The Power of the Dog de Jane Campion est un film d’esthète au propos appuyé sur la difficulté d’être différent au début du XXe siècle. A voir pour sa photographie harmonieuse et sa conclusion subtile et puissante.
Synopsis : Un éleveur à l’autorité charismatique tente d’intimider la nouvelle épouse de son frère et le jeune fils de celle-ci. Mais des secrets bien gardés refont surface.
Critique : Film de la renaissance de Jane Campion, auteure majeure des années 90, La leçon de piano demeure l’une des plus belles démonstrations de féminisme avant-gardiste majorée d’une Palme d’or historique pour une femme cinéaste. Campion s’est depuis forgée une belle réputation d’auteure intransigeante et singulière.
Avec le projet de l’adaptation du roman The Power of the Dog de Thomas Savage, roman de 1967 découvert tardivement dans les années 2000 en France, son retour a été tonitruant. Elle revient avec la force de Netflix pour une promotion simultanée à l’échelle mondiale et profite d’une reconnaissance tardive des femmes réalisatrices pour imposer enfin son travail des années 90 comme une évidence pour les néo-féministes qui y retrouveront toute l’austérité de la condition de femmes à des époques variées, comme il est aujourd’hui courant de la mettre en scène dans les productions contemporaines.
Avec The Power of the Dog, les prix (Venise et son Lion d’or et des dizaines de nominations pour les plus grandes remises de prix de 2022) et les critiques sont une sorte de reconnaissance définitive pour Campion, avec une œuvre pourtant loin d’être son meilleur opus, qui n’égale pas formellement les grands westerns et les grandes épopées contemplatives auxquels on aurait aimer la comparer.
Campion cadre bien et favorise une photographie somptueuse, mais sans époustoufler dans la reconstitution aride de son Amérique de l’Ouest et des mouvements de caméra toujours craintifs. Harmonieux et classieux, le huitième film de la réalisatrice de Sweetie et Un ange à ma table, ne se démarque pas par sa thématique inhérente au tout-venant de la production contemporaine, ce qui est contradictoire au vu du caractère novateur de l’œuvre de la cinéaste.
Sa réflexion sur la difficulté d’être à une époque où la norme du plus fort broyait les êtres différents, est alourdie dans son insistance à brosser la méchanceté crasse du personnage d’homosexuel refoulé qu’incarne Benedict Cumberbacht. Souffrant dans ses non-dits, celui-ci dissimule sa faiblesse dans l’aigreur, l’agressivité envers l’autre, l’homophobie exacerbée et un mépris de la femme. Son personnage ténébreux et haïssable terrifie son entourage et obscurcit un film qui ne trouve sa rédemption que dans son dernier quart d’heure. Le rebondissement complexe donne davantage d’épaisseur aux personnages manichéens pour lesquels on ressent peu d’empathie (une femme trop lisse dans son portrait victimisé et son fils efféminé trop gentillet pour une époque revêche).
Enfin, la dernière partie vient présenter des figures qui ne sont pas juste forgées dans leurs qualités poétiques mais dans la réalité sociologique d’un temps et le déterminisme qui en découlait. Cela rend ce beau film finalement bien plus équilibré.
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