre, et le Convention St-Charles, et le Paramount La Varenne, en banlieue). Et ce sont 7 241 spectateurs fétichistes qui se précipitent.
En deuxième semaine, la Fraülein SS trouve encore 5 604 adeptes dans 4 salles et dépasse les 12 000 entrées. La semaine suivante, la production putassière qui aime déshabiller et mettre en scène avec complaisance des scènes de viol, bénéficie encore de deux écrans (les Paramount Marivaux et Montparnasse). Ses 2 186 spectateurs en 3e semaine démontrent que le public de l’époque n’avait vraiment pas froid aux yeux. Fraülein SS restera pas moins de 7 semaines à l’affiche.
- 4e semaine : Paramount Montparnasse 950 hebdomadaires / 15 981 entrées (total P-P)
- 5e semaine : Ritz, Cinevog St-Lazare 3 734 entrées / 19 715
- 6e semaine : Cinévog St-Lazare 493 entrées / 20 208 entrées
- 7e semaine : Cinévog St-Lazare 387 entrées / 20 595 entrées
Fraülein SS a été exploité en vidéo à deux reprises en France, chez Proserpine. L’éditeur le propose sous le titre Destin de femme en 1984, peu après la sortie cinéma, et réédite le titre en 1986-87.