Description sans concession d’une société futuriste, Soleil vert nous parle de notre monde actuel et fait toujours froid dans le dos.
Synopsis : En 2022, les hommes ont épuisé les ressources naturelles. Seul le soleil vert, sorte de pastille, parvient à nourrir une population miséreuse qui ne sait pas comment créer de tels aliments. Omniprésente et terriblement répressive, la police assure l’ordre. Accompagné de son fidèle ami, un policier va découvrir, au péril de sa vie, l’effroyable réalité de cette société inhumaine.
Soleil vert, une œuvre visionnaire
Critique : Richard Fleischer est un vétéran lorsque la MGM lui confie la réalisation de Soleil vert (1973), film d’anticipation particulièrement pessimiste. Il a déjà de nombreuses œuvres majeures à son actif comme Vingt mille lieues sous les mers (1954), Les vikings (1958), L’étrangleur de Boston (1968) qui renouvelait le genre policier en suivant les agissements d’un malade mental, ou encore la grosse production de guerre Tora ! Tora ! Tora ! (1970).
Anticipant la crise économique qui touche nos pays occidentaux depuis 1973, les auteurs décrivent une société futuriste pas si éloignée que cela de la nôtre. Ainsi, le chômage sévit et précipite la population dans les rues, le désordre et l’insécurité règnent sans partage et toutes les ressources de la planète sont allègrement pillées. Toile de fond particulièrement sombre qui permet au cinéaste de raconter une histoire policière dont la révélation finale donne encore aujourd’hui la chair de poule.
Une dystopie à succès, récompensée à Avoriaz
Un peu à la manière d’un George Orwell (1984) ou d’un Aldous Huxley (Le meilleur des mondes) en littérature, les auteurs anticipent d’une trentaine d’années les évolutions futures de la société, et, comme eux, font un constat accablant : destruction écologique massive, pauvreté galopante, inégalités sociales de plus en plus marquées, toute-puissance de grandes sociétés et atmosphère répressive. Le cinéaste apporte à son sujet son efficacité légendaire et parvient à créer un univers futuriste parfaitement crédible et qui n’a pas pris une ride.
Il est soutenu par un casting irréprochable : Charlton Heston campe un héros toujours convaincant, même si le vétéran Edward G. Robinson lui vole la vedette à de nombreuses reprises. La scène de sa mort devant des images d’archives d’une nature luxuriante est particulièrement touchante, sachant que l’acteur mourut peu de temps après la réalisation du film. L’utilisation de La sixième symphonie de Ludwig von Beethoven permet à cette scène magnifique d’atteindre un rare degré d’émotion poétique. Soleil vert représente donc le dernier sommet dans la carrière d’un réalisateur totalement dévoué aux grands studios hollywoodiens. Une pièce maîtresse dans l’histoire de la science-fiction qui a été célébrée à l’époque par un Grand Prix au Festival d’Avoriaz et par un joli succès public.
Critique de Virgile Dumez
Box-office :
Soleil Vert n’a pas été un énorme succès pour Charlton Heston aux USA malgré des critiques très positives. En France, le public est présent malgré la sortie simultanée d’un certain film phénomène qui allait révolutionner les années 70, Emmanuelle, plus gros carton de la décennie qui sort enfin après une menace d’interdiction totale de la part de la censure.
Premier jour France
Dès le premier jour, Emmanuelle de Just Jaeckin, avec Sylvia Kristel, trouve une première place à 14 386 entrées sur Paris. Soleil vert doit se contenter de 4 679 spectateurs, soit un peu plus que Le Camp Spécial N°7 (Love Camp Number Seven) de l’indécrottable Robert-Lee Frost. En 4e place, Je suis une femme, je veux un homme, produit danois olé olé trouvait 1 898 spectateurs. Plaisirs et dangers du sexe de Giovanni Crisci défendait sa révolution sexuelle auprès de 1 528 coquins. Enfin en 5e place des nouveautés, Shaft revenait avec Trafiquants d’homme. Le blaxploitation flick de John Guillermin avec Richard Roundtree, distribuée par la major CIC, trouvait 1 484 spectateurs en fin de journée. Une déception pour cette sortie dans 15 salles sur P.P. quand Alpha France proposait Le Camp Spécial N° 7 dans un peu moins de 10 écrans. Je suis un homme, je veux un homme était même projeté dans 4 cinémas. Et Plaisirs et dangers du sexe dans 5 cinémas.
Un film interdit aux moins de 13 ans au milieu des interdits au moins de 18 ans
Soleil vert, avec une interdiction aux moins de 13 ans, faisait figure de production enfantine dans un déluge de produits interdits au moins de 18 ans, puisqu’outre Trafiquants d’hommes, Emmanuelle et les productions érotico-pornos citées plus haut, on notera également la distribution, en exclusivité au Hollywood Boulevard, de La brute, le Bonze et le méchant, une autre nouveauté interdite aux mineurs.
Où voir le film en 1974 ?
Soleil vert était à l’affiche des cinémas le Dragon, l’Elysées Lincoln, le Publicis Matignon, le Cluny Palace, le Maxéville, le Gaumont Sud, le Mayfair, et le Clichy Pathé.
Soylent Green sera un remarquable succès sur la durée. Le démarrage à 48 000 spectateurs sur la capitale donnera lieu à une carrière estivale d’une grande stabilité. A la fin de l’été, le film de Richard Fleischer, en 10e semaine, est encore présent dans 6 cinémas en intramuros où il récolte 13 227 spectateurs, pour un total provisoire de 288 092 spectateurs. Cela lui vaut une 14e place hebdomadaire.
En province, à la fin de l’été, sur 8 semaines, la dystopie a engrangé 28 000 spectateurs à Lyon et 25 000 spectateurs à Marseille. Elle voyage sur des villes retardataires comme Metz, Nancy, ou Strasbourg.
Un film culte qui se déroule en… 2022
Soylent Green deviendra un véritable film culte aux multiples reprises en salle, avec de multiples éditions en vidéo (la plus culte en VHS et V2000, chez RCV). En 2022, toujours aucun remake n’est à l’horizon, en revanche, nous avons atteint l’année fatidique durant laquelle le récit d’anticipation se déroule. Et l’humanité, en proie au réchauffement climatique et d’acidification des océans, n’est pas très fière. Mangerons-nous à notre tour nos vieillards en barre? Réponse prochainement. Au box-office ou ailleurs.
Box-office exclusif par Frédéric Mignard
Les sorties de la semaine du 26 juin 1974
© Illustrateur : John Sole. Tous droits réservés.
Biographies +
Richard Fleischer, Joseph Cotten, Edward G. Robinson, Charlton Heston, Chuck Connors, Brock Peters, Lincoln Kilpatrick, Leigh Taylor-Young