Box-office France 2023 entre bides et succès. La guerre entre la France et l’Amérique a bien eu lieu. Etat des lieux.

Le cinéma américain progresse de 14% par rapport à 2022, avec 76 800 705 entrées en 2023. (*)

1. Super Mario Bros le film : 7 359 395 entrées
2. Barbie : 5 846 809 entrées
3. Avatar : la voix de l’eau : 5 306 668 entrées
4. Oppenheimer : 4 446 424 entrées
5. Les gardiens de la galaxie Volume 3 : 3 436 824 entrées
6. Elementaire : 3 190 267 entrées
7. Indiana Jones et le cadran de la destinée : 2 940 904 entrées
8. Mission : Impossible Dead Reckoning Part 1 : 2 617 032 entrées
9. La Pat Patrouille: la super Patrouille : 2 309 716 entrées
10. Creed III : 2 294 794 entrées

Le classement démontre un peu plus la domination du cinéma anglophone sur le cinéma francophone. On soulignera la présence d’Avatar : la voix de l’eau, sorti en 2022,  qui, malgré son score remarquable en 2022 (plus de 8 600 000 entrées) a brillamment poursuivi sa carrière en 2023.

L’horreur fait le plein de sang frais chez nos adolescents

Pourtant, les entrées du cinéma américain se sont focalisées sur une poignée de sorties, puisque le nombre de blockbusters étasuniens tend à diminuer d’une année à l’autre. Ce cinéma s’est même écroulé faute de nouveautés hebdomadaires (septembre, novembre, lui ont ainsi été fatal). Les studios produisent moins et sélectionnent davantage les projets en raison de l’alternative que leur offre le direct-to-svod, notamment pour la plupart des films de genre. Seul le film surnaturel et horrifique anglophone a vraiment cartonné, quand le film de super héros patine, avec des échecs patents. The Flash (897 000) et Blue Beetle chez Warner / DC et The Marvels (824 000) chez Disney / Marvel ont été des bides quand La Nonne 2 (1 203 000), Scream 6 (1 187 000) Five Nights at Freddy’s (861 000), L’Exorciste Dévotion (766 451), Evil Dead Rise (612 110), Saw X (609 000) et La main (521 000) se sont distingués chez les jeunes en dépit de budgets très réduits.

 Le cinéma français progresse de 13% par rapport à 2022, avec 59 192 928 spectateurs.

1. Astérix & Obélix : l’Empire du Milieu : 4 598 637 entrées
2. Alibi.com 2 : 4 277 971 entrées
3. Les Trois Mousquetaires d’Artagnan : 3 337 706 entrées
4. 3 Jours Max : 1 884 404 entrées
5. Miraculous Le film : 1 632 108 entrées
6. Anatomie d’une chute : 1 303 832 entrées
7. Les Trois Mousquetaires Milady : 1 173 072 entrées*
8. Tirailleurs : 1 171644 entrées
9. Je verrai toujours vos visages : 1 165 205 entrées
10. Mon crime : 1 091 489 entrées

*en cours d’exploitation

Pathé : beaucoup de bas

Malgré de très gros budgets, le cinéma français n’a pas su revenir à ses gros chiffres d’antan. Aucune de ses superproductions n’a dépassé les 5 millions, y compris l’Astérix & Obélix de Guillaume Canet, victime de sa nullité artistique, et le diptyque Les Trois Mousquetaires qui aurait quand même pu faire 4 millions d’entrées par chapitre. Le second épisode, Milady, ne dépassera même pas les 3 millions en 2024, avec près de 2 600 000 entrées en février 2024.

Le malaise des gros budgets se retrouve illustré par le cas Dany Boon, dont les 23 millions d’euros de budget de La vie pour de vrai ont accouché d’un score catastrophique au box-office avec 812 281 spectateurs. C’est la première fois que le Boon du cinéma français ne parvient pas à dépasser le million avec l’une de ses réalisations. Tous ses films jusqu’à maintenant, en tant que cinéaste, dans les années 2010 avaient dépassé les 4 500 000 spectateurs.

Dany Boon, c’est fini

Les comédies populaires n’ont pas vraiment fait de miracle, à part Alibi.com 2 qui a été à la hauteur de sa drôlerie (4 277 000). Succès également pour Les petites victoires (946 000) qui est allé chercher sur le terroir comme la plupart des films du distributeur Zinc., un nouveau venu qui a eu moins de chance avec Des mains en or (Lambert Wilson et Balasko ont attiré 279 982), et surtout Ma langue au chat (92 000), Un coup de maître (89 000), Super bourrés (61 000) et Umami (49 000), avec Gérard Depardieu, désormais plus fort pour générer des vues sur les réseaux sociaux et les chaînes d’information qu’en salle, puisque l’acteur est dans la tourmente en raison d’accumulations de plaintes pour viols et agressions sexuelles.

