Pâtissant d’un script absurde et hasardeux, Survivre est un film français bancal, mais qui a le mérite d’embrasser le genre catastrophe avec une belle ambition visuelle.
Synopsis : Une catastrophe bouleverse la planète : les pôles magnétiques de la Terre se sont inversés. Les océans ont anéanti les continents, laissant derrière eux un vaste désert. Dans ce monde ravagé, une famille doit lutter pour sa survie. Quand les pôles s’inverseront à nouveau, il sera trop tard.
Survivre, un film de producteurs
Critique : A l’origine de Survivre (2024), l’on trouve un duo de producteurs qui adore le film de genre, à savoir Marc-Étienne Schwartz et Marco Stanimirovic à qui l’on doit déjà le shocker Revenge (Coralie Fargeat, 2018). Les deux complices se sont entiché du script écrit à quatre mains par Alexandre Coquelle (davantage connu sous son pseudo Matt Alexander) et Mathieu Oullion qui sont pourtant surtout connus pour avoir écrit un nombre considérable de comédies populaires fort moyennes, pour ne pas dire médiocres. Parmi elles, on trouve tout de même Le boulet (Alain Berbérian, Frédéric Forestier, 2002), Bis (Dominique Farrugia, 2015), Les gorilles (Tristan Aurouet, 2015), Le lion (Ludovic Colbeau-Justin, 2020) ou encore Divorce Club (Michaël Youn, 2020).
Avec Survivre, les auteurs embrassent un tout autre genre puisqu’ils s’attaquent au film catastrophe dans sa dimension climatique. Le long métrage s’inscrit donc dans la veine récente du cinéma de genre français incarnée par Just Philippot (La nuée en 2020 et Acide en 2023). Ils imaginent ici une improbable inversion des pôles magnétiques de la planète, avec pour conséquence immédiate le déplacement des océans vers les terres émergées et inversement.
De beaux paysages naturels marocains
L’idée, bien qu’absurde, pouvait déboucher sur une œuvre fantastique de bonne tenue pour peu que l’écriture soit soignée. Ce n’est malheureusement pas le cas de Survivre qui souffre de plusieurs contraintes, notamment budgétaires. Effectivement, tourné en une vingtaine de jours pour la somme assez dérisoire de 5 millions d’euros, le métrage ne peut aucunement rivaliser avec ses modèles américains. Afin de maximaliser son pouvoir de fascination, le réalisateur Frédéric Jardin (des comédies pas terribles et le thriller raté Nuit blanche) a opté pour un tournage dans les espaces désertiques du Maroc.
© 2024 M.E.S. Productions – Monkey Pack Films. Tous droits réservés.
L’idée est plutôt bonne puisque les décors désertiques évoquent effectivement des lieux où, autrefois, les eaux ont creusé la terre. Ces paysages magnifiques donnent un cachet particulier aux images, d’autant que la réalisation de Frédéric Jardin s’avère plutôt efficace dans sa gestion du suspense et des grands espaces, avec des références évidentes au western. Il utilise également de manière parcimonieuse, mais plutôt judicieuse des CGI pas trop horribles au regard du budget alloué. Ainsi, les crabes et autres araignées de mer numériques paraissent assez crédibles dans leurs évolutions, tandis que le plan final fait son petit effet.
Un script aux circonvolutions pour le moins étranges
Malheureusement, le script s’avère insuffisamment travaillé. Les personnages principaux sont purement archétypaux et ne possèdent guère de personnalité et leurs aventures sont frappées du sceau de l’incongruité lorsque les auteurs les opposent à un serial-killer dont on ne saura rien, pas même ce qu’il vient faire là. Certes, cette décision est audacieuse et octroie au film une part d’originalité, mais cela a tendance à ruiner la crédibilité d’une intrigue qui est déjà suffisamment absurde comme cela. Au moins Frédéric Jardin embrasse-t ’il le cinéma de genre à bras le corps en signant quelques scènes particulièrement violentes (d’où l’interdiction justifiée aux moins de 12 ans) qui étonnent dans un film français mettant en scène une famille traditionnelle.
Des acteurs rarement convaincants
Autre défaut non négligeable, Frédéric Jardin semble n’avoir pas totalement maîtrisé sa direction d’acteurs. Ainsi, l’ensemble du casting semble en déphasage permanent, avec des prestations à la lisière du ridicule par moments. Et pourtant, Emilie Dequenne se donne à fond, de même que les deux adolescents, dans des séquences très physiques qui ont sans doute été de vrais challenges. Mais ce sont les scènes plus dramatiques qui paraissent trop artificielles et sonnent donc faux. L’ensemble est parfois compensé par une partition musicale correcte signée Nicolas Errèra qui crée une atmosphère à la fois anxiogène et étouffante.
Pour finir, Survivre est donc une œuvre bancale qui a le mérite d’être ambitieuse avec un budget pourtant très limité, mais qui souffre de détours narratifs pour le moins aventureux. En tout cas, le métrage ne devrait pas réconcilier le public français avec son cinéma de genre, et c’est bien dommage.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 19 juin 2024
Affiche : Les Aliens.Com © 2024 M.E.S. Productions, Monkey Pack Films, Compagnie Générale de effets spéciaux. Tous droits réservés.
Biographies +
Frédéric Jardin, Emilie Dequenne, Andreas Pietschmann, Lisa Delamar, Lucas Ebel
Mots clés
Cinéma fantastique français, Cinéma post-apocalyptique, L’apocalypse au cinéma, La mer au cinéma