Panier de crabes dans le milieu de l’espionnage durant la guerre froide, Espion, lève-toi est un film de genre de qualité avec un Lino Ventura toujours impérial.
Synopsis : Sébastien Grenier est un espion français qui doit réussir à démasquer un agent infiltré par le KGB. En effet, ce dernier manipule un groupe de terroristes gauchistes et les pousse à éliminer tous les espions français qui entourent Grenier.
Un thriller tiré d’un livre de la Série noire
Critique : Bien belle affiche pour cet Espion, lève-toi (1982) avec la présence aux commandes d’Yves Boisset, réalisateur qui a toujours su être efficace. Il est assisté ici de Michel Audiard aux dialogues, d’Ennio Morricone à la musique et d’un casting trois étoiles. D’ailleurs, l’origine du projet remonte à Michel Audiard, grand amateur de polars, qui a repéré le livre Espion lève-toi de George Markstein dans la fameuse collection Série noire. Inspiré d’une histoire vraie, le livre était selon Michel Audiard un véhicule parfait pour Lino Ventura.
Yves Boisset raconte ainsi dans son autobiographie La vie est un choix (Plon, 2017) :
Lorsqu’il [Audiard] m’a fait lire le sujet, l’idée m’est venue de confronter Lino, et son côté brut de fonderie, avec Michel Piccoli, dont l’ambiguïté et la perversité étaient aux antipodes. La perspective de ce duel entre les deux monstres sacrés emballa Audiard qui leur écrivit dans la subtilité et la mélancolie un de ses dialogues les plus brillants et les plus intelligents.
L’affrontement jubilatoire entre deux monstres sacrés : Lino Ventura et Michel Piccoli
Tout d’abord, Lino Ventura apporte son charisme à ce personnage d’espion traqué qui ne sait plus qui croire dans cette machination diabolique. Michel Piccoli incarne pour sa part un personnage à la fois charmeur et terriblement antipathique comme il a toujours su si bien le faire. Ils sont secondés par toute une galerie de seconds couteaux prestigieux comme Bernard Fresson, Bruno Cremer et même l’excellente actrice polonaise Krystyna Janda (interprète des films de Wajda, entre autres).
© 1982 StudioCanal. Tous droits réservés.
Malgré la présence au générique d’un cinéaste connu pour ses prises de position politiques marquées à gauche, cette œuvre reste avant toute chose un pur divertissement, respectant le cahier des charges du traditionnel film d’espionnage : double, triple ou quadruple jeu d’espions pris au piège d’une machination qui les dépasse, impliquant les grandes puissances de l’époque (on évoque bien sûr les rivalités Est-Ouest et la guerre froide). Rien de bien nouveau sous le soleil, mais le film a le mérite de créer une véritable atmosphère de complot et son scénario est suffisamment bien mené pour tenir le spectateur en éveil jusqu’au bout.
Espion, lève-toi navigue dans un monde incertain et ambigu
D’ailleurs, cette incertitude quant à l’identité du manipulateur a été sciemment entretenue par Yves Boisset et Audiard qui ont pris leur décision aux derniers jours du tournage. Comme l’indique Yves Boisset dans son autobiographie :
C’est, je crois, un défi assez unique dans l’histoire du cinéma. Tourner tout un film en ignorant volontairement qui en est le méchant.
Bien sûr, Espion lève-toi a aujourd’hui pris un petit coup de vieux, notamment dans l’approche de certains milieux (le bar gay est assez ridicule, par exemple) ou le rythme parfois un peu languissant, mais le but du cinéaste est tout de même atteint. Ainsi, le spectateur passe un moment très agréable en compagnie de stars françaises prestigieuses nous contant une histoire sans doute pas si loin que cela de la réalité dans sa description de la manipulation exercée par les grandes puissances.
Une vingt-huitième place annuelle au box-office
Sorti au mois de janvier 1982, Espion lève-toi se place à la deuxième place du box-office parisien lors de sa semaine d’investiture avec 164 688 espions dans les salles, juste derrière Le grand pardon d’Arcady qui caracole en tête. Le film d’Yves Boisset a ensuite rapidement chuté pour finir sa carrière à 453 918 Parisiens dans les salles. La province a répondu davantage présent puisque le film a eu une carrière longue de plus de deux mois et que le cumul le porte à 1 302 777 entrées, soit la 28ème marche du podium annuel. Si le long-métrage a donc correctement fonctionné, il n’a pas affolé les compteurs du box-office, sachant que Lino Ventura sortait du triomphe de Garde à vue (Miller, 1981) et ses deux millions d’entrées, et qu’il s’apprêtait à largement dépasser les trois millions de spectateurs pour Les misérables (Hossein, 1982) et Le ruffian (Giovanni, 1983).
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 27 janvier 1982
Acheter le film en DVD
Voir le film en VOD
© 1982 StudioCanal / Affiche : Michel Landi. Tous droits réservés.
