Pinocchio : la critique du film Netflix (2022)

Animation, Film pour enfants | 1h57min
Note de la rédaction :
8/10
8
Pinocchio de del Toro, l'affiche

  • Réalisateur : Mark Gustafson Guillermo del Toro
  • Date de sortie: 09 Déc 2022
  • Nationalité : Américain, Mexicain, Français
  • Titre original : Guillermo del Toro's Pinocchio
  • Titres alternatifs : Pinocho de Guillermo del Toro (Espagne) / Pinóquio de Guillermo del Toro (Portugal) / Pinokkió (Hongrie) / Pinóquio (Brésil)
  • Année de production : 2022
  • Scénaristes : Guillermo del Toro, Patrick McHale, Gris Grimly et Matthew Robbins, d'après Les Aventures de Pinocchio de Carlo Collodi
  • Directeur de la photographie : Frank Passingham
  • Compositeur : Alexandre Desplat
  • Société(s) de production : Netflix Animation, The Jim Henson Company, Pathé, ShadowMachine, Double Dare You (DDY), Necropia Entertainment, Netflix
  • Distributeur : Netflix (uniquement sur sa plateforme). Donc film inédit en salles en France.
  • Éditeur(s) vidéo : -
  • Date de sortie vidéo : -
  • Avec les voix de : Gregory Mann, Ewan McGregor, David Bradley, John Turturro, Ron Perlman, Cate Blanchett, Christoph Waltz, Tilda Swinton (VO)
  • Budget : 35 M$
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics (conseillé à partir de 7 ans)
  • Formats : 1.85: 1 / Couleurs / Son : Dolby Digital, Dolby Atmos
  • Festivals et récompenses : Festival du film de Londres 2022 : Présentation en avant-première / Festival Lumières de Lyon 2022 : Présentation en avant-première / Festival international du film de Marrakech 2022 : film d'ouverture / Atlanta Film Critics Circle 2022 : Prix du meilleur film d'animation.
  • Illustrateur / Création graphique : -
  • Crédits : Netflix
Note des spectateurs :

La version de Pinocchio par Guillermo del Toro pour Netflix se détache du conte et de Disney pour livrer un spectacle familial d’une grande beauté esthétique et d’une plus grande profondeur sur le plan thématique. Vous ne resterez pas de marbre devant le pantin de bois.

Synopsis : Dans l’Italie fasciste des années 1930, une marionnette en bois va apprendre à devenir un véritable garçon vivant.

Une énième version de Pinocchio

Critique : L’annonce d’une nouvelle version du conte pour enfants Pinocchio pour Netflix n’est pas forcément une bonne nouvelle pour le cinéphile, qu’il soit signé Guillermo del Toro ou non. Effectivement, cette très jolie histoire de Carlo Collodi a déjà eu le droit à un nombre conséquent d’adaptations cinématographiques. On se souvient tous du superbe dessin-animé Disney de 1940, mais on est également attaché à la version live de Luigi Comencini datant de 1972. Depuis cette époque, on a eu le droit à plusieurs autres épigones, généralement peu enthousiasmants (parmi eux, la version de Roberto Benigni en 2002 était assez déplorable ; l’acteur figurait aussi au générique de l’adaptation par Matteo Garrone ). Très récemment, Robert Zemeckis a livré un remake très fidèle du dessin-animé pour la plateforme Disney + et le cinéaste n’avait clairement rien à apporter au sujet.

Pinocchio de Guillermo del Toro, photo

Guillermo del Toro’s Pinocchio – Cr: Netflix © 2022

Bref, pour être honnêtes, on n’attendait pas cette version de Guillermo del Toro avec impatience, malgré la promesse apparente de se détacher des autres visions du conte. Force est d’admettre que la réussite est pourtant patente, puisque ce Pinocchio 2022 parvient à renouveler une histoire pourtant maintes fois vue, tout en s’appuyant sur une esthétique qui rompt clairement avec l’héritage de Disney.

