Le couteau dans l’eau : la critique du film et le test blu-ray (1963)

Drame, Thriller | 1h34min
Note de la rédaction :
7/10
7
Le couteau dans l'eau, affiche de la reprise 2017

  • Réalisateur : Roman Polanski
  • Acteurs : Leon Niemczyk, Jolanta Umecka, Zygmunt Malanowicz
  • Date de sortie: 19 Avr 1963
  • Nationalité : Polonais
  • Titre original : Nóz w wodzie
  • Titres alternatifs : Knife in the Water (titre international) / Das Messer im Wasser (Allemagne) / El cuchillo en el agua (Espagne) / A Faca na Água (Portugal) / Kniven i vannet (Norvège) / Il coltello nell'acqua (Italie) / Kés a vízben (Hongrie)
  • Année de production : 1962
  • Scénariste(s) : Roman Polanski, Jerzy Skolimowski, Jakub Goldberg
  • Directeur de la photographie : Jerzy Lipman
  • Compositeur : Krzysztof Komeda
  • Société(s) de production : Zespol Filmowy "Kamera"
  • Distributeur (1ère sortie) : Les Films de la Pléiade
  • Distributeurs (reprise) : Swashbuckler Films (2013) / Carlotta Films (2017)
  • Dates de reprise : 21 juin 1978 / 2 janvier 2013 / 24 mai 2017
  • Éditeur(s) vidéo : Les Films de ma vie (VHS) / Opening (DVD, 2007, 2009) / Filmedia (DVD, 2012) / M6 Vidéo (DVD, 2015) / Carlotta Films (DVD et blu-ray, 2021)
  • Date de sortie vidéo : 5 mai 2021 (blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 109 454 entrées / 88 566 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.37 : 1 / Noir et Blanc / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : Prix FIPRESCI au Festival de Venise 1962 / 1 nomination à l'Oscar du meilleur film étranger en 1964 / 1 nomination aux BAFTA 1964
  • Illustrateur / Création graphique : Dark Star (affiche de la reprise 2017)
  • Crédits : Film Polski / Tigon Film Distributors, Impex-Films
Note des spectateurs :

Le couteau dans l’eau est assurément une date dans l’histoire du cinéma polonais par sa liberté de ton et ses audaces thématiques. Toutefois, le premier film de Polanski est davantage un exercice de style, parfois un brin prétentieux et ennuyeux.

Synopsis : Andrejz et Christine, un couple fortuné, décident de partir en croisière. Sur leur chemin, ils font la rencontre d’un jeune homme sur le bord de la route à qui ils proposent de les suivre à bord de leur yacht. Malgré leur bonne entente de départ, la différence sociale entre le couple et leur invité va provoquer quelques frictions.

Le tout premier long-métrage de Polanski

Critique : Élève de l’école de Łódź, Roman Polanski a déjà à son actif plusieurs courts-métrages qui ont connu une jolie carrière dans les festivals du monde entier lorsqu’il propose au gouvernement polonais un traitement qui donnera par la suite Le couteau dans l’eau. Le pouvoir en place refuse de financer un tel sujet et Polanski part quelques temps en France. Toutefois, Jerzy Bossak, responsable du département cinéma appelle Polanski et lui demande de revenir en Pologne pour signer le script de son premier film. Polanski s’exécute et vient écrire avec Jerzy Skolimowski – futur grand cinéaste – le script du Couteau dans l’eau qui est terminé en quelques jours seulement.

Resserrée au maximum, l’intrigue tourne désormais autour de trois personnages et l’aspect thriller disparaît petit à petit pour faire place à quelques considérations sociales qui permettent au projet d’être validé par le pouvoir. Pourtant, une fois sur le tournage, Roman Polanski va s’ingénier à pervertir le projet pour en faire un OVNI audacieux au cœur d’une production nationale marquée par le réalisme socialiste. En réalité, Polanski fait bien preuve d’une certaine analyse sociologique, mais elle ne correspond aucunement à celle des autorités communistes.

Un conflit générationnel qui s’oppose au réalisme socialiste en vigueur

Ainsi, le couple aisé qui se prélasse sur son yacht est décrit comme des personnes modestes qui sont parvenus à un haut niveau grâce au régime en place. Ils font donc partie des privilégiés du régime, ces apparatchiks qui sont la nouvelle classe dirigeante d’un pays censé être égalitaire. Face à eux, le jeune étudiant représente une génération qui n’a pas connu la guerre et qui souhaite s’affranchir de l’ancien monde.

Coincés sur un bateau, les trois personnages vont se livrer à un jeu dangereux qui démontre déjà le goût de Polanski pour les stratégies de domination au sein d’une société, même réduite. Il signe ainsi un premier triangle amoureux au sein d’une œuvre qui reviendra à plusieurs reprises sur le sujet. Dans sa volonté de s’affranchir des règles imposées par le pouvoir, on note le goût prononcé des personnages pour la consommation, la possession de biens matériels et la domination. Cela passe également par une forte érotisation des corps et une sensualité à fleur de peau. Polanski nous gratifie même du premier nu féminin du cinéma polonais grâce à la plastique chatoyante de la belle Jolanta Umecka.

