© FDC / Philippe Savoir (www.filifox.com)
Bruno Dumont avec France se lance dans la satire sociopolitique. Le résultat est déconcertant mais le film mais comporte plusieurs passages savoureux.
Synopsis : France est à la fois le portrait d’une femme, journaliste à la télévision, d’un pays, le nôtre, et d’un système, celui des médias.
Dumont et sa satire du journalisme
Critique : Avec France, Bruno Dumont continue d’adopter un ton de comédie, qu’il avait déjà déployé dans Ma Loute et sa série télévisée P’tit Quinquin. L’humour était aussi en filigrane de Jeanne, son précédent long métrage, avec lequel France a également comme point commun la musique de Christophe. Après avoir revisité une page de l’Histoire de France, Dumont se lance dans une satire sociopolitique des médias. Le film commence mal, avec la reconstitution d’une conférence de presse mettant en scène le président de la République, dans un montage utilisant des extraits d’un entretien avec Emmanuel Macron. On craint que Dumont ne se livre à une fantaisie inspirée des Guignols de l’info, dans la lignée du récent Présidents d’Anne Fontaine.
On se rassure vite, le récit empruntant une autre direction. On suit le parcours de France de Meurs (Léa Seydoux), présentatrice vedette du journal télévisé et reporter réputée. Un mélange de Claire Chazal et Anne Sinclair. La jeune femme, d’une blondeur bon chic bon genre, présente avec charme et émotion les actualités, manie à merveille la rhétorique, et se montre modérée et consensuelle dans ses options politiques, tout en se la jouant star dans des reportages où la détresse humaine et les guerres font grimper l’audimat. Elle est coachée par une assistante cynique (Blanche Gardin, très drôle), qui veille à son image. Mais France s’ennuie auprès de son écrivaillon d’époux (Benjamin Biolay), et a conscience de la vanité de son existence. Quand elle renverse par accident le conducteur d’un scooter, sa vie bascule.
Douce France
Librement inspiré d’un texte de Péguy, France a des allures de bande dessinée, avec ses personnages archétypaux et sa narration fluide. Mais Dumont convoque aussi les codes du roman-photo, du mélodrame, du film sociopolitique à la Network, et surtout du burlesque, tant France regorge de séquences comiques. Plusieurs moments sont savoureux, d’un dîner caritatif dans la haute bourgeoisie à l’accompagnement de refugiés dans une embarcation. Le passage d’un genre à l’autre peut toutefois dérouter et nuit à la cohésion de l’ensemble. D’aucuns ont par ailleurs reproché à Dumont son manque de nuances dans la critique du journalisme à sensation et une caractérisation sommaire des personnages, à commencer par la protagoniste, nunuche et pleurnicheuse.
Nous ne partageons pas ce ressenti car c’est précisément l’intérêt du film, qui gagne à être regardé au second degré, à la manière de Starship Troopers de Verhoeven. Mais il est clair que certaines séquences sont ratées ou déplacées (la dernière scène dans le Nord de la France). Le long métrage laisse sur sa faim et apparaît donc mineur. Sifflé en projection de presse par des journalistes qui ont dû se sentir visés, France n’est pas déshonorant mais constitue un chaînon mineur dans la filmographie de Dumont. Si on loue sa volonté de renouvellement, on préfère l’auteur de La vie de Jésus ou Flandres, maître d’un cinéma épuré et mystique.
Critique de : Gérard Crespo
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