Anatomie d’une chute en pleine ascension

Autre succès patenté, Anatomie d’une chute est un nouvel exploit français, palmé à Cannes, mais c’est surtout une énième production locale qui n’arrachera pas l’Oscar du Meilleur film étranger, puisque la France a fait l’erreur de ne pas le proposer pour représenter les couleurs du pays. Les propos de Justine Triet contre la politique d’Emmanuel Macron dans la culture auraient-ils refroidi les sélectionneurs français ? Ou est-ce l’erreur d’avoir sélectionné à tort un film à procès réalisé par une autre cinéaste l’an dernier, qui n’avait in fine même pas pu concourir dans cette catégorie ? En 2023, Anatomie d’une chute a fini l’année à 1 300 000 entrées, mais sa longue carrière est loin d’être close, puisqu’avec ses nominations et prix supplémentaires (dont les César), tout au long du premier trimestre, la surprise Justine Triet vole vers les 1 700 000 spectateurs.

En route pour les César

Beau score pour le difficile Je verrai toujours vos visages, qui a mis tout le monde d’accord. Le drame humain de Jeanne Herry-Leclerc a connu un magnifique bouche-à-oreille qui lui a permis une vraie stabilité pendant 5 semaines. In fine, cette production sur la Justice Restaurative aura surpris plus d’1 165 000 spectateurs. Même score pour le best-seller devenu film Sur les chemins noirs, avec Jean Dujardin, et Le règne animal, production de genre onéreuse mais qui a vraiment été appréciée par le public et la critique, générant un remarquable bouche-à-oreille depuis sa première cannoise. Le règne animal fait partie de ces films millionnaires et ses nominations aux César l’ont consolidé aux yeux du public.

Beau score pour La tresse de Laetitia Colombani qui est bien parti pour atteindre le million en fin d’année 2023 (deux moins plus tard, la production SND se tient fièrement à 1 233 679 spectateurs !). Valérie Donzelli a atteint le second meilleur score de sa carrière avec le très abouti L’amour et les forêts qui compte parmi les meilleurs films français de 2023 (668 000). Un beau score après les échecs de Notre Dame et surtout Marguerite et Julien qui avait à peine conquis 28 713 spectateurs. Pour Virginie Efira, vedette de la charge féministe contre les violences faites aux femmes de Donzelli, l’année 2023 lui aura offert l’un de ses plus gros succès personnels avec L’amour et les forêts, mais aussi l’un de ses plus gros échecs avec Rien à perdre qui n’a pas franchi les 200 000 tickets.

Très beau score également pour Sage-homme, film de Jennifer Devoldere, qui, en délaissant son actrice fétiche Mélanie Laurent, a surtout obtenu le plus gros succès de sa carrière (624 000 entrées), révélant ainsi l’acteur Melvin Boomer. C’est d’ailleurs le seul succès de Karin Viard qui enchaîne les bides depuis le début de la décennie avec pas moins de 10 films sous les 200 000 entrées en 3 ans, dont Un nouveau départ (288 000 entrées, flop partagé avec Franck Dubosc), Une nuit (117 000 entrées, bide partagé avec Alex Lutz) et Magnificat, sorti dans 200 cinémas en juin, mais qui n’a été vu que par 85 000 spectateurs.  Un désastre sur toute la ligne. Wahou ! de Bruno Podalydès a au moins réussi à s’approcher des 245 000 entrées. Le minimum attendu.

Création Le Cercle Noir pour Silenzio – © 2022 Chi-Fou-Mi productions, Trésor Films, StudioCanal, France 3 Cinéma

Tik Tok joue les trublions

Le consentement est un très gros succès auprès des adolescents qui ont découvert sa promo sur TikTok. Film difficile de par son sujet, l’adaptation du bouquin de Vanessa Springora avec Jean-Paul Rouve et Kim Higelin a connu une ascension atypique grâce au bouche-à-oreille généré chez les jeunes par le réseau social, passant de 59 000 entrées en première semaine à 142 000 en 3e semaine. En fin de carrière, le drame sur l’emprise et la pédophilie a bousculé 616 000 ados.

Yannick de Quentin Dupieux est le plus gros succès du cinéaste avec 458 000 spectateurs en fin d’année 2023, probablement grâce au phénomène Raphaël Quenard. Incroyable mais vrai, en 2022, avait tout juste réalisé 317 000 pour l’artiste également connu sous le nom de M. Oizo.

