Poule et frites : la critique du film (1987)

Comédie, Nanar | 1h30min
Note de la rédaction :
1/10
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Poule et frites, affiche

Note des spectateurs :

L’un des naufrages du cinéma français des années 80. Malgré une affiche flamboyante, Poule et frites, première réalisation de Luis Rego, est un désastre aux proportions épiques.

Synopsis : Roger vend des frites sur les plages du sud de la France. Depuis dix ans, il partage une double vie sentimentale entre sa femme et sa maîtresse. Tout irait bien s’il ne s’embrouillait pas dans ses mensonges !

Critique : La magnifique affiche dessinée de Poule et frites donne le ton. Le premier film de l’ancien Charlot Luis Rego en qualité de réalisateur se veut être l’Autant en emporte le vent du rire. Le visuel en forme de pastiche souffle un vent épique qui fait honneur au produit vendu, pourtant immédiatement diminué par la nullité du jeu de mot qui sert de titre “poulet-frites”, transformé en homophone misogyne ras-les-pâquerettes.

La réalité du spectacle, elle, n’aura finalement d’épique que sa nullité intégrale qui rend l’ensemble difficile à regarder, même au dernier degré qui est le seul possible pour ne pas sombrer avec l’équipe du film, dans le malaise généralisé.

Plus proche des séries Z estivales de Max Pecas que des spectacles du Splendid, malgré la présence d’Anémone, le film semble avoir profité d’un budget en sa faveur et garantit une belle texture d’image pop du milieu des années 80. Malheureusement, il n’aura aucun scénario à déployer pour être à la hauteur des talents de son illustrateur, puisque cette comédie de la misogynie essaie de faire passer un petit vendeur de frites en caravane, Luis Reg, donc, en tombeur. On a du mal à le croire mais Luis Rego qui partage sa plume avec Jackie Berroyer (pour ce dernier, nous qualifierons cette bévue d’une extravagance dans sa filmographie), est persuadé qu’il peut articuler autour de son personnage des situations de vaudeville cocasses. Il incarne donc un type beauf, ringard, à l’oncle ventru (Galabru dans des tenues improbables), dont l’épouse (Claire Nadeau, au moins présente dans une scène nanardesque – de poule – d’anthologie), est une domestique coincée, qui jouit d’une double vie, avec sa maîtresse qui le suit au comme une aiguille suit un fil (Anémone, mignonnette, rien de plus dans son jeu), mais qui trouve le temps, entre ses péripéties de vendeur de frites sans licence, de tirer des coups ailleurs, notamment avec la femme libérée qu’incarne

L'horrible jaquette DVD de Poule et Frites, en 1983

Copyrights : Gaumont, Studiocanal films limited

Carole Jacquinot, hystérique qui aime jouer de la ceinture, et qu’il essaie de mettre dans son lit en se faisant passer pour un producteur de disques. Au passage, celle-ci est tellement libérée qu’elle s’adonne à des exploits saphiques sur un yacht avec Éva Darlan, où le domestique est un gay exhibitionniste et efféminé. Luis Rego aime la caricature populaire et s’en sert comme seul ressort comique.

Le film entier, suite de sketchs indigents, n’a rien à raconter. Le scénario est exclusivement basé sur des situations poussives et cabotines. Pour n’en citer qu’une, nous renverrons les spectateurs à la scène où Luis Rego, surpris en mauvaise posture sur la plage avec son illégitime, se fait passer pour un touriste allemand, auprès de sa belle-mère, jouée par l’honorable Claude Gensac. Du déjà vu, mais avec cet arrière-goût de raté qui rend le moment gênant pour les comédiens. La seule tentative de rebondissements (il ne faut pas que son épouse tombe sur sa maîtresse), se situe sur la fin dans un quiproquo échafaudé dans une séquence bordélique à connotation sexuelle où intervient en fait ses deux maîtresses… Tellement affligeant que l’on n’entrera pas dans les détails.

Sondant le vide, Poule et Frites, ne pourrait être vu, à la limite, que pour l’effarement que constitue la scène de sacrifice conjugale, où Claire Nadeau, pour satisfaire son époux, consent à se livrer à une perversion sexuelle que s’est inventé cellui-ci  pour justifier l’existence d’une maîtresse dans sa vie… A savoir, jouer à la “poule”, au sens propre, avec plume et gloussement. Cette illustration de la nullité du film mérite d’être vue au dernier degré, mais ne justifie en rien que l’on passe 1h30 sur le film, puisque disponible en intégralité sur Youtube… Pourquoi donc se faire mal?

Dans un contexte de crise du cinéma peu favorable aux nullités franchouillardes, Poule et frites s’est abîmé au box-office, contraignant le chanteur et acteur Luis Rego a posé définitivement sa caméra. Sa seule réalisation ne dépassera pas les 200 000 estivants quand Le facteur de Saint-Tropez, avec l’inénarrable Paul Préboist, avec un budget moindre, en réalisait plus de 400 000. Le coup est sérieux alors que le film est distribué par Gaumont et non par un indépendant du bis. Une VHS suivra, quelques timides diffusions à la télé, et un DVD en 2003, dans la collection franchouillarde Ciné Rire en 1983. Mais désormais même sa jaquette est à jeter…

Critique : Frédéric Mignard

Toutes les sorties de la semaine du 17 juin 1987

 

Poule et frites, affiche

Copyrights : Gaumont, Studiocanal films limited

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