Si j’étais un espion (Breakdown) : la critique du film (1967)

Espionnage | 1h35min
Note de la rédaction :
6/10
6
Si j'étais un espion, l'affiche

  • Réalisateur : Bertrand Blier
  • Acteurs : Bernard Blier, Bruno Cremer, Suzanne Flon, Claude Piéplu, Jacques Rispal, Patricia Scott
  • Date de sortie: 30 Août 1967
  • Nationalité : Français
  • Titre original : Si j'étais un espion
  • Titres alternatifs : Breakdown (titre français alternatif) / If I Were a Spy (USA) / Wenn ich ein Spion wäre (Allemagne) / Como Se Eu Fosse Um Espião (Portugal) / Gdybym był szpiegiem (Pologne)
  • Année de production : 1967
  • Scénariste(s) : Jacques Cousseau, Jean-Pierre Simonot, Philippe Adrien, d'après une histoire originale d'Antoine Tudal et Bertrand Blier
  • Directeur de la photographie : Jean-Louis Picavet
  • Compositeur : Serge Gainsbourg / Orchestration : Michel Colombier
  • Société(s) de production : Compagnie Française de Distribution Cinématographique (CFDC), La Société des Films Sirius, Société Nouvelle Pathé Cinéma, Union Générale Cinématographique (UGC)
  • Distributeur : Pathé Consortium
  • Éditeur(s) vidéo : Pathé (Combo DVD - blu-ray, 2022)
  • Date de sortie vidéo : 20 juillet 2022
  • Box-office France / Paris-périphérie : 77 290 entrées / 19 961 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.66: 1 / Noir et Blanc (35mm) / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : Cannes Classics 2022
  • Illustrateur / Création graphique : Michel Landi
  • Crédits : Pathé
Note des spectateurs :

Curieux film d’espionnage, Si j’étais un espion est le premier long-métrage de fiction de Bertrand Blier où ne se reconnaît pas encore sa patte. Pour autant, l’étrange atmosphère qui s’en dégage est assez fascinante, à défaut d’être pleinement satisfaisante.

Synopsis : Alors qu’il mène une vie tranquille, le docteur Lefèvre se retrouve entraîné dans la traque de l’un de ses patients disparus. Ce dernier, un certain M. Guérin, change souvent d’adresse et de nom, mais on le sait dépressif et hypocondriaque. Il est recherché par une organisation inquiétante, qui espère tirer des informations de Lefèvre par tous les moyens, quitte à s’en prendre à sa fille…

Si j’étais un espion... Un Bertrand Blier très différent de son œuvre postérieure

Critique : Alors qu’il a débuté comme assistant réalisateur pour Georges Lautner, Bertrand Blier a commencé par se faire remarquer de la profession grâce au documentaire Hitler, connais pas (1963), puis il est passé par la case court-métrage, avant de se lancer enfin dans le long-métrage de fiction avec Si j’étais un espion (1967). Connu désormais pour ses scripts audacieux et ses dialogues ciselés, Bertrand Blier s’est appuyé sur le talent d’autres personnalités pour mettre en forme cette histoire d’espionnage très particulière dont il a eu tout de même l’idée. Ainsi, le scénario a été finalisé par Jacques Cousseau, Jean-Pierre Simonot et Philippe Adrien, à tel point qu’on ne retrouve jamais la patte du dialoguiste Blier dans ce premier ouvrage qui n’en demeure pas moins intéressant.

Si j'étais un espion, jaquette blu-ray

© 1967 Compagnie Française de Distribution Cinématographique (CFDC) – La Société des Films Sirius – Société Nouvelle Pathé Cinéma – Union Générale Cinématographique (UGC). Tous droits réservés.