On applaudit le million de Mon crime de François Ozon. L’auteur n’avait pas réussi à obtenir pareil score depuis Dans la maison en 2012 ! Le succès du film repose énormément sur ses comédiens, notamment son trio de dames, Nadia Tereszkiewicz, Rebecca Marder, et Isabelle Huppert. Cela sera l’un des seuls succès de Gaumont en 2023. La major française s’est fourvoyé sur bien des films. Le film en costume, comme Tirailleurs, a fait le minimum, devenant l’exemple d’une production stigmatisée par les débordements de haine entre l’extrême Gauche et l’extrême Droite sur les réseaux sociaux. Au moins pour Gaumont, ses 1 196 000 entrées sont toujours cela à prendre.

Les Intouchables pris pour cibles

Autre film à avoir été tiraillé entre les meutes de droite et de gauche sur les réseaux sociaux, DogMan de Luc Besson a été tué par des règlements de comptes. 289 000 entrées pour un film de 20 millions d’euros, aux critiques plutôt positives, c’est nul. De même, Second Tour d’Albert Dupontel n’a même pas dépassé le million. En revanche, pour le duo Nakache/Toledano, qui  accordait à Gaumont ses plus gros succès depuis Intouchables (19 479 000), c’est la soupe à la grimaces : 900 000 entrées. Même Hors Normes qui avait sous performé en 2019 avait atteint les 2 millions de visiteurs.

Les scores cumulés des biographies Bernadette et L’Abbé Pierre (1 600 000 entrées pour ces deux films) restent en deçà des 2 543 852 entrées de Simone le voyage du siècle, en octobre 2022. Même chose pour Jeanne du Barry, film d’ouverture Cannois qui a provoqué des débats futiles sur la présence de Johnny Depp à son casting. Le seul score français de la fresque historique est laborieux (764 000), mais démontre une curiosité. On sait toutefois que sortir pareille production française en mai n’est pas aisé. L’international a présenté des scores contrastés. A voir à l’issue de la tournée des marchés et notamment de la SVOD.

Box-office France 2023 : les bides

Parmi les bides hexagonaux en 2023, citons La vengeance de maître Poutifard (531 000), La petite de Guillaume Nicloux (459 000), La guerre des Lulus (325 000), Choeur de rockers (297 000), Flo (279 000), Divertimento (276 000), Inestimable (240 000), Acide (239 000), La passion de Dodin Bouffant (228 000*), Veuillez nous excuser… (218 000), Complètement cramé (214 000), De grandes espérances (204 000), Et la fête continue (204 000), Soudain seuls (203 000), Comme par magie (197 000), Pour l’honneur (182 000), Visions (172 000), Un petit miracle (170 000), L’île rouge (150 000), Bâtiment 5 (143 000), Monsieur le maire (141 000), Quand tu seras grand (138 000), Juste ciel ! (136 000), Sexygénaires (136 000), Une nuit (135 000), Les têtes givrées (133 000), Les complices (126 000), Bonne conduite (125 000), L’été dernier (123 000), Le principal (121 000), Hawaii (119 000), La plus belle pour aller danser (108 000), L’établi (108 000), La grande magie (100 039), Arrête avec tes mensonges (89 000), Magnificat (85 000), Neneh superstar (84 000), Les cadors (80 000), Sur la branche (80 000), Les âmes soeurs (80 000), 38°5 quai des Orfèvres (79 000), Je ne suis pas un héros (70 000), Pour la France (70 000), Cet été-là (70 000), Le petit Blond de la Casbah (69 000), 16 ans (69 000), Goutte d’or (69 000), Voyage au Pôle Sud (68 000), Sous le tapis (63 000), Le processus de paix (62 000), L’astronaute (62 000), Marinette (61 000), Une histoire d’amour (56 000), C’est mon homme (55 000), La marginale (53 000), Carmen (48 000), Apaches (47 000), Le retour (42 000), Les Rascals (38 000), La tour (31 000), Petites (29 000), Brillantes (27 000), Normale (27 000) Petit Jésus (25 000), Stars at Noon (22 000), Avant que les flammes (20 000), Avant l’effondrement (20 000), La bête dans la jungle (16 400), La ligne (13 000), Juniors (13 000)…

La liste est interminable et démontre l’incapacité de notre cinématographie d’exister à pareil niveau de productivité. Il est évident que chaque semaine, en dehors de tout critère de qualité, il y a bien trop de productions françaises pour un potentiel de spectateurs forcément réduit.

Frédéric Mignard

Retrouvez les films de l’année 2023 ici

Affiche : Benjamin Seznec pour Troïka – Photo : Justine Triet © Les Films Pelléas, Les Films de Pierre. Tous droits réservés / All rights reserved

Box-office France 2023 : entre bides et succès