Cagliostro : la critique du film (1950)

Drame, Fantastique, Cape et d’épée | 1h45min
Note de la rédaction :
6/10
6
Cagliostro, l'affiche du film

  • Réalisateur : Gregory Ratoff
  • Acteurs : Orson Welles, Valentina Cortese, Frank Latimore, Akim Tamiroff, Nancy Guild, Raymond Burr, Harriet Medin
  • Date de sortie: 05 Mai 1950
  • Nationalité : Américain, Italien
  • Titre original : Black Magic
  • Scénaristes : Charles Bennett, Richard Schayer, d'après un roman d'Alexandre Dumas
  • Directeur de la photographie : Ubaldo Arata, Anchise Brizzi, assistés de Carlo Carlini
  • Compositeur : Paul Sawtell
  • Distributeur : Les Artistes Associés
  • Editeur vidéo : Rimini Editions (combo DVD / Blu-ray)
  • Sortie vidéo (combo) : 3 juillet 2018
  • Budget : 1,5 M$
  • Box-office France / Paris-périphérie : 1 345 484 entrées / 274 151 entrées
  • Format : 1.37 : 1 / Noir et blanc / Son : Mono
  • Crédits visuels : © 1949 Impex Films. Tous droits réservés.
Note des spectateurs :

Fantaisie historico-fantastique, Cagliostro est une adaptation très libre d’Alexandre Dumas qu’il faut surtout voir comme un plaisant divertissement issu de l’âge d’or hollywoodien. Orson Welles y cabotine avec délectation.

Synopsis : L’histoire du célèbre charlatan Cagliostro et de sa soif de pouvoir dans la France du XVIIIe siècle.

Orson Welles fait l’acteur pour gagner son indépendance financière

Critique : L’année 1949 est fondamentale pour l’acteur-réalisateur Orson Welles qui opère un choix fondamental pour la suite de sa carrière. Dégoûté du traitement qui lui est infligé à Hollywood, il décide effectivement de quitter son pays pour l’Europe. Il fait ainsi le choix de l’indépendance totale. Car s’il tourne trois films durant cette année en tant que vedette, c’est dans le but unique de financer ses futurs projets avec ses cachets. Parmi ceux-ci figurent un Othello qu’il va mettre trois ans à mettre en œuvre avec un tournage homérique.

Cagliostro, l'affiche du film

© 1949 Impex Films. Tous droits réservés.

Orson Welles tourne donc cette même année 1949 un chef-d’œuvre en Autriche et en Angleterre (Le troisième homme de Carol Reed) et deux productions commerciales en Italie (Echec à Borgia de Henry King et ce Cagliostro de Gregory Ratoff). Le film qui nous occupe appartient en réalité à un cycle de productions initié par Edward Small et s’inspirant très librement de l’œuvre littéraire d’Alexandre Dumas. On lui doit notamment des succès comme Le comte de Monte Cristo (Lee, 1934), L’homme au masque de fer (Whale, 1939), Le fils de Monte Cristo (Lee, 1940), Vendetta (1941), déjà réalisé par Gregory Ratoff ou encore Le retour de Monte Cristo (Levin, 1946).

Une adaptation très libre d’Alexandre Dumas

Cagliostro intervient donc en fin de cycle, sans doute à cause du terrible défi représenté par l’adaptation des quatre livres d’Alexandre Dumas qui forment les Mémoires d’un médecin. Le scénariste Charles Bennett s’est apparemment servi des personnages développés dans le premier livre (Joseph Balsamo), en les intégrant dans la structure narrative du deuxième tome (Le collier de la reine). Il effectue ainsi une synthèse qui fera naturellement bondir les apôtres de Dumas père. Les approximations et erreurs historiques sont également nombreuses dans ce long-métrage qu’il faut donc avant tout regarder comme un divertissement hollywoodien.

Si le montage trahit parfois les coupes sombres effectuées dans l’intrigue principale, Cagliostro a le grand mérite de ne jamais ennuyer. Il débute par une scène puissante qui voit la famille gitane du petit Joseph Balsamo décimée par la volonté d’un cruel noble local. La séquence bénéficie d’un superbe noir et blanc et de plans savamment agencés pour faire ressentir toute l’injustice de la situation. De quoi expliquer le trauma de celui qui va devenir un hypnotiseur de génie afin d’accomplir sa sombre vengeance sur la noblesse et la monarchie en général.

Une vision historique hautement fantaisiste

Car le personnage, par-delà sa folie qui devient progressivement de la mégalomanie, est assurément une force transgressive qui peut précipiter le monde dans le chaos. Bien entendu, les férus d’histoire souriront gentiment lorsque le cinéaste décrit Louis XV comme un souverain un peu idiot, ou encore lorsque la future Révolution est expliquée par la présence maléfique du fameux hypnotiseur. Mais peu importe finalement puisque nous sommes bien en présence d’une vraie fantaisie historique, illustrée par les dons de Cagliostro qui sont d’ailleurs ici totalement validés par les auteurs.

Le long-métrage peut donc aisément se ranger dans la case des films fantastiques, avec un goût certain pour les complots. Cela n’empêche nullement d’apprécier la charge des auteurs contre le système monarchique, vecteur de toutes les inégalités et injustices. Si Gregory Ratoff n’est clairement pas un génie de la mise en scène, il s’en sort plutôt bien ici, grâce à une excellente gestion des décors et des déplacements des acteurs. Par contre, sa caméra reste trop souvent statique, ce qui ne permet pas de donner du souffle à certaines séquences pourtant importantes. Il laisse par ailleurs Orson Welles cabotiner dans un rôle qu’il maîtrise parfaitement : celui d’un démiurge qui impose ses volontés aux autres par le pouvoir de la pensée.

Orson Welles dévore l’écran, en mode cabotinage

Face à lui, les autres acteurs sont également bien dirigés et l’on saluera la prestation toujours impeccable d’Akim Tamiroff (en gitan) et Richard Goldner (en Mesmer). Frank Latimore, lui, écope du rôle du gentil, et ne parvient pas vraiment à s’imposer face à son antagoniste de génie. On notera enfin la très bonne tenue du duel final à l’épée qui a lieu sur les toits de Paris.

Sans être une œuvre incontournable du genre, Cagliostro vaut donc mieux que sa piètre réputation, sans doute due à la comparaison avec les films réalisés par le génial Orson Welles. Sorti en 1950 en France, le long-métrage a plutôt bien tenu la route sur le plan commercial, notamment grâce à la province qui l’a accueilli à bras ouverts. Ils ont été 1 345 484 spectateurs à faire le déplacement dont 274 151 sur Paris. Il s’agit en l’état de l’un des meilleurs scores de la carrière d’Orson Welles sur notre territoire, peu de temps après la sortie triomphale du Troisième homme (5,7 millions d’entrées sur le territoire français) en octobre 1949.

Critique du film :  Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 5 mai 1950

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Cagliostro, la jaquette du combo

© 1949 Impex Films / © 2018 Rimini Editions. Tous droits réservés.

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