Mystery Men est une comédie déjantée sur fond de quête de “super-héros”. Derrière le côté potache, une vraie réflexion sur la notion de héros qui ne parvint pas à se faire une place au box-office en 1999. Culte sur le tard.
Synopsis : Mr Furious, Blue Raja et Shoveler sont des héros dotés de pouvoirs très limités. L’un a une force décuplée uniquement quand il est très en colère, l’autre lance des fourchettes et des cuillères, et le dernier manie remarquablement sa pelle de mineur. Ils sont constamment éclipsés par le puissant et cabotin Captain Amazing, protecteur de Champion City. Lorsque celui-ci est kidnappé par le super-vilain Casanova Frankenstein, l’heure des Mystery Men pourrait bien être arrivée. Première étape, recruter de nouveaux membres, s’équiper, s’entraîner sous la houlette du Sphinx si terriblement mystérieux, avant d’affronter les sbires fans de disco de Frankenstein.
Critique : En 1989, Tim Burton avait frappé un grand coup avec sa version sombre et gothique de Batman. Mais la saga de la plus célèbre chauve-souris va tomber de Charybde en Scylla avec les horribles épisodes de Joel Schumacher. Le cinéaste de Génération perdue signe deux nanars absolus avec Batman forever (1995) et Batman et Robin (1997). Dans ces films, Gotham city est devenue une ville ultra colorée. Quant aux méchants, ils sont plus clownesques que réellement inquiétants.
C’est dans ce contexte que Kinka Usher, venant du monde de la publicité, a l’idée de mettre en scène Mystery Men. Comme les films de super-héros sont à cette époque devenus du grand n’importe quoi, alors pourquoi ne pas y aller franchement en jouant la carte de la parodie. L’outrance du propos et le côté complètement déjanté du film n’ont pas plu à l’époque. Mystery Men a été un échec retentissant. Nanti d’un budget très confortable de 68 millions de dollars, il n’en a rapporté que la moitié dans le monde entier. Et c’est d’ailleurs à ce jour l’unique film de Kinka Usher qui sera puni à vie pour cet outrage aux caisses hollywoodiennes. En France, l’accident industriel ne durera que deux semaines avec un score dérisoire de 17 000 spectateurs ; il faut dire que ce Mystery Men, sorti à l’aube de l’an 2000, était mal servi par une affiche peu aguichante.
Une œuvre originale à l’heure de l’uniformisation de la culture
Cependant, plus de vingt ans après sa sortie, le regard sur Mystery Men a changé. Il obtient même aux yeux de certains le statut de film culte. Il faut dire que Mystery Men a été un précurseur pour des œuvres telles que Kick-Ass (2010) et Super (2011) de James Gunn. Et cet OFNI (objet filmique non identifié) est un long métrage à part. Bien différent et nettement plus original que l’univers Marvel. En ces temps d’uniformisation de la culture, les films de super-héros n’échappent pas à la règle avec les sagas interminables des X-Men, Avengers et consorts. Et on a droit toujours aux mêmes formules : des scénarios prévisibles et des effets spéciaux rutilants.
Avec Mystery Men, on sort clairement des sentiers battus. En effet, le film est à la fois une excellente parodie de films de super-héros et une critique acerbe de la société contemporaine. Malgré ses vingt années au compteur, il n’a pas pris une ride sur ces deux plans.
L’action prend place à Champion City avec un super-héros, Capitaine Admirable (excellent Greg Kinnear) censé débarrasser la ville des méchants. A la tête de ceux-ci, le méchant de service est joué par un Geoffrey Rush en roue libre. Il faut dire qu’il interprète le rôle de Casanova Frankenstein. Tout un programme. Bien loin des standards des méchants habituels, Casanova Frankenstein est un quasi-dandy aimant faire la fête. L’aspect parodique envers l’univers de Batman est évident.
