D’une durée de plus de 3 heures (réduit à 1h49min depuis cet article), Civil War d’Alex Garland met en scène la polarisation de l’Amérique contemporaine dans une dyschronie en forme de Guerre civile. Le budget de 75M$ est le plus gros jamais investi par la société indépendante A24.
Au lendemain de l’élection de Joe Biden, le paysage dévasté des Etats-Unis ne fait plus de doute. Désormais, l’on peut parler des Etats désunis d’Amérique. Un président, Donald Trump, qui refuse de rendre le pouvoir en favorisant les fausses informations sur des élections truquées, des complotistes qui prennent d’assaut le Capitole… La démocratie américaine est ébranlée, fragilisée par les mensonges de la droite extrême et l’entêtement généralisé à ne pas écouter les revendications des deux camps.
Civil War ou la nouvelle guerre de Sécession d’une l’Amérique polarisée entrée dans son année présidentielle
Civil War se veut être une illustration de la polarisation de l’Amérique contemporaine où la trumpisation du parti républicain et l’extrême-gauchisation d’une partie de l’aile gauche des Démocrates, parti historiquement centriste, rendent la cohabitation impossible sur des valeurs culturelles, sécuritaires, identitaires. Disney dans sa chute spectaculaire au premier rang des groupes les plus détestés des Etats-Unis, en est devenu un symbole évident.
De ce constat idéologique, géographique (le repli des citoyens sur certains états où l’idéologie prospère au détriment du vivre ensemble) et culturel (la dérive autour du second amendement et des armes à feu qui s’inscrit dans une culture de l’arme), le réalisateur d’Ex Machina et d’Annihilation a eu l’idée d’une nouvelle guerre de sécession (Civil War, en anglais) où les Américains doivent choisir leur camp, entre le progressisme californien et le conservatisme texan.
Suprémacistes et Wokes dans l’enfer de leur propre idéologie?
Civil War est une production ambitieuse signée A24 (Beau is Afraid) qui vient secouer l’insupportable Amérique idéologue en cette année d’élection présidentielle. Dans l’air du temps, le film avec Kirsten Dunst tape à la même porte que le récent Le monde après nous (Leave the World Behind) de Sam Esmail et la franchise American Nightmare. Pour Metropolitan FilmExport, distributeur français du film, la thématique n’est pas nouvelle, puisqu’elle s’inscrit dans les mêmes eaux que Hunger Games ou L’Aube Rouge où à chaque fois l’Amérique s’arme face à la menace totalitaire.
L’actrice Kirsten Dunst se trouve en tête d’affiche, en reporter de guerre qui affronte le terreau américain comme un état déliquescent d’Amérique du sud ou d’Afrique. Son statut de journaliste, haï par l’Amérique sudiste et la droite évangélique, en fait un premier rôle évident dans une nation où la lumière de la presse face aux ténèbres de l’ignorance est fragilisée par les réseaux sociaux et les groupes d’informations factieux comme Fox News qui ont colporté les doutes fabriqués de toutes pièces sur les résultats des élections à des fins de sabotage éhonté de la démocratie.
Californie versus Texas, Elon Musk a fait son choix, et vous ?
Civil War pourrait bien donner des idées aux trublions anarchistes de l’Idaho qui voient en Donald Trump un homme faible (sic) par rapport à leurs projets de repli communautaire. Au moment où la Californie cède de sa puissance face à la Floride et au Texas, et quand Biden chute dans les sondages face à un ancien président populiste croulant sous les menaces judiciaires avérées, le nouveau projet d’Alex Garland, scénariste de 28 jours plus tard et plume aiguisée aux scripts malins, est forcément l’un des plus attendus du premier semestre de 2024.
Entre la Californie et sa crise du logement et le Texas armé jusqu’aux dents, Elon Musk a fait son choix. Et vous?
Pour la société A24 qui a investi une fortune dans ce budget de 75M$, les enjeux sont monumentaux, d’autant qu’elle a perdu beaucoup avec Men, le précédent film de Garland, qui mettait en scène Jessie Buckley et Rory Kinnear. La durée de plus de 3 heures a valu à Civil War une post-production particulièrement longue de près d’un an. Le film n’a d’ailleurs pas pu sortir aux USA pour concourir aux remises de prix de 2024. Un mauvais signe? On veut encore y croire? et pour cause. Garland, maître en scénarii toujours astucieux, promet de nombreux rebondissements. Dans la bande-annonce teaser qui lance la campagne publicitaire du film, il semble associer la Californie et le Texas dans cette même union fratricide contre le reste du pays. Une surprise narrative qui génère actuellement bien des discussions aux USA, comme une sorte d’avertissement face à un monde binaire qui serait plus complexe que l’on ne le croit.
La guerre des deux Amériques aura-t-elle lieu? Oui, mais pas forcément comme on le croit.
Les sorties de la semaine du 17 avril 2024
© A24. All Rights Reserved. Tous droits réservés