Quelle joie de vivre : la critique du film (1961)

Comédie | 1h53min
Note de la rédaction :
5/10
5
Quelle joie de vivre, affiche

  • Réalisateur : René Clément
  • Acteurs : Alain Delon, Ugo Tognazzi, Gino Cervi, Rosalba Neri, Barbara Lass, Leopoldo Trieste, Gastone Moschin, Didi Perego (Didi Sullivan)
  • Date de sortie: 08 Nov 1961
  • Nationalité : Français, italien
  • Titre original : Que gioia vivere
  • Scénariste(s) : Leonardo Benvenuti, Pierre Bost, René Clément, Piero de Bernardi
  • Compositeur : Angelo Francesco Lavagnino
  • Société de production : Cinematografica RI.RE, Tempo Film, Francinex
  • Distributeur : Les Films du Camelia
  • Editeur vidéo : Carlotta
  • Date de sortie vidéo : 19 juin 2013
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 1 091 442 entrées / 344 695 entrées - 3 599 entrées (reprise 2012) -
  • Classification : Tous publics
  • Festival : Sélection officielle Cannes 1961
  • Formats : 2.35 : 1 / Noir et blanc / Mono
  • Crédits : © 2020 Les Films du Camélia - Reprise - Matériel promotionnel
  • Reprise cinéma : 29/02/2012 (Les Acacias), 05/08/2020 (Les Films du Camélia)
Note des spectateurs :

Quelle joie de vivre est un film très inégal, enlevé et rapide dans sa première partie, balourd dans la seconde.

Synopsis : Rome 1921. Ulysse et son ami Turidu, libérés du service militaire, s’installent dans la capitale pour trouver un travail. Sans emploi, ils rallient les Chemises noires mussoliniennes, pour lesquelles ils doivent localiser une imprimerie de tracts antifascistes. Là, Ulysse y rencontre Franca, la fille de l’imprimeur. Pour la séduire, il se fait passer pour un légendaire terroriste anarchiste et se laisse prendre au jeu…

Un problème de rythme

Critique : Dans son livre sur René Clément, Denitza Bantcheva parle, à propos de Quelle joie de vivre, de « chef-d’œuvre méconnu », insistant sur la valeur de la version italienne, avec quelques variantes par rapport à la version française, et qui n’avait pas été distribuée à l’époque.  Si le film a des qualités, il nous semble pourtant très loin du chef-d’œuvre annoncé, loin, même s’il s’agit d’un tout autre genre, de la précédente collaboration de Delon et Clément, Plein Soleil. Le registre de la comédie réclame une qualité qui fait ici cruellement défaut, le rythme, d’autant que le métrage est long (deux heures) et qu’il s’enlise passablement dans une suite de quiproquos de plus en plus lourds.

Quelle joie de vivre, Alain Delon

© 2020 Les Films du Camélia – Reprise – Matériel promotionnel

Engagement et liberté

Et pourtant, il commence en fanfare : l’arrivée des orphelins au service militaire, la galère une fois les deux amis démobilisés, leur engagement sans idéologie chez les fascistes, l’arrivée d’Ulysse chez une famille d’anarchistes, tout cela est mené tambour battant, sans graisse ni temps morts. Clément y introduit en douce la question qui sert de fil rouge, celle de la liberté : le prêtre ému, abandonnant ses ouailles à l’armée leur dit : « vous êtes libres », comme le répétera le gradé à leur sortie : mais qu’est-ce que la liberté quand on doit obéir ? Qu’est-ce que la liberté quand on n’a pas de toit, qu’on a faim et qu’on ne peut pas dormir à cause du raffut causé par des chats ? Au fond, nous dit le film, si on devient fasciste, c’est qu’on a faim. Plus tard, une autre explication sera donnée : la peur du désordre (ce qui fait des anarchistes les alliés objectifs des fascistes, et là la réflexion pourrait susciter des débats…). Mais Ulysse ne s’engage pas non plus chez les anars par idéal : il tombe par hasard ou presque sur une famille agréable et gentiment farfelue, dont il aperçoit les jambes de la fille à travers une grille. Et c’est encore par amour qu’il deviendra héroïque (dans une scène parallèle, on comprend que son ami est l’amant d’une fasciste à qui il ne peut résister). Bien sûr, on reste dans la comédie, et le ton se veut léger. Peut-être ne vaut-il mieux pas chercher une subversion ou une transgression dans ce film plaisant, mais dont les coups de griffes (contre les deux camps, mais aussi contre les curés et les militaires) semblent émoussés.

La famille d’anarchistes, entre rire et tendresse

Le meilleur de Quelle joie de vivre repose sur la famille de l’imprimeur Olinto Fossati, interprété avec truculence par Gino Cervi (le Peppone des Don Camillo) : entre le choix des prénoms, l’irascible grand-père enfermé au grenier et les patins pour ne pas salir le sol, le scénario coécrit par René Clément offre des détails soignés pour caractériser ces personnages savoureux qui évoquent lointainement des héros de Capra (on pense en particulier à Vous ne l’emporterez pas avec vous). La réalisation, toujours soignée, trouve dans le lieu clos de quoi jouer avec les angles de vue de manière inventive : elle sera moins heureuse dans la dernière partie, à l’air libre. Clément s’offre même, lors d’une bataille entre les deux camps, le luxe d’un hommage amusé au burlesque, avec la destruction d’une boutique et la charcuterie en lieu et place des tartes à la crème. Si Ulysse se sent bien dans cette famille, c’est qu’il est orphelin et que ses membres  sont des gens soudés, accueillants, infiniment sympathiques. Le regard que le cinéaste porte sur eux oscille entre le rire et la tendresse, avec un égal bonheur.

Une fin en roue libre

Mais les choses se gâtent avec les quiproquos et surtout l’interminable séquence dans l’exposition de la paix, au cours de laquelle Ulysse court après les bombes déposées par de vrais anarchistes (alors que lui se fait passer pour un chef afin se faire admettre dans la famille et courtiser Franca). Le rythme déjà ralenti lors des scènes en prison s’affaiblit encore ; il n’y a plus que de l’agitation et une accumulation de péripéties indigestes. Si quelques bonnes idées émaillent encore cette partie (le rouleau compresseur écrasant des casques, ou la belle réplique d’Ulysse qui, quand son ami devenu fasciste, lui dit : « tu seras toujours un persécuté » lui répond : « et toi toujours un persécuteur »), l’ensemble dégage une impression de vacuité et, pour tout dire, d’ennui. Malgré la reconstitution soignée et une toute fin amusante, le film s’égare et tourne à vide.

Alain Delon est plutôt convaincant dans la comédie (il n’en a pas beaucoup tourné), alerte et frais ; Barbara Lass se débrouille bien avec un personnage qui ne se cantonne pas à la potiche amoureuse ; les seconds rôles sont souvent excellents (on met à part les deux barbus anarchistes, dont l’un est tout de même incarné par Ugo Tognazzi, caricatures indéfendables). Mais ce film trop long, trop inégal, ne fait pas partie des grandes réussites de son auteur.

 François Bonini

Sorties de la semaine du 8 novembre 1961

Quelle joie de vivre, affiche

© 2020 Les Films du Camélia – Reprise – Matériel promotionnel

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