Bel exemple de film fantastique français réussi, Simple mortel déploie une atmosphère anxiogène du meilleur effet avec peu de moyens. Son échec commercial est d’autant plus injuste.
Synopsis : Un jeune spécialiste en langues anciennes reçoit des messages d’origine inconnue par voie hertzienne, prononcés en gaélique et qui lui donnent l’ordre d’exécuter des actions étranges. Est-il victime d’hallucinations ou bien le jouet de forces occultes ?
De la science-fiction à forte connotation morale
Critique : Alors que son précédent long-métrage – Force majeure (1988) avec Patrick Bruel et François Cluzet – a connu un petit succès relayé par un accueil critique favorable, le réalisateur Pierre Jolivet décide de se lancer dans l’écriture d’un film de genre. Connaissant la potentielle minceur de son budget, il opte pour une intrigue qui permet de susciter l’angoisse du spectateur sans avoir recours au moindre effet spécial.
Nous suivons donc la lente descente aux enfers d’un jeune homme qui reçoit des appels mystérieux par voie hertzienne. Ces voix qui utilisent une langue gaélique disparue le poussent à intervenir dans le destin d’autres personnages afin d’éviter des catastrophes dans d’autres parties du monde. D’abord persuadé qu’il s’agit d’un canular, le personnage va prendre conscience de sa responsabilité dans le destin des autres, et plus globalement dans celui de la planète tout entière. Pierre Jolivet approfondit donc ici une réflexion morale qui a débuté avec Force majeure (1988), à savoir la responsabilité de chaque individu dans la bonne marche de l’ensemble de la communauté humaine.
Un minimum d’effets pour un maximum d’efficacité
Jouant la carte du minimalisme avec un indéniable talent, Jolivet parvient à créer une atmosphère anxiogène et paranoïaque qui contamine peu à peu le spectateur. Un plan s’attarde un peu trop sur un détail du décor et le doute s’immisce sur une présence qui pourrait être extraterrestre. Le réalisateur nous invite également à douter du personnage principal qui s’enfonce peu à peu dans une folie contagieuse. Et si son délire n’était que la manifestation d’une paranoïa galopante ?
La grande force de Simple mortel est d’arriver à nous faire croire à des événements incroyables alors que l’ensemble reste hors champ. Malgré la présence à l’écran d’un seul vrai personnage qui entend des voix et regarde de temps en temps la télévision, le spectateur a vraiment le sentiment que se joue le sort du monde, comme avait su le faire autrefois quelqu’un comme Romero lorsqu’il enfermait un groupe de personnages dans une maison assaillie par des morts-vivants. Pierre Jolivet retrouve également la saveur des écrits de Nigel Kneale sur la saga Quatermass, à savoir cette idée que des êtres venus d’ailleurs sont sans doute à la manœuvre sans que l’on puisse vraiment les identifier.
Philippe Volter au sommet de son talent
Pour parvenir à cet état de tension, Pierre Jolivet s’est appuyé sur le talent du comédien belge Philippe Volter, qui est tout bonnement excellent dans la peau de ce rat de bibliothèque voyant sa vie basculer du jour au lendemain. Il est crédible à chaque étape de ce récit bien cruel où l’homme devra perdre tous les êtres qui lui sont chers afin de sauver l’humanité entière de la destruction. Face à lui, Christophe Bourseiller joue le bon camarade avec bonhomie, tandis que Nathalie Roussel fait une petite amie crédible.
Aidé par une bande-son intrigante de Jannick Top et Serge Perathoner, Pierre Jolivet livre avec Simple mortel sa réalisation la plus aboutie. Lui qui a parfois tendance à s’effacer derrière ses sujets opte pour un minimalisme qui sert parfaitement son propos, tout en réussissant les quelques séquences d’action qui parsèment le long-métrage. Au final, cette tentative de film fantastique à la française constitue une vraie petite réussite qui a d’ailleurs reçu un accueil critique plutôt favorable.
Simple mortel, un injuste échec commercial
Malheureusement, sorti en plein cœur de la crise du cinéma, fin août 1991, Simple mortel a été un cinglant échec commercial, ne parvenant à glaner que 69 631 spectateurs sur l’ensemble de l’Hexagone. Pourtant, le film reste aujourd’hui encore un bel exemple de film fantastique français réussi. Il bénéficie de nos jours d’une bonne réputation auprès des fans de science-fiction anxiogène et mérite donc d’être redécouvert par le plus grand nombre.
Critique de Virgile Dumez