Pinocchio contre le fascisme

Tout d’abord, Guillermo del Toro a eu l’excellente idée de déplacer l’intrigue du conte de l’Italie de la fin du 19ème siècle à celle des années 20-30. Il s’agit ainsi pour lui de rattacher le conte au reste de son œuvre, amplement influencée par cette période trouble de l’entre-deux guerres. Que l’on se souvienne de L’échine du diable (2001) et du Labyrinthe de Pan (2006) où le cinéaste s’en prenait notamment au franquisme de manière indirecte. Ici, il troque le nationalisme de Franco pour celui de Mussolini et livre des moments qui évoquent ses œuvres précédentes dans la description d’une société militarisée, enrégimentée et sous l’influence du totalitarisme.

Dès le début, son Pinocchio prend le temps de décrire la relation fusionnelle entre un père – Geppetto – et son fils nommé Carlo. Ce dernier succombe pourtant à une bombe durant une phase de la Première Guerre mondiale et le père demeure ensuite inconsolable. Après plusieurs années, il finit par créer un pantin de bois lors d’une nuit d’ivresse et une fée sous forme de sphynx vient lui donner la vie. Dès lors, Guillermo del Toro se conforme globalement au conte en faisant du pantin de bois un petit garçon turbulent qui refuse d’aller à l’école et qui se dresse contre l’ordre établi.

Pinocchio comme incarnation de la subversion à l’ordre établi

Totalement affranchi du conte d’origine, Guillermo del Toro confronte cette liberté incontrôlable de l’enfance à un cadre rigide incarné par le fascisme mussolinien. Il prend donc le contre-pied des nombreuses versions précédentes qui cherchaient à enseigner aux enfants l’obéissance envers les adultes, puisque Pinocchio incarne ici l’esprit d’indépendance par rapport à un ordre injuste et destiné à faire des enfants de la chair à canons. Dès lors, le spectateur ne souhaite plus voir le pantin obéir, mais au contraire se rebeller contre le fascisme instauré par Mussolini et ses sbires.

Certes, cette dimension politique vient s’entrechoquer avec le conte, mais elle lui apporte justement un sous-texte supplémentaire qui l’enrichit. Cela n’empêche nullement le cinéaste de proposer des péripéties iconiques comme le passage de Pinocchio par le ventre d’un monstre marin où il retrouve le pauvre Geppetto. Cette version de Pinocchio ose donc revisiter certaines scènes classiques en les modifiant légèrement pour les rendre inédites pour le spectateur contemporain.

Enfin, au cœur de cette histoire, la relation père-fils est brillamment exposée et finit par nous toucher. Guillermo del Toro est toujours à l’aise avec les grands sentiments et il livre donc un hymne à la vie – qui passe aussi par la mort et la disparition des êtres chers – qui ne peut que bouleverser lors d’un final à la fois triste et apaisé.

La technique de l’image par image à son sommet

Pour assoir ces thématiques, Guillermo del Toro a fait appel à la technique artisanale de l’animation image par image dont la direction a été assurée par le petit génie Mark Gustafson (déjà en fonction sur l’excellent Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson en 2009). Cette technique – identique à celle du splendide L’étrange Noël de Monsieur Jack – permet de donner une consistance réelle aux petits personnages et aux décors. Certes, on note un emploi conséquent de renforts numériques, mais le Pinocchio de del Toro sent bon la sueur et le défi technique.

Ainsi, certains plans séquences qui durent trois minutes à l’écran ont mis un an à être concrétisés. Il a fallu pour cela multiplier les équipes techniques et faire confiance au talent de tous les animateurs sous la houlette de Gustafson. Bien entendu, del Toro a validé chaque étape de la conception de son bébé, mais il est important de signaler qu’il s’agit avant tout d’un impressionnant travail d’équipe.

Le spectacle de Noël à voir sur Netflix

Le résultat final est aussi beau qu’impressionnant, surtout avec un budget relativement contraint de 35 millions de dollars, en grande partie financé par la plateforme Netflix qui en a acheté les droits de diffusion exclusifs sur le plan mondial. Certes, le film d’animation a eu le droit à une sortie limitée en salles aux Etats-Unis – afin de concourir aux futurs Oscars – mais c’est bien sur Netflix que les enfants et leurs parents pourront s’offrir deux heures de poésie visuelle pour Noël. Un bien beau cadeau que l’on aurait aimé admirer sur grand écran.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 7 décembre 2022

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Pinocchio de del Toro, l'affiche

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