Beau plaidoyer féministe, Plenty s’appuie totalement sur le jeu incandescent de Meryl Streep. La réalisation, trop classique, manque de panache, mais traduit tout de même correctement les sentiments des personnages.
Synopsis : Résistante pendant la Seconde Guerre mondiale, Susan Traherne voit sa vie bouleversée par les conséquences du conflit.
Un projet féministe entièrement porté par Meryl Streep
Critique : En 1978, le dramaturge David Hare connaît un beau succès avec sa pièce Plenty qui évoque le cas de ces jeunes femmes britanniques qui ont activement participé à la Seconde Guerre mondiale, mais ont dû ensuite se contenter d’une vie bien rangée, à la botte de leurs maris respectifs. La pièce a d’abord connu un bel écho en Angleterre, avant d’être jouée avec succès aux Etats-Unis en 1983. De quoi attirer les producteurs qui proposent à David Hare d’écrire un script pour adapter son œuvre au cinéma.
Depuis longtemps engagée dans la cause des femmes, Meryl Streep est aussitôt intéressée par ce rôle qui l’oblige à interpréter le même personnage sur près de trente ans. Elle doit d’ailleurs relever d’autres défis puisqu’il faut également qu’elle s’exprime dans un français parfait durant le premier quart d’heure du film. Autant d’éléments qui ont motivé son choix, à une époque où elle devient une véritable star – on est ici la même année que la sortie d’Out of Africa (Pollack, 1985). La réalisation, quant à elle, est confiée à l’Australien Fred Schepisi qui vient de connaître un certain succès avec Iceman (1984), un film pourtant très différent du classicisme de Plenty.
Un prologue français maladroit, compensé par des développements plus convaincants
Les premières séquences ne sont pas nécessairement très encourageantes car elles nous plongent sans explication au cœur d’une France occupée par les nazis. On ne comprend pas immédiatement que Meryl Streep est une Britannique espionne et sa relation avec le parachutiste incarné par Sam Neill est si rapide que la crédibilité de l’intrigue en prend un coup. Ces séquences constituent en réalité un prologue un peu maladroit, mais qui établit que la jeune fille a vécu des moments trépidants qui marquent son existence à jamais.
La suite du long-métrage nous invite à suivre l’existence pour le moins morne de cette femme dont la vie retombe dans la banalité du quotidien. L’occasion pour les auteurs de dénoncer la condition féminine en Angleterre au cours des années 50-60. Cette femme indépendante qui n’a pas sa langue dans sa poche n’est clairement pas adaptée à cette normalité qui la plonge peu à peu dans la dépression et la folie.
Une dénonciation de l’étouffement des femmes dans l’Angleterre des années 50
Les auteurs pratiquent à intervalles réguliers des ellipses de plusieurs années qui brusquent le spectateur et il est nécessaire d’avoir un petit temps d’adaptation par rapport à cette structure un peu maladroite. Toutefois, pour peu qu’il s’accroche, le spectateur comprend peu à peu où veulent en venir les auteurs. A force de multiplier les expériences décevantes, le personnage principal apparaît comme un petit animal en cage. Cette femme étouffe dans le carcan d’un quotidien qu’elle ne peut accepter, alors même qu’elle a vécu des aventures passionnantes dans sa jeunesse.
Face à elle, Schepisi déploie un cortège d’hommes tous plus décevants les uns que les autres. Certes, son mari (Charles Dance, impeccable) est apparemment à l’écoute, mais il ne fait que l’enfermer dans une norme qui la contraint. Son amant (Sting) n’a finalement aucun caractère et ne lui permet pas d’avoir un enfant. Enfin, son amour furtif de jeunesse (Sam Neill) se révèle tout aussi impuissant à réveiller la passion éteinte depuis la guerre.
Un beau portrait de femme, desservi par une réalisation d’un classicisme ronflant
Plenty n’est donc pas une œuvre facile d’accès, ni très commerciale, dans le sens où l’intrigue ne propose aucune échappatoire à son héroïne. Intégralement construit sur des éléments décevants, le long-métrage peut laisser une impression d’incomplétude. Toutefois, c’est exactement ce que souhaitaient les auteurs. Il s’agit en cela d’un vrai plaidoyer féministe, porté par une formidable actrice, brillamment secondée par une Tracey Ullman vivifiante.
Il manque toutefois à Plenty une vraie réalisation qui oserait briser les carcans de la bienséance de temps à autre. Très classique, la mise en scène de Schepisi échoue parfois à transmettre les émotions des personnages. Il s’appuie intégralement sur le brio de ses interprètes. Heureusement pour lui, il dispose de la crème des acteurs anglais avec John Gielgud, Ian McKellen ou encore Charles Dance.
Un échec commercial assez injuste
Alors que le film semblait parfait pour les Oscars, son cuisant échec public l’a surtout plongé dans l’oubli général. Pire que tout, en France, Plenty n’a été vu que par 135 712 fans de Meryl Streep. Si le métrage n’est pas le plus passionnant du monde, on peut toutefois trouver cet échec injuste. On engage donc les cinéphiles contemporains à lui donner une seconde chance.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 15 janvier 1986
Box-office
Plenty est sorti le 15 janvier 1986 dans 14 salles parisiennes, une combinaison essentiellement composée d’écrans intra-muros : l’UGC Biarritz, l’UGC Rotonde, l’UGC Montparnasse, l’UGC Odéon, l’UGC Convention, le Ciné Beaubourg, le 14 Juillet Bastille, l’UGC Boulevard, l’UGC Gobelins, le 3 Murat, Les Maillots et le 14 Juillet Beaugrenelle.
Meryl Streep devait ce jour affronter Eastwood et Burt Reynolds dans Haut les flingues (35 salles), Peur bleue d’après Stephen King (30 salles), un autre film à Oscar, Soleil de nuit de Taylor Hackford (29 salles), Mort sur le gril, le second film de Sam Raimi (18 salles) et enfin le thriller urbain L’Exécutrice, avec Brigitte Lahaie.
Pour son premier jour, le drame de RKO Pictures attire 2 886 spectateurs, ce qui est à peine mieux que Les interdits du monde, mondo qui ouvrait à 2 400 entrées avec 7 écrans en moins. Avec 28 819 entrées, la première semaine sur P.P., Plenty se hisse en 9e position doublant la comédie burlesque de Sam Raimi (23 000) et Les interdits du monde (17 000). Haut les flingues, de son côté, entrait en 2e place, avec 61 000 tickets. Perdant 4 salles sur sa 2e semaine, le film de Fred Schepisi perd 50% de sa fréquentation sur la capitale. Il dépasse toutefois les 50 000 entrées grâce à une 3e semaine moins périlleuse à 9 000 entrées. Le bouche-à-oreille stabilise l’œuvre jugée belle en son temps, avec 8 000 entrées en 4e semaine et 6 écrans toujours à la manœuvre.
Au total, sur Paris, Plenty restera en salle 8 semaines, achevant son périple à l’UGC Marbeuf, avec 744 spectateurs, pour un total modeste de 66 749 spectateurs.
Le film sortait en VHS au début de l’année 1987, chez l’éditeur Cannon Vidéo.