Développant une esthétique baroque du meilleur effet, Et le vent apporta la violence est un western tragique particulièrement inspiré. Margheriti à son meilleur.
Synopsis : Après avoir croupi dix ans en prison pour un crime qu’il n’a pas commis, Gary Hamilton revient chez lui. Entre-temps, le vrai coupable, son ami Acombar, a pris possession de ses biens, femme comprise. Tandis qu’une tornade s’annonce sur la ville, Hamilton revient se venger…
L’unique vrai bon western d’Antonio Margheriti
Critique : Grand spécialiste du film d’horreur gothique (La vierge de Nuremberg, Danse macabre, La sorcière sanglante) et du film de science-fiction (Le vainqueur de l’espace, Mort vient de la planète Aytin), Antonio Margheriti n’a pas forcément eu la main verte en abordant le western. Ainsi, malgré quelques bonnes idées, ses deux premiers essais dans le genre sont globalement décevants (Joe l’implacable et Avec Django, la mort est là).
Pourtant, il parvient à signer avec Et le vent apporta la violence (1970) l’un des meilleurs films du genre et une œuvre remarquable à plus d’un titre. Très largement inspiré par les textes bibliques, le script se veut particulièrement archétypal. Il s’agit ici de raconter une simple histoire de vengeance de la part d’un homme trahi par des brigands après un casse particulièrement lucratif. On ne cherchera pas ici de complexité au cœur d’un scénario qui assume pleinement son aspect minimaliste. Tout juste peut-on lui concéder un certain sens du tragique lors d’un final qui précipite tous les personnages dans un déferlement de violence et un feu purificateur.
Tout est affaire d’ambiance
En réalité, dans Et le vent apporta la violence, tout est affaire d’ambiance. Margheriti se sert de manière habile de son savoir-faire dans le domaine du cinéma gothique pour créer une atmosphère anxiogène absolument saisissante. Il se sert au mieux des superbes décors créés par Mario Giorsi et de la photographie très contrastée de Riccardo Pallottini et Luciano Trasatti pour développer une ambiance fantomatique qui colle parfaitement au sujet, puisque le spectateur ne connait jamais le statut du personnage incarné par Klaus Kinski (s’agit-il d’un ange de la vengeance ?). Il se sert également habilement d’une tempête de vent pour créer une atmosphère d’apocalypse qui correspond aux désordres intérieurs des personnages et nous met sur la piste d’une punition d’ordre divine.
Afin de plonger le spectateur dans un spectacle cathartique, Margheriti n’hésite pas à embrasser une esthétique baroque du meilleur effet. Ainsi, il multiplie les cadrages en biais, les plongées et contre-plongées audacieuses, au détriment de la moindre logique en termes de point de vue. Cela renforce le caractère quasiment omniscient du protagoniste principal. Le tout est sublimé par la partition très inspirée de Carlo Savina (véritable stakhanoviste de la bande originale avec près de deux-cents titres au compteur). On adore notamment lorsque le cinéaste se sert du clapot d’une goutte d’eau pour rythmer une séquence d’exécution.
Gothique et baroque à tous les étages
D’ailleurs, Margheriti opte vraiment pour une esthétique gothique en exploitant des grottes qui servent de passage secret entre les différents bâtiments de la ville – et ceci au détriment de toute crédibilité spatiale. Mais peu importe puisque cela dessine en même temps une géographie mentale tourmentée au cœur d’une intrigue minimale qui débouche sur une pure tragédie. Histoire de confirmer son goût pour le baroque, Margheriti livre un duel final original qui reprend ouvertement la séquence finale de La dame de Shanghai (Welles, 1947), tout en terminant son long-métrage par un incendie qui engloutit tous les péchés dans les flammes.
Fortement teinté de catholicisme (les citations bibliques, le rôle de la cloche de l’église), Et le vent apporta la violence est donc un sommet en matière de western baroque au risque d’ulcérer les amateurs du western classique à l’américaine. Ceux qui, comme nous, apprécient les débordements de son pendant italien seront ici aux anges, d’autant que le film bénéficie du charisme intact de Klaus Kinski. On notera toutefois la belle prestation de Peter Carsten – par ailleurs coproducteur allemand du film – en antagoniste plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord. Enfin, Antonio Cantafora est également à l’aise dans le rôle du fils naïf qui devra apprendre la vérité sur son père.
Un western indispensable pour les amateurs de débordements à l’italienne
Sorti au mois de décembre 1970 en France, le long-métrage a surtout connu une exploitation lucrative en province. A l’ère de la VHS, le film est réapparu sous un titre différent : Un homme, un cheval, un fusil. Par la suite, Et le vent apporta la violence a retrouvé son titre d’exploitation cinéma lors de son édition en DVD chez M6 Vidéo dans une copie correcte.
Même si quelques petites longueurs s’invitent de temps à autre en cours de projection, le film de Margheriti (toujours signé de son pseudonyme Anthony Dawson) n’en demeure pas moins un indispensable pour tous les amoureux de western spaghetti sérieux.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 30 décembre 1970
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