Du niveau d’un téléfilm de bas étage, Card Player est un giallo de piètre facture visuelle qui entérine une fois de plus le déclin artistique de Dario Argento durant les années 2000. Totalement dispensable.
Synopsis : Un tueur en série défie la police au poker en ligne : s’il gagne, il assassine une nouvelle victime en direct sur le net. Anna, une jeune enquêtrice, va pénétrer dans le monde terrifiant du « joueur de cartes ».
Dario Argento à la recherche d’un nouveau souffle
Critique : Après le joli succès italien rencontré par son giallo Le sang des innocents (2001), Dario Argento est désormais convaincu que le grand public n’attend de lui que des œuvres rattachées à son glorieux passé. Pourtant conscient de l’évolution récente du cinéma horrifique mondial vers de nouveaux horizons, Argento choisit de se confronter au monde moderne en s’emparant d’un thème à la mode, à savoir l’informatique, internet et les jeux en ligne.
Il écrit donc Card Player en ayant dans l’idée de confier le rôle principal à sa fille Asia. Pendant un temps, le film est même envisagé comme une suite au Syndrome de Stendhal (1996), ce qui est finalement abandonné lorsque sa progéniture refuse de collaborer à ce nouvel opus car trop accaparée par sa propre réalisation, Le livre de Jérémie (Asia Argento, 2004). Ce refus a d’ailleurs entraîné une brouille d’une dizaine d’années entre la fille et son géniteur.
Apparemment abandonné de tous – son projet intitulé Lunettes noires vient de tomber à l’eau à la suite de la faillite de la société Cecchi-Gori – Dario Argento décide donc de produire en totale autonomie The Card Player pour la somme de deux millions d’euros. Avec son histoire entièrement fondée sur un whodunit, le thriller se veut d’une grande modernité et doit ainsi remettre Dario Argento au centre du jeu de l’horreur contemporaine. Le résultat final, assez piteux, va au contraire creuser un peu plus le tombeau d’un réalisateur devenu ringard.
Des scènes d’enquête dignes d’une série allemande
Cela démarre de manière assez molle avec plusieurs séquences tournées au cœur d’un commissariat sans charme. La photographie du belge Benoît Debie (pourtant collaborateur inspiré de Gaspar Noé) se conforme aux indications du cinéaste qui souhaite une image froide. Malheureusement, cela se révèle être surtout une photographie insipide digne des mauvaises séries allemandes des années 80-90.
©️ 2003 Medusa Film S.p.A. Tous droits réservés.
A la décharge de Benoït Debie, les décors fades et dépourvus de saveur n’aident guère à accrocher la lumière. Le directeur de la photographie prouve par deux fois sa valeur réelle lors de scènes de poursuite dans les ruelles sombres de Rome. Ce sont les seuls moments où le spectateur a le sentiment de retrouver le Dario Argento qu’il a autrefois aimé. Le reste du temps, le cinéaste filme des intérieurs plats et désincarnés, échouant même à créer le moindre suspense (notamment dans la séquence d’intrusion du serial-killer dans l’appartement de la policière).
Card Player redéfinit les notions de platitude et de ringardise
Cette platitude n’est guère compensée par le script lui-même puisque cette intrigue basée sur les jeux en ligne oblige le cinéaste à filmer des écrans d’ordinateur. De plus, cet élément de modernité confine à la ringardise puisque le jeu en question a terriblement mal vieilli. Il ne faisait déjà pas illusion à l’époque, en renvoyant clairement aux origines de l’informatique. La contribution du compositeur Claudio Simonetti ne constitue pas non plus une valeur ajoutée puisque le musicien se contente d’aligner des morceaux électro insipides qui peuvent accessoirement se transformer en une techno européenne particulièrement ridicule. Au lieu de sublimer les images du maestro, la musique tend donc à rabaisser encore un peu plus le niveau.
En ce qui concerne le scénario, Dario Argento semble avoir abandonné toute ambition artistique pour livrer une narration linéaire parfaitement indigne de son talent. Et finalement peu importe quel est le coupable – il a été changé à la dernière minute pour complaire aux autorités policières – puisque cela pourrait être n’importe qui au vu de l’absence de motivation du maniaque. Et que dire de la dernière séquence située sur les rails d’une ligne de chemin de fer sinon qu’elle est totalement incongrue. Preuve que toute idée originale n’est pas nécessairement bonne !
Des acteurs relativement épargnés
Au cœur de ce long métrage faiblard, seuls les acteurs principaux semblent à peu près épargnés. Certes, Stefania Rocca n’a pas une présence extraordinaire, mais elle est soutenue par un Liam Cunningham professionnel. Parmi les jeunes recrues, on signalera les interprétations plutôt justes de Silvio Muccino et Claudio Santamaria, tous deux révélés peu de temps auparavant par le triomphal Juste un baiser (Gabriele Muccino, 2001).
Décevant à tous les niveaux, Card Player n’avait clairement pas sa place sur grand écran avec son esthétique télévisuelle qui était volontaire de la part du réalisateur. Les Italiens ne s’y sont pas trompés et n’ont pas répondu présent dans les salles.
Card Player, puis The Card Player en vidéo
Cela a condamné la sortie française d’un film qui a donc été directement exploité en vidéo sous le titre Card Player en 2005. A partir de 2008, le polar sous Prozac a été réédité avec cette fois l’ajout d’un article, devenant The Card Player. Désormais, le navet est accommodé à la sauce blu-ray par les bons soins de l’éditeur Extralucid Films. Malgré un toilettage en 4K, The Card Player apparaît tel qu’il est, un film d’une platitude visuelle indigne de son prestigieux géniteur. Toutefois, ce dernier fera encore bien pire par la suite.
Critique de Virgile Dumez
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©️ 2003 Medusa Film S.p.A. / ©️ 2023 Extralucid Films. Graphismes : Anastassia Elias ; Artwork : Gilles Vranckx. Tous droits réservés.
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Dario Argento, Claudio Santamaria, Adalberto Maria Merli, Antonio Cantafora, Liam Cunningham, Micaela Pignatelli, Stefania Rocca, Silvio Muccino
Mots clés
Cinéma bis italien, Giallo, Nanar, Les tueurs fous au cinéma