Comme un fils ne dépareille pas dans la filmographie du grand Vincent Lindon avec son thème social réalisé avec pudeur et fondé sur des personnages bien écrits. Intéressant.
Synopsis : Jacques Romand est un professeur qui a perdu sa vocation. Témoin d’une agression dans une épicerie de quartier, il permet l’arrestation de l’un des voleurs : Victor, 14 ans. Mais en découvrant le sort de ce gamin déscolarisé que l’on force à voler pour survivre, Jacques va tout mettre en œuvre pour venir en aide à ce jeune parti sur de si mauvais rails. Quitte à affronter ceux qui l’exploitent. En luttant contre les réticences mêmes de Victor pour tenter de lui offrir un avenir meilleur, Jacques va changer son propre destin…
Un drame social entièrement porté par Vincent Lindon
Critique : Réalisateur protéiforme capable d’évoluer dans le film de genre le plus pur (Le convoyeur, Cortex, Gardiens de l’ordre) ou dans le film d’auteur plus difficile d’accès (Le plaisir (et ses petits tracas)), Nicolas Boukhrief a choisi de se pencher sur le métier d’enseignant après l’assassinat de Samuel Paty, afin de questionner la notion de vocation liée à ce travail aussi indispensable que complexe. Dans le même temps, il s’est étonné du traitement toujours aussi caricatural réservé à la communauté Rom dans les médias. Dès lors, l’idée lui est venue de mêler les deux thématiques dans un seul scénario intitulé Comme un fils (2024).
© 2023 Eskwad, Le Pacte. Tous droits réservés.
Dès le début du processus d’écriture, le comédien Vincent Lindon a souhaité s’investir dans ce projet qui correspond parfaitement à son propre engagement social et il a notamment contribué à faire évoluer le projet au point que l’on peut presque parler d’un film social “à la Vincent Lindon”. Effectivement, l’acteur a déjà maintes fois joué les bons samaritains qui viennent en aide à des personnes en détresse. On se souvient ainsi du magnifique Welcome (Philippe Lioret, 2009) où le comédien aidait un migrant à franchir la Manche pour entrer illégalement au Royaume-Uni.
Comme un fils, une affaire de transmission
Ici, le grand acteur incarne un professeur en pleine crise de foi qui décide de quitter le navire de l’Education Nationale car il ne se sent plus utile. Lors d’un vol à la tire, il intercepte un jeune garçon qui appartient à la communauté Rom et qui en porte les stigmates physiques. Battu par son oncle s’il ne lui rapporte pas suffisamment d’argent, le jeune homme est en réalité un métis et n’est donc pas considéré à égalité parmi ses propres congénères. C’est l’occasion pour Nicolas Boukhrief de démontrer sa capacité à nuancer son portrait d’une communauté souvent caricaturée, alors même que d’importantes lignes de fracture existent en son sein.
Finalement, le sujet de Comme un fils n’est pas tant l’évocation des Roms que la relation qui se noue entre un enfant menacé dans sa chair et un professeur qui va retrouver foi en sa vocation par le biais d’un projet associatif. Si la description des Roms n’a rien de novatrice pour qui a vu Le temps des Gitans (Emir Kusturica, 1988), on préfère largement celle de l’aide à l’enfance et notamment des errements administratifs de services totalement dépassés par la situation.
L’histoire d’une renaissance mutuelle
Alors que le sujet faisait plutôt peur dans sa volonté démonstrative, Nicolas Boukhrief et son scénariste Éric Besnard parviennent à éviter en partie les écueils du film à thèse en se concentrant sur la relation qui se noue entre le jeune Rom et l’adulte qui va enfin le considérer comme un être humain à part entière. L’émotion nait de cette renaissance mutuelle puisque le gamin va pouvoir s’émanciper de sa communauté, tandis que le prof désabusé va retrouver foi en sa capacité à améliorer le quotidien d’autrui. Petit à petit, on apprend à connaître le personnage de Jacques Romand (Vincent Lindon, donc) et l’on comprend mieux les énormes failles de cet homme brisé par un drame personnel terrible. Pour lui aussi, cette expérience de sauvetage d’un gamin constitue un moyen de redonner un sens à sa vie en miettes.
© 2023 Eskwad, Le Pacte. Tous droits réservés.
Alors que Nicolas Boukhrief a parfois usé d’une réalisation tape-à-l’œil au long de sa carrière, il a fait le choix ici de s’effacer derrière la puissance de son sujet. Il a notamment fait confiance à Vincent Lindon pour occuper l’écran de manière charismatique. On ne peut guère lui reprocher tant le comédien est décidément au sommet de son art depuis maintenant plus d’une quinzaine d’années. Le spectateur ressent chaque réflexion de son personnage, chaque hésitation et chaque emportement avec une rare puissance.
Il est ici secondé par le jeune acteur roumain Stefan Virgil Stoica qui lui donne avantageusement la réplique en anglais. Le duo fonctionne parfaitement à l’écran jusqu’à une scène finale plutôt émouvante, sans pour autant verser dans un sentimentalisme béat. En directrice d’une association, Karole Rocher s’en sort également très bien. Certes, Comme un fils ne bouleverse aucunement les règles du film social à la française, mais il s’inscrit de manière parfaitement cohérente au sein de la filmographie de Vincent Lindon, sans démériter.
Box-office de Comme un fils
Pourtant, la déception l’emporte très rapidement en ce mercredi 6 mars 2024 où le métrage est positionné par Le Pacte dans 248 salles pour un résultat catastrophique de 55 026 entrées, soit une quatorzième place hebdomadaire étonnante. Pourtant, le distributeur ne se démonte pas et injecte des copies supplémentaires en deuxième semaine avec 302 sites vides.
Ainsi, Comme un fils perd déjà 52% de ses maigres entrées et tombe en vingtième position avec seulement 25 952 retardataires. Le drame social se stabilise en troisième septaine et franchit péniblement la barre symbolique des 100 000 entrées. Après seulement deux mois de présence à l’affiche, Comme un fils s’éteint avec 120 937 travailleurs sociaux à son bord. Cette contre-performance a eu pour effet de limiter sa sortie physique à un simple DVD. Il faut donc avoir recours à la VOD pour visionner le long métrage en HD.
Critique de Virgile Dumez
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© 2023 Eskwad, Le Pacte / Affiche : Fidelio. Tous droits réservés.
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Nicolas Boukhrief, Vincent Lindon, Karole Rocher, Guillaume Draux, Stefan Virgil Stoica
Mots clés
Cinéma français, Les gitans au cinéma, Les enfants maltraités au cinéma, La relation prof-élève au cinéma