Pinocchio : la critique du film (2020)

Fantastique, Film pour enfants | 2h05min
Note de la rédaction :
5.5/10
5.5
Affiche de Pinocchio de Matteo Garrone, destinée aux salles

  • Réalisateur : Matteo Garrone
  • Acteurs : Roberto Benigni, Federico Ielapi, Marine Vacth
  • Date de sortie: 04 Mai 2020
  • Nationalité : Italien
  • Scénariste : Matteo Garrone, d'après l'œuvre de Carlo Collodi
  • Directeur de la photo : Nicolaj Bruel
  • Société de production : Archimède, Recorded Picture Company, Le Pacte
  • Diffusion : Plateforme Prime Vidéo, en exclusivité, à partir du 4 mai 2020
  • Format : 2.35 : 1 / Dolby Digital
Note des spectateurs :

Le Pinocchio de Matteo Garrone assemble les beaux tableaux les uns après les autres au détriment de l’émotion et de toute empathie pour son pantin mythomane. On lui préfèrera la vision plus enjouée de Luigi Comencini en 1972.

Synopsis : Geppetto, un pauvre menuisier, fabrique dans un morceau de bois un pantin qu’il prénomme Pinocchio. Le pantin va miraculeusement prendre vie et traverser de nombreuses aventures.

Pinocchio et la crise du Covid

Critique : Beaucoup de choses se sont passées depuis la présentation de Pinocchio au festival de Berlin (Hors Compétition) en février 2020. Ce film promis au grand écran a perdu son marché français, avec une programmation en salle au 19 mars repoussée à la dernière minute, en pleine promotion, au 1er juillet. Les affiches abondaient en France, la bande-annonce était largement diffusée, et les avant-premières publiques avaient plutôt laissé entendre un bon bouche-à-oreille.

Photo d'exploitation de Pinocchio de Matteo Garrone

© Archimède Film

Mais le film sera finalement lâché sur la plateforme SVOD d’Amazon, Prime Vidéo, au début du mois de mai, en raison de la crise du Covid-19 qui a provoqué la fermeture des salles françaises, empêchant toute exploitation commerciale traditionnelle du film, et toute promotion pour la réouverture des cinémas. Une tragédie pour son distributeur, Le Pacte, lourdement impliqué dans cette aventure aux images somptueuses qui bénéficient d’un effort photographique de chaque plan. Le conte sombre, aux couleurs d’une Italie flamboyante dans sa nature et ses décors, avait tous les ingrédients pour séduire en salle.

Le rétrécissement de notre champ de vision sur l’écran qui lui est désormais octroyé lui est préjudiciable artistiquement. On n’entre que difficilement dans son univers. La composition de chaque plan confine au travail d’esthète et entre bien dans tout ce que le mot conte compte d’enchantement, mais l’essentiel manque à l’appel. L’émotion.

Federico Ielapi est le Pinocchio de Matteo Garrone

© Archimède Film, Recorded Picture Company, Le Pacte

Le pantin vite animé, une fois taillé dans la bûche de ce pauvre Geppetto, n’apparaît pas comme une personnalité très charismatique. Pourtant, les effets spéciaux et surtout le lourd maquillage que porte le jeune acteur ne sont pas à remettre en cause. Tout ce qui aurait pu permettre à ces toiles animées d’enchanter dans une salle de cinéma en est réduit à un resserrement de la psychologie sur ce que le film a de plus maigre, l’incapacité à rendre ses personnages attendrissants.

Pinocchio remake 2020 Roberto Benigni

© Archimède Film – Photo : © Greta De Lazzaris

Des choix qui nous laissent de marbre

Le choix de Roberto Benigni en Geppetto est malheureux pour les vieux cyniques que nous sommes : nous lui en voulons encore pour ce qu’il a pu faire du roman de Carlo Collodi, lorsque, en 2002, il s’est grimé en un Pinocchio grotesque. Et ce n’est pas sa quasi-absence d’une décennie à l’écran qui nous pressera à l’oubli et au pardon. La bouille méconnaissable du petit Federico Ielapi en pantin égoïste est dure et ses turpitudes sur le chemin de l’école buissonnière ne nous conduisent jamais à ressentir frisson ou tristesse pour lui, à qui il arrive pourtant beaucoup de mutilations : pied brûlé, pendaison par des brigands à l’allure du KKK, menace d’être scié… On sent parfois l’envie du cinéaste du social Matteo Garrone de lorgner sur l’univers sombre et torturé de Tim Burton, mais on retombe toujours dans une forme d’ennui poli sur cet acheminement progressif vers la bonne conduite et un ordre moral d’un autre temps.

Photo d'exploitation de Pinocchio de Matteo Garrone 2

© Archimède Film – Photo : © Greta De Lazzaris

Le carnaval des masques, très italien dans la représentation des animaux, vire parfois au grotesque, celui du criquet, du renard et d’autres créatures aquatiques dont on se demande comment l’allure a pu être validée. De surcroît, la musique de Dario Marianelli est rarement à propos, pis, elle est souvent pénible.

Quid de Matteo Garrone, l’auteur ?

Au-delà des belles images qui nous auraient tant emballés sur le grand écran, et auraient probablement permis à l’adaptation de compenser partiellement ses défauts, de belles idées sont à mettre au crédit de Garrone. Son sens de la justice et sa volonté de dépeindre la corruption trouvent toute son ironie lors d’une séquence de simili de procès qui démontre la valeur du cinéaste en tant qu’auteur engagé (bien qu’il ne charge pas assez le système, ici), quand le personnage de la fée, tantôt jeune amie, ange gardien, ou mère protectrice, est bien l’un des seuls personnages à gagner notre indulgence.

Marine Vacth en fée dans Pinocchio

© Archimède Film – Photo : © Greta De Lazzaris

Avant que Disney ne se mette en tête de faire un jour une adaptation live de son admirable classique de 1940, Guillermo del Toro réalise, parallèlement à la sortie sur Amazon de ce Pinocchio, sa propre version de l’histoire, annoncée comme beaucoup plus sombre, pour une plateforme concurrente. Disney, Amazon, Netflix… Peu importe le ton et l’habillage, n’est-il pas plutôt temps pour ces Garrone et del Toro d’embrasser la fiction via des sujets plus originaux ? Notre époque moderne n’a-t-elle pas d’autres héros contemporains à nous offrir que ceux de Marvel pour toujours aller puiser dans la sur-adaptation d’histoires récentes ? Dans une mondialisation et une commercialisation de la culture, la redondance ne nous permet pas d’envisager autre chose que de la déception face à ce nouveau Garrone , dont le sens du grotesque et de la satire lui avait toujours réussi. Finalement, jusqu’ici, sa plus grosse erreur, n’avait-elle pas été son adaptation de Giambattista Basile, Tale of Tales, en 2015 ? L’histoire se répète, l’homme n’apprend pas. L’artiste non plus.

Frédéric Mignard 

Affiche de Pinocchio de Matteo Garrone, destinée aux salles

© Archimède Film, Recorded Picture Company, Le Pacte – Adaptation affiche : Troïka

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Affiche de Pinocchio de Matteo Garrone, destinée aux salles

Bande-annonce de Pinocchio

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