Mélange de film carcéral et d’épouvante, Prison démontre le talent visuel de Renny Harlin, mais pâtit d’un script décevant et d’un rythme un peu languissant.
Synopsis : Depuis qu’il fut envoyé à la chaise électrique pour un crime qu’il n’a pas commis, Charles Forsyth hante la prison qu’il occupait. Quelques années plus tard, le gardien Eaton Sharpe, responsable du sort de Forsyth, est nommé à la tête de cette même prison. Une fois l’esprit de Forsyth libéré de sa cellule, il entamera une vengeance meurtrière qui le conduira jusqu’à Sharpe…
Poltergeist en milieu carcéral
Critique : Après avoir signé un long métrage dans son pays d’origine (la Finlande) intitulé Frontière interdite (1986), Renny Harlin débarque à Hollywood sans le sou et tente de percer dans le milieu. Il passe donc par la case film d’horreur de série B avec cette production Empire, de l’inénarrable Charles Band. En réalité, le projet de Prison est né quelques années auparavant dans l’esprit du producteur Irwin Yablans (Halloween, la nuit des masques) qui a rédigé le scénario d’un slasher se déroulant dans une prison. Toutefois, l’ensemble n’étant pas franchement crédible, Yablans a décidé de laisser le scénariste C. Courtney Joyner s’emparer du cadre pour y développer une intrigue davantage portée sur le fantastique. Ainsi est né le scénario de Prison que son auteur définit d’ailleurs assez justement comme « un Poltergeist en milieu carcéral ».
À partir d’un pitch très sommaire, le cinéaste parvient à signer un divertissement tout à fait honorable marqué par une ambiance claustrophobique, même si le rythme s’avère assez languissant. Mêlant adroitement film carcéral et épouvante, le scénario, entièrement retravaillé par le réalisateur en cours de tournage, n’oublie pas une certaine psychologie des personnages tout en inventant des morts particulièrement sadiques pour les différents protagonistes. Ainsi, la séquence où le gardien chef se fait tuer à coups de barbelés demeure un must à ne pas louper.
Une esthétique années 80 marquée
Certes, l’ensemble a pris un certain coup de vieux, mais la réalisation dynamique et aérienne de Renny Harlin permet à ce pur produit des années 80 de garder un charme non négligeable. Ainsi, les éclairages bleutés de Mac Ahlberg (une constante esthétique des eighties), la musique synthétique percutante de Richard Band et les amples mouvements de caméra (au temps où le numérique n’avait pas encore fait son apparition) compensent largement le manque de charisme des acteurs et les errances scénaristiques.
Dans son premier grand rôle, Viggo Mortensen lorgne du côté de James Dean et a du mal à faire passer les émotions de son personnage. Beaucoup plus convaincant, Lane Smith nous fait songer aux meilleures prestations de Lee Ermey (l’instructeur odieux de Full Metal Jacket). Par contre, on cherche toujours l’utilité de l’unique rôle féminin interprété par Chelsea Field, dont le personnage ne sert finalement à rien au cœur de l’intrigue.
Prison compense en partie le vide de son scénario par son esthétique
Signalons d’ailleurs que de nombreux pans du scénario restent difficilement explicables. Ainsi, plusieurs pistes sont évoquées pour expliquer les raisons de la présence fantomatique au cœur de la prison, mais rien ne semble vraiment développé. D’après certains membres de l’équipe du film, des passages plus explicatifs sont passés à la trappe dans la salle de montage, ce qui peut justifier cet aspect parfois cryptique de l’intrigue. Enfin, si la plupart des morts sont plutôt graphiques et efficaces, elles s’avèrent assez peu nombreuses, ce qui laisse une impression de film assez vide.
Malgré ses défauts, cette petite série B fort sympathique a permis à Renny Harlin de se retrouver à la barre de Freddy 4 intitulé Le cauchemar de Freddy (1988), énorme succès qui fut une carte de visite idéale pour pénétrer dans l’univers impitoyable des grands studios hollywoodiens. Depuis, il a eu tout loisir de nous étonner et décevoir. Son premier essai américain contenait déjà en germe les qualités et les défauts de ses futures œuvres.
Une sortie sabordée par la faillite d’Empire Pictures
Malheureusement pour lui, Prison est tombé au moment de la faillite d’Empire, la société de production de Charles Band, et le long-métrage n’a connu qu’une distribution sommaire aux États-Unis où le film n’a glané que 345 704 $ de recettes (841 700 $ au cours ajusté de 2021). Des miettes, d’autant plus que le long-métrage a ensuite été victime de problèmes juridiques qui ont empêché son exploitation vidéo aux États-Unis pendant des années.
En France, Prison a eu le droit à une présentation en compétition au Festival d’Avoriaz 1988. Malgré des critiques globalement positives, le long-métrage est reparti bredouille, devancé par des œuvres comme Hidden, RoboCop, Prince des ténèbres ou encore Hellraiser. La série B Empire débarque dans les salles françaises au mois de juin 1988. À Paris, le film n’entre qu’à la 12ème place du box-office avec seulement 10 290 prisonniers dans les salles. À noter que le film d’horreur Amsterdamned (Maas) faisait le triple d’entrées la même semaine. Prison allait disparaître très rapidement des écrans avec seulement 18 131 condamnés dans sa besace diabolique.
Une renaissance par la vidéo
Sur la France entière, le film de Renny Harlin entame sa carrière en 15ème position avec 20 107 tickets vendus (dont la moitié à Paris, donc). La chute sera plus conséquente lors de sa troisième semaine d’exploitation, même si le film circule encore quelques temps dans les différentes régions, terminant une carrière famélique à 81 920 entrées.
Régulièrement réédité en DVD par Sidonis Calysta, le film qui a acquis une petite stature de film culte – aidée par la présence à son générique de Viggo Mortensen – a récemment débarqué dans un superbe Mediabook. Outre une copie de bonne tenue (malgré quelques rayures par-ci, par-là), on notera la présence d’un intéressant livret signé de l’incontournable Marc Toullec, ainsi que d’excellents suppléments vidéo comme un making of rétrospectif et un entretien passionnant avec Olivier Père. Si l’on ajoute à cela un visuel impeccable, Prison est donc un bel objet collector à posséder, malgré les nombreuses limites d’un film sympathique, mais loin d’être un sommet du genre.
Critique de Virgile Dumez