Avec Si j’étais un espion (1967), Bertrand Blier aborde un genre qui est alors très en vogue, à savoir l’espionnage. Pour autant, son premier effort ne se conforme aucunement aux règles établies de l’euro-spy qui fait alors fureur dans les salles. Blier préfère effectivement plonger ses personnages et le spectateur dans un monde obscur où aucune vérité ne semble accessible. Ainsi, nous ne saurons pas grand-chose de l’organisation qui emploie le tueur à gages Bruno Cremer, tandis que le médecin joué avec conviction par Bernard Blier reste insaisissable. Ce dernier peut tout aussi bien être un pauvre innocent pris au piège, comme un redoutable espion à la solde d’un pays de l’Europe de l’Est.

Bienvenue dans un monde parallèle où toute vérité est incertaine

Bertrand Blier fait ici le pari très risqué de laisser le spectateur décider à sa place, de confronter les quelques bribes d’information qu’il lui donne pour se faire sa propre opinion. Cela constitue assurément la richesse d’une œuvre déconcertante. Bertrand Blier a-t-il voulu dénoncer la mise en place des polices parallèles durant la présidence de De Gaulle ? Ou préfère-t-il cibler la SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage) ? Rien n’est vraiment clair dans son film qui préfère finalement décrire un monde où le doute et la suspicion servent de curseur pour établir une vérité toute relative.

Baigné dans une lumière en noir et blanc très contrastée signée Jean-Louis Picavet, le film d’espionnage bénéficie aussi de l’excellent thème musical composé par Serge Gainsbourg et utilisé avec parcimonie, mais efficacité. Enfin, Si j’étais un espion ne serait pas aussi intéressant sans l’apport essentiel des deux acteurs principaux. Etant donné que le film est majoritairement constitué d’un huis clos entre Bernard Blier et Bruno Cremer, il fallait que l’alchimie fonctionne pleinement. Bertrand Blier ne semble avoir eu aucune difficulté à diriger son père, tandis qu’il a offert à Bruno Cremer un rôle parfaitement dans ses cordes, obligeant l’acteur à jouer de son charisme naturel, tout en suggérant les doutes de son personnage par l’acuité de son regard.

Si j’étais un espion fut un échec cinglant

Malheureusement, l’originalité de Si j’étais un espion se retourne parfois contre le film puisque le suspense se noie progressivement dans une suite de tunnels dialogués qui peinent à déboucher sur du concret. Certes, l’intérêt subsiste tout du long, mais cela n’empêche pas certains creux narratifs de s’inviter de temps à autre. Ainsi, Si j’étais un espion s’impose comme une première œuvre audacieuse et plutôt valeureuse, mais foncièrement inégale. Le tout manque sans doute de mordant et de dialogues suffisamment forts pour rendre l’affrontement verbal entre les deux hommes totalement passionnant.

Sorti par Pathé le 30 août 1967, Si j’étais un espion a immédiatement connu un échec cinglant. En réalité, le premier long-métrage de Bertrand Blier n’a quasiment pas été vu à l’époque puisque le métrage n’a trouvé que 77 290 clients sur toute la France, dont seulement 19 961 Franciliens. Un tel désaveu explique notamment pourquoi Bertrand Blier a mis sept ans avant de repasser derrière une caméra, cette fois-ci avec le triomphal Les valseuses (1974).

On notera d’ailleurs que le film d’espionnage n’a jamais été édité en VHS et qu’il n’a refait une apparition que dans le cadre de Cannes Classics en mai 2022, à l’occasion de sa restauration par la société Pathé. Si j’étais un espion a ainsi pu être proposé en DVD et blu-ray dès le mois de juillet 2022 afin de satisfaire tous les cinéphiles curieux de redécouvrir les premiers travaux d’un maître du cinéma français.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 30 août 1967

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Si j'étais un espion, l'affiche

© 1967 Compagnie Française de Distribution Cinématographique (CFDC) – La Société des Films Sirius – Société Nouvelle Pathé Cinéma – Union Générale Cinématographique (UGC) / Affiche : Michel Landi. Tous droits réservés.

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Bertrand Blier, Bernard Blier, Bruno Cremer, Suzanne Flon, Claude Piéplu, Jacques Rispal, Patricia Scott

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