Dans le genre horrifique, la série B australienne Acolytes est un souffle d’esthétisme, beau et mordant, qui convie nos sens à un enfer dont on ne ressort pas indemne. Une petite perle à découvrir de toute urgence.
Synopsis : Suite à la disparition d’une jeune camarade de classe, Mark surprend une voiture s’éloigner dans les bois, près d’un monticule de terre fraîchement remuée… Avec l’aide de ses amis James et Chasely, il décide de retourner sur place et de creuser…
Critique : Bête de festivals, le thriller Acolytes est méconnu en France où il n’a bénéficié que d’une sortie technique. Affublée d’une affiche peu vendeuse, cette série B australienne n’a donc pas été présentée à la presse. Et au niveau des écrans, seul un site l’a proposé entre ses murs pour une seule semaine d’exploitation. Nous saluerons à cette occasion le Publicis, sur les Champs Elysées, qui lui a octroyé une séance nocturne quotidienne, pour un total ahurissant de 159 spectateurs en fin de course. Cela fait mal. On pourra regretter cette sortie en catimini aux antipodes des qualités réelles du choc d’esthétisme et d’ambiance qu’est Acolytes, un plaisir total pour le spectateur aventureux qui découvre ainsi les talents de Jon Hewitt. Le cinéaste, Australien alors proche de la cinquantaine, déboulonne de l’intérieur le mythe de la banlieue blanche d’une nation viciée par une violence sourde. Ce règlement de comptes avec ses classes populaires, voire moyennes, on la retrouvera tout particulièrement dans le pessimiste Animal Kingdom de David Michôd en 2010 et elle trouvera un véritable paroxysme en 2011, avec Les Crimes de Snowtown de Justin Kurzel. Deux références immédiates que préparait déjà Acolytes en 2008.
Le scénario sur fond de tueur en série et d’abus sexuels sur et entre des adolescents, est original, cruellement vertigineux, surtout il déboulonne l’apparence tranquillité de faubourg où le mal est pourtant enraciné dans une forme de barbarie et de silence. L’addition des deux accouche d’une œuvre inattendues qui fait de la trouille un virus contagieux, avec tout le talent d’un auteur sensible (il est fan de Tarkovski et de Larry Clark) qui sait retranscrire la sauvagerie avec parcimonie.
Pendant une petite heure et demie, on suit les péripéties, à la fois lourdes (dans les actes) et en apesanteur (dans le traitement visuel) de trois ados qui tentent de manipuler un tueur à leurs fins personnelles. Alors qu’on les croirait échappés de Naissance des pieuvres de Céline Sciamma, les mômes se voient très vite dépassés par leur naïveté d’amateurs et se retrouvent au cœur de l’étau fatal qui va se resserrer progressivement sur eux, jusqu’à un final paroxysmique particulièrement glauque et qui justifiera largement l’interdiction aux moins de 16 ans qui a frappé cette petite production en France.
Dans un désir incessant de singularité, la caméra fuit les réalisations clichés des sempiternels Saw, productions horrifiques alors contemporaines et dominantes, ou des ersatz du Silence des agneaux pour s’acheminer sur le territoire éthéré du thriller esthétique australien. C’est là où l’on retrouve chez l’auteur sa volonté d’approcher le cinéma de Larry Clark, en essayant d’infiltrer le plus délicatement possible le désespoir de jeunes gens brisés.
Filmant la nature dans sa verticalité avec une fascination colorée, cadrant et détaillant le décor avec une précision fascinante, Jon Hewitt prend à contre-pied les canons commerciaux et épouse ainsi toute l’étrangeté fébrile de la ozploitation arty comme Next of kin, Darkly Noon, Lantana et autre Wolf creek, tout en s’évertuant à façonner son propre style.
Souvent filmé à ciel – bleu – ouvert, dans une forêt clairsemée, ou dans une demeure au design aseptisé, Acolytes sait néanmoins se montrer oppressant. Au-delà des décors utilisés avec le même brio que David Slade dans Hard Candy ou Richard Kelly dans Donnie Darko (on pense beaucoup à ces deux métrages), les effets sensoriels, à base d’ellipses, analepses et prolepses, transforment cette virée dans l’Australie pépère des beaux quartiers, en cauchemar tordu et malsain, où le script n’est pas au bout de ses révélations.
Au même moment où les thrillers craspecs montés à la Sawcissonneuse dominaient les écrans, Acolytes se distingue par sa sensibilité troublante. Sa diffusion clandestine en a accentué le caractère insaisissable. Des années après sa sortie occultée, la célébration de sa cinéphilie débordante est une nécessité, d’autant que son cinéaste a depuis largement disparu des radars.
Sorties de la semaine du 25 mars 2009
L’Ozploitation au cinéma
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Test DVD d’Acolytes (édition 2011)
L’édition DVD d’Acolytes parue en 2011 était solide et un bel hommage au travail artistique du cinéaste, Jon Hewitt.
Compléments et packaging : 1.5 / 5
Une bande-annonce efficace du film et trois entretiens au montage hasardeux accompagnent le programme. L’interview de 11mn avec le cinéaste révèle les intentions de celui-ci, marier le cinéma de genre au cinéma d’auteur. On retient ses deux influences, parfaitement perceptibles, Ken Park de Larry Clark et Suspiria d’Argento. Les deux entretiens avec les comédiens sont plus anecdotiques.
Image : 4 / 5
Voulant absolument transcender le cinéma d’horreur, le réalisateur Jon Hewitt a soigné sa mise en scène et l’esthétique du film. Son expérience sensorielle est joliment retranscrite par la copie proposée ici. Visuellement enthousiasmante, malgré quelques plans qui manquent de définition, celle-ci joue sur les contrastes et la luminosité avec succès. Tourné à la caméra numérique, Acolytes s’apprécie d’autant mieux en DVD. Le format original en 2.35 a été respecté.
Son 4 /5
CTV aime soigner ses DVD, attribuant pistes DTS et 5.1 Dolby Digital aux films les plus mineurs de son catalogue. Ici, l’on retrouve comme à l’accoutumée une piste DTS 5.1 pour accompagner la version française. Elle est d’une grande efficacité, soulignant le moindre petit son arrière, mais gare aux effets coups de vent qui traversent l’écran, ils ont tendance à exploser les oreilles, d’autant que l’expérience sensorielle que représente Acolytes passe énormément par sa bande-sonore. La piste 5.1 Dolby Digital de la version originale est similaire, sachant que le doublage est plutôt bien fichu, les deux options sont envisageables.