La critique d’Oblivion, en France, n’avait pu être publiée avant le jour-même de sa sortie nationale en raison d’un sévère embargo mondial. Pourtant, Universal n’avait pas être honteux de cet avatar de science-fiction métaphysique. Joseph Kosinski, le cinéaste visionnaire de Tron l’héritage, réitérait sa maestria d’artiste dévoué à l’épure dans une œuvre de science-fiction magistrale qui échouait toutefois à combler toutes les attentes.
Ce qu’il pensait être la réalité vole en éclats quand il est confronté à certains éléments de son passé qui avaient été effacés de sa mémoire. Se découvrant une nouvelle mission, Jack est poussé à une forme d’héroïsme dont il ne se serait jamais cru capable. Le sort de l’humanité est entre les mains d’un homme qui croyait que le seul monde qu’il a connu allait bientôt être perdu à tout jamais.
Critique : Né de son propre roman graphique, Oblivion de Joseph Kosinski appartient à ces projets fous qui nourrissent les fantasmes les plus épiques des amateurs de science-fiction toujours prêts à dénicher la perle rare dans un domaine où l’intelligence métaphysique, l’originalité scénaristique et l’épate high-tech font des merveilles.
En 2012, c’était Ridley Scott qui avait ainsi fait saliver le adorateurs des astres pendant des mois avant de livrer un Prometheus qui avait finalement divisé… La comparaison avec Oblivion n’est pas inappropriée, puisque le deuxième long métrage de Joseph Konsinski, après Tron l’héritage, visionnaire à l’architecture mentale numérique, passé de chez Disney à Universal, a divisé autant, voire même plus.
Dans une intrigue entièrement bâtie sur la perspective d’un twist radical censé changer notre vision globale de son script, Oblivion appartient à ces œuvres pour lesquelles il est inapproprié de ne pas trop en dire pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte… Et pourtant, pour tous les esprits entraînés à l’exercice, il ne sera pas bien difficile de déceler le fin mot de l’histoire sans en attendre le dénouement… Oblivion contraint son personnage principal – le juvénile Tom Cruise qui paraît avoir 35 ans dans le film -, à se remettre tellement en question que ses bottes d’astronaute en deviennent vite trop encombrantes dans une œuvre qui se veut toute en apesanteur, et où la finesse de trait et de style de Kosinski confine toujours au sublime visuel. Bref, la réponse est vite à portée de main !
Après l’éblouissement esthétique de Tron : l’héritage qui accumulait les plans épiques hors de toute proportion terrestre, la vision de science-fiction d’Oblivion est toute aussi enchanteresse, dans un univers apocalyptique où la surface de la Terre a été réduite à quelques cimes de gratte-ciels, à quelques magnifiques plans évocateurs de La planète des singes, dans sa version originale… Tom Cruise erre dans son Tech 49, vaisseau spatial effilé, qui lui permet de scanner une planète dévastée où il doit encore déjouer les pièges des dernières créatures destructrices repliées dans les entrailles des décombres… Les hommes ont remporté la guerre contre l’ennemi alien, désormais réduit a priori à peau de chagrin, au prix d’une guerre atomique totale qui a contraint l’humanité à s’exiler sur Titan, l’un des satellites de Saturne.
Tom Cruise, dernier gardien du bon ordre devant l’Éternel, aidé par d’impressionnants cyborgs volants dans sa tâche, doit encore protéger les imposantes structures volantes qui ravitaillent en eau les exilés humains sur l’hostile territoire qui les a accueillis.
Les réminiscences thématiques sont nombreuses : outre La planète des singes, on pense forcément au robot de Pixar dans WALL-E, ou encore au fameux Moon de Duncan Jones, à la différence qu’ici, la Lune a été littéralement anéantie par la force extra-terrestre, laissant apparaître dans le ciel limpide les débris figés d’une guerre dont on ne verra rien mais dont les stigmates nourrissent les fantasmes d’un tableau d’apocalypse parfait.
Moins percutant qu’un film avec robots géants paraphé par Michael Bay, Oblivion est le drame de l’intime dans des décors macrocosmiques ! Kosinski, comme dans Tron 2, joue la carte de l’émotion froide, s’appuyant beaucoup sur le jeu d’acteurs chevronnés (Cruise est solide, Andrea Riseborough, vue dans le W.E. de Madonna, est étonnante dans la retenue de ses sentiments…). De cette beauté constante naît une adhésion qui serait totale s’il n’y avait pas les facilités d’écriture et une poignée de plans maladroits qui viennent tempérer l’excitation.
Au final, Oblivion est un film de vertige qui suscitera des spirales de sentiments contradictoires et dont le résultat au box-office a forcément été loin d’être à la hauteur de sa démesure.