Sisu : de l’or et du sang est une sorte de western guerrier où tous les coups sont permis dans un déferlement de violence aussi gratuite que bis dans son traitement outrancier. Efficace et bas du front.
Synopsis : 1945, en Laponie finlandaise, un ancien soldat reconverti en chercheur d’or trouve une grande quantité d’or. En essayant de rapporter son butin en ville, il devra se battre contre les forces nazies présentes en Finlande.
Un tournage en Laponie pendant la pandémie
Critique : Alors que le monde entier se trouve à l’arrêt à cause de la pandémie de Covid-19, le réalisateur finlandais Jalmari Helander voit tous ses projets suspendus pour une durée indéterminée. Même chose pour l’acteur Jorma Tommila qui a déjà collaboré avec le cinéaste et qui doit interrompre son travail théâtral. L’occasion est donc offerte aux deux hommes de se retrouver en créant un tout nouveau film qui serait entièrement tourné dans un espace isolé – en l’occurrence ici la Laponie – et qui serait comme un hommage aux films de survie à la Rambo.
Ecrit en moins de deux mois, le script de Sisu : de l’or et du sang (2022) est rapidement accepté par l’acteur qui débute un entrainement physique strict, tandis que la distribution est constituée à partir de comédiens venus se mettre au vert durant la période de confinement mondial. Parmi eux, on trouve notamment le Norvégien Aksel Hennie que le réalisateur admirait depuis sa prestation dans le bon thriller Headhunters (Tyldum, 2011) et le Britannique Jack Doolan. Le reste du casting est fourni par les comédiens finlandais alors au chômage technique.
Pour une poignée d’or
Tourné en Laponie dans des décors automnaux magnifiques, mais contraignants par les températures extrêmes et l’isolement des lieux choisis, Sisu : de l’or et du sang suit donc les pas d’un chercheur d’or qui découvre un filon dans une contrée isolée de Finlande. Malheureusement, il tombe sur une colonne de nazis en déroute et doit donc tout faire pour survivre dans un milieu hostile où la nature est loin d’être son seul antagoniste. Alors que le tout début du film semble se conformer aux situations typiques du western américain, Jalmari Helander opère assez rapidement un glissement vers un cinéma bis européen qui s’inspire largement du western spaghetti.
Ainsi, les personnages du vieil homme implacable et de ses opposants nazis ne sont jamais envisagés sous un angle psychologique mais bien archétypal. Excluant les dialogues qui sont réduits à leur plus simple expression, Helander semble ici vouloir revenir aux temps d’un cinéma primitif, uniquement intéressé par les images et les actions des protagonistes. Si le style général adopté par le réalisateur imite largement celui de Sergio Leone par ses aspects opératiques, le découpage du film en chapitres nous met aussi sur la piste du cinéma référentiel de Quentin Tarantino.
… Et pour quelques nazis de plus
Et de fait, plus le film avance, plus le personnage principal peut être vu comme un pur esprit vengeur que la mort elle-même semble éviter. Incarnant l’âme de résistance du peuple finlandais face à toute forme d’invasion – quelle soit russe ou nazie – le chercheur d’or se hisse au niveau des légendes vivantes. D’ailleurs, la musique quasiment chamanique de Juri Seppä et Tuomas Wäinölä évoque une spiritualité typique de la toundra qui valide cette hypothèse d’un pur esprit qui s’incarnerait de manière ultra-violente pour libérer la terre nationale des envahisseurs.
Dès lors, le spectateur ne doit pas chercher la moindre vraisemblance dans les rebondissements qui parsèment le film. Purement bis, Sisu : de l’or et du sang n’a d’autre but que de trucider de manière spectaculaire un maximum de monde, dans une optique jubilatoire comme dans les derniers Rambo des années 2000. En ce sens, le spectacle est total et d’une très grande efficacité. Les corps sont assurément malmenés, bousculés, triturés, étripés ou carrément explosés, avec une dimension quasiment cartoonesque qui fait vraiment rire pour peu que l’on aime les excès volontaires de violence.
De la maestria technique au service d’un humour assumé
Dans Sisu, tous les coups portés font mal, très mal. Le métrage frôle même le portnawak lorsqu’un groupe de femmes menées par l’actrice Mimosa Willamo se mêlent à la fête. Leur entrée en scène avec des fusils mitrailleurs est un grand moment de cinéma déviant qui rappelle aussi les délires de Russ Meyer. Enfin, la séquence entière à bord de l’avion tient là aussi de l’humour au quinzième degré tant chaque action est absolument improbable.
Cette capacité à ne pas se prendre au sérieux est à la fois la qualité principale de Sisu : de l’or et du sang, mais aussi sa principale limite. En ne dépassant jamais le stade du cinéma archétypal de genre, Jalmari Helander se fait plaisir, mais oublie au passage de développer un véritable thématique, autre que régressive. C’était déjà la limite de son tout premier film, le très léger Père Noël origines (2010). Techniquement probant, doté d’une réalisation ample, d’images superbes et d’une musique efficace, Sisu fait donc partie de ces spectacles qui sont fort agréables à regarder sur le moment, mais qui ne laissent ensuite pas beaucoup de traces dans la conscience du cinéphile habitué à ce type de divertissement.
Des festivals aux salles françaises
Présenté avec succès au Festival catalan de Sitges (où il a décroché les trophées du meilleur film, du meilleur acteur, de la meilleure photographie et de la meilleure musique), le film a également été présenté en avant-première en France en clôture du festival lyonnais Hallucinations Collectives en 2023. Après une sortie à succès aux Etats-Unis, Sisu débarque donc dans les salles françaises pour le plus grand plaisir des bisseux amateurs de films violents et sans concession.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 21 juin 2023
Biographies +
Jalmari Helander, Aksel Hennie, Ilkka Koivula, Jorma Tommila, Jack Doolan, Mimosa Willamo
Mots clés
La Deuxième Guerre mondiale au cinéma, Les nazis au cinéma, Cinéma bis