Premier polar tourné par Philippe Labro, Sans mobile apparent n’est pas exempt de défauts, mais s’avère une œuvre commerciale tout à fait satisfaisante grâce à une intrigue bien ficelée et des acteurs au top niveau.
Synopsis : A Nice, trois crimes sont commis, sans mobile apparent, par un homme muni d’un fusil à lunette. En épluchant le journal intime d’une des victimes, un riche industriel, le Commissaire Carella, chargé de l’enquête, remarque le nom d’une jeune femme, Jocelyne Rocca. Il l’invite chez lui, et apprend alors qu’elle a été en contact avec les trois personnes qui ont été assassinées. Dès lors, Carella redoute que Jocelyne ne soit une quatrième victime…
Un hommage sincère à la série B américaine
Critique : Passionné de cinéma américain, le journaliste Philippe Labro s’oriente vers le polar au début des années 70 après avoir connu un revers de fortune avec son premier long-métrage intitulé Tout peut arriver (1969). C’est le producteur Jacques-Eric Strauss (alors au sommet grâce au Clan des siciliens) qui propose à Labro d’adapter une série noire américaine de son choix. Le journaliste opte pour Ten Plus One écrit par Ed McBain en 1963, dont il transpose l’intrigue de la Californie à Nice.
Il cherche ainsi à ancrer son film dans une réalité française – comme en témoigne la présence du jeu du Schmilblic, renommé pour l’occasion. Toutefois, malgré cette empreinte française, on sent à chaque instant chez Labro l’influence des grands maîtres américains de la série B. Ainsi, le cinéaste ne s’embarrasse pas vraiment de psychologie et traite son sujet avec concision et un sens de l’économie qui rejoint les œuvres de Don Siegel, et notamment L’inspecteur Harry.
Et une pincée de giallo…
A la croisée des chemins, Sans mobile apparent emprunte également quelques éléments au giallo qui vient tout juste d’exploser en Italie. La présence de Laura Antonelli et la musique d’Ennio Morricone participent amplement à cette filiation, de même que l’intrusion d’un mystérieux tueur ganté de cuir. Coincé quelque part entre la France, les Etats-Unis et l’Italie, le polar a parfois un peu de mal à trouver son identité propre, d’autant que la réalisation de Labro est passablement sèche, voire aride. Il ne laisse pas toujours le temps aux plans de respirer, tout en rigidifiant les attitudes de certains acteurs secondaires. Le rythme général s’en ressent et le métrage semble parfois un brin chaotique dans sa progression narrative.
Heureusement, l’ensemble est sauvé par l’interprétation inspirée de Jean-Louis Trintignant qui compose la figure d’un inspecteur secret et trouble souffrant de TOC. Il est soutenu par une excellente Carla Gravina, mais aussi Laura Antonelli et Jean-Pierre Marielle. La magnifique Stéphane Audran n’a beau apparaître que cinq minutes à l’écran, sa prestation est également remarquable.
Pour l’excellente partition de Morricone
Finalement, cette intrigue en forme de whodunit parvient à maintenir l’intérêt du spectateur durant toute la projection, et ceci malgré quelques baisses de rythme. Si l’on ajoute à cela une très efficace partition d’Ennio Morricone, Sans mobile apparent s’impose comme un bon polar qui mérite le succès obtenu lors de sa sortie initiale en 1971, avec plus d’un million de spectateurs dans les salles. On est heureux de pouvoir le redécouvrir aujourd’hui dans d’excellentes conditions.
Le test du blu-ray :
Il s’agit ici du numéro 4 de la collection Make My Day initiée par Jean-Baptiste Thoret.
Compléments : 4 / 5
La préface de Jean-Baptiste Thoret ne dure cette fois que 5mn et l’éminent critique parvient tout de même à commettre deux erreurs factuelles en se trompant de date et en écorchant le nom du producteur, ce qui ne fait pas très sérieux, il faut bien l’avouer. Heureusement, le second bonus rattrape ces quelques bévues puisqu’il s’agit d’un entretien exclusif de 50mn avec Philippe Labro.
Ce dernier, fort sympathique, revient avec force détail sur la genèse de ce film, mais aussi les influences (américaines et françaises) de Labro, ses rapports avec les acteurs ainsi que l’aide apportée par Jean-Pierre Melville sur quelques points du script. Il évoque également les raisons qui l’ont éloigné des plateaux de cinéma après la déception occasionnée par l’accueil mitigé reçu par Rive droite, rive gauche (1984), son dernier film en date en tant que réalisateur. L’entretien est absolument passionnant de bout en bout et il contient également un court extrait d’une interview donnée à l’époque de la sortie de Sans mobile apparent.
L’image : 4 / 5
La copie proposée a été restaurée de manière plutôt satisfaisante et si l’on note des plans un peu plus flous ou un peu plus granuleux, cela n’empêche nullement de profiter à plein de la projection d’une œuvre très lumineuse. Les vues sur la ville de Nice sont splendides et profitent d’une très bonne définition. On notera toutefois la présence occasionnelle de quelques impuretés, mais rien de scandaleux.
Le son : 3,5 / 5
L’unique piste française en 2.0 DTS HD Master Audio est de bonne tenue. Les voix se détachent clairement du reste et la musique ne sature jamais. L’ouverture, forcément limitée par le format sonore, est tout de même satisfaisante et donne le sentiment d’une œuvre aérée. Du bon boulot donc.
Critique et test blu-ray de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 15 septembre 1971
Acheter le film en blu-ray
Voir le film en VOD
© 1971 StudioCanal / Affiche : René Ferracci © ADAGP Paris, 2020. Tous droits réservés.