Le couteau dans l’eau : un tournage sous haute tension

Pourtant, le cinéaste et l’ensemble de l’équipe n’ont pas été tendre avec la débutante qui ne savait pas comment se comporter devant une caméra. Du propre aveu du réalisateur dans Polanski par Polanski (Boutang, Chêne, 1986, page 47) :

Nous fûmes conduits à des tactiques plus rudes destinées à la secouer pour la faire sortir de son état de semi-zombie – tout cela sans résultat. Pour finir, nous eûmes recours à l’obscénité, pas par méchanceté mais de manière à la choquer suffisamment pour produire chez elle un semblant de réaction, quelle qu’elle fut.

Le tournage fut donc plutôt tendu, d’autant que les deux acteurs ont des tempéraments totalement opposés. Ainsi, Leon Niemczyk est un comédien de théâtre chevronné qui peut donner le meilleur dès la première prise, alors que le jeune Zygmunt Malanowicz était inexpérimenté et plutôt adepte d’une méthode proche de l’Actors Studio. La multiplicité des prises a donc généré beaucoup de tension, surtout dans le cas d’un tournage sur l’eau, avec des conditions climatiques qui changeaient en fonction des heures.

Une œuvre importante, mais qui souffre d’un rythme languissant

Cette tension a sans doute renforcé celle qui émane de cette histoire de lutte d’influence entre deux hommes qui se comportent comme des coqs au cœur d’une basse-cour. Au milieu, la jeune femme est sans aucun doute le personnage le plus digne dans sa volonté de rester droite au cœur de la tempête. Malgré la richesse de cet affrontement, Le couteau dans l’eau souffre tout de même d’une certaine forme d’indolence. Avec son rythme apaisé qui semble contredire la volonté de tourner un thriller, le long-métrage frôle à plusieurs reprises l’ennui.

Certes, il faut y voir ici une volonté de créer une ambiance feutrée, mais la musique jazzy de Krzysztof Komeda renforce le sentiment d’assister à un film noir qui prend un peu trop son temps afin d’arriver à la durée nécessaire pour une exploitation en tant que long-métrage. Finalement, le grand gagnant du film n’est autre que Roman Polanski qui signe un véritable exercice de style, montrant qu’il est capable de varier les angles de prises de vues et de se jouer des attentes du spectateur. Cela peut paraître parfois un peu prétentieux et vain, mais Le couteau dans l’eau, bien qu’inégal, a marqué d’une pierre angulaire le cinéma polonais par sa liberté de ton.

Le couteau dans l’eau a séduit l’Europe de l’Ouest et les Etats-Unis, moins le pouvoir communiste

Mal accueilli par le pouvoir communiste en place en Pologne, Le couteau dans l’eau a été davantage célébré dans les pays du bloc occidental, avec notamment le prix FIPRESCI au Festival de Venise en 1962 et une nomination à l’Oscar du meilleur film étranger en 1964, une première pour une œuvre polonaise. On notera qu’en France, le long-métrage a fait l’objet de nombreuses reprises en salles, mais aussi en vidéo. Enfin, signalons que face à la mauvaise réception de son film en Pologne, Roman Polanski a décidé de s’exiler en France, puis au Royaume-Uni, avant de s’envoler pour les États-Unis. Mais ceci est une autre histoire.

Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 17 avril 1963

Le couteau dans l'eau, affiche de la reprise 2017

© 1962 Film Polski / © 2017 Carlotta Films. Affiche : Dark Star. Tous droits réservés.

Le test blu-ray :

Une édition remarquable qui propose le film dans une magnifique restauration en 4K. Indispensable.

Compléments : 4 / 5

L’éditeur Carlotta nous propose un making of rétrospectif datant de 2003 où s’expriment Roman Polanski, des membres de son équipe technique et les acteurs Leon Niemczyk et Zygmunt Malanowicz. Tous décrivent l’aventure de ce long-métrage hors norme pour l’époque. Ils insistent sur les conditions de tournage et les difficultés à accorder les différents acteurs. L’ensemble est très instructif et informatif.

Mais la cerise sur la gâteau vient de la présence de trois courts-métrages de Roman Polanski, dont le fameux Deux hommes et une armoire (1958) qui vaut vraiment le coup d’œil pour son originalité.

L’image : 5 / 5

La restauration 4K est totalement probante avec des images d’une grande beauté plastique. La copie met particulièrement en avant la profondeur de champ et la rigueur des cadrages. On admirera également la profusion des détails dans l’image, ainsi que la parfaite tenue de la compression, absolument sans faille. Du très beau travail.

Le son : 4 / 5

L’éditeur propose deux versions du film, à chaque fois en version originale, soit en mono, soit dans une version spatialisée en 5.1. Peu de différence majeure si ce n’est une accentuation des détails, comme les bruits de la nature environnante, ainsi qu’une plus grande aération dans la musique. L’ensemble est tout à fait probant et permet d’entendre la voix de Roman Polanski qui double lui-même Zygmunt Malanowicz dont le timbre lui paraissait trop grave pour le rôle.

Critique et test blu-ray de Virgile Dumez

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Le couteau dans l'eau jaquette blku-ray 2021

© 1962 Film Polski / © 2021 Tigon Film Distributors – Impex-Films / Conception graphique : Dark Star, l’étoile graphique. Tous droits réservés.

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