Un film hilarant doté d’un casting de choix
Mais le pastiche ne s’arrête pas. Nos Mystery Men sont de drôles de personnages. En effet, ils sont tous convaincus d’avoir des pouvoirs particuliers alors que ceux-ci s’avèrent pour le moins réduits. Ben Stiller alias “Furieux” tirerait sa force des moments où il est en colère. Quant à William H. Macy, il est la “Pelle” car il utilise avec beaucoup de dextérité cet outil pour terrasser ses adversaires. Et que dire de “Spleen” capable d’envoyer sur demande des pets malodorants ! Mais le personnage le plus étonnant sur ce point est l’homme invisible. Comme il le dit à ses camarades lors de son recrutement : “je peux seulement devenir invisible lorsque personne ne me regarde” ! On rigole bien en voyant ces losers décidés coûte que coûte à éradiquer le Mal de Champion City. A cet égard, la phase de recrutement de nouveaux “super-héros” donne lieu à une séquence bien tordante.
Cela étant, la force des Mystery Men ne réside pas uniquement dans son aspect humoristique. Le film décrit avec beaucoup d’acuité le quotidien de personnages on ne peut plus ordinaires. On entre de plain-pied dans leur vie privée. “La Pelle” est un ouvrier dont la femme, lassée par son délire de super-héros, compte le quitter. De son côté, “le fakir bleu” (Hank Azaria) vit toujours chez sa mère alors qu’il a déjà un certain âge. Et “Furieux” (Ben Stiller) veut la jouer gros dur alors qu’il ne sait pas comment aborder la femme qui lui plaît. Le réalisateur Kinka Usher s’intéresse à des gens ordinaires rêvant d’une vie extraordinaire. Il se dégage une vraie émotion dans cette histoire avec ces héros plus proches que jamais de nous. Donc il y a ici un supplément d’âme qui manque (bien souvent) aux “vrais” films de super-héros.
Mystery Men ou quand des gens ordinaires deviennent des héros
Ce long métrage pose par ailleurs la question de la notion de héros. Qu’est-ce qu’un héros ? C’est une personne ayant un comportement héroïque. Ainsi, le courage, la fraternité et la résilience font de “Furieux” et consorts des héros. Ils ont conscience de leur cas mais croient en eux : “Nous ne sommes pas de classiques super-héros. Nous ne sommes pas les favoris. Nous sommes les autres gars. Ceux sur qui on ne parie jamais.” (“la Pelle”).
Enfin, même si c’est moins évident, Mystery Men est un formidable plaidoyer anticapitaliste. Le fameux Capitaine Admirable, super-héros de pacotille, cristallise à lui seul cette idée. Tout se monnaye chez lui : il a de nombreux sponsors (figurant sur son costume), fait constamment appel à la presse et est invité partout dans les médias. On peut voir en lui le symbole du capitalisme dominant. Le film établit donc une césure entre ce super-héros riche et nos protagonistes issus de classes populaires. Cela n’est pas anodin si nos losers triomphent des embûches figurant sur leur passage.
Derrière le vernis de parodie délirante, Mystery Men laisse apparaître un film (parfois) subtil aux thématiques universelles. Ce long métrage mérite clairement d’être réhabilité.
Sorties de la semaine du 15 décembre 1999
Test blu-ray
Compléments : 3/5
Le premier bonus est un commentaire audio sous-titré de Kinka Usher. Il était déjà présent sur le DVD de 2005. Et même si ce commentaire audio fourmille de détails, il eut été intéressant d’avoir le point de vue de Kinka Usher plus de vingt ans après la sortie de son film. Car il aurait pu évoquer Mystery Men au regard des films de super-héros actuels.
De manière générale, les bonus sont divisés en deux catégories : les suppléments récents et ceux d’époque.
En premier lieu, avec Nous sommes les autres gars (23 minutes), le réalisateur Kinka Usher s’exprime sur ses débuts, le casting (chose la plus importante selon lui) et le tournage. S’il n’y a pas vraiment d’esprit critique, il signale tout de même le flop commercial que rencontra Mystery Men. En second lieu, Je suis un super-héros, maman ! (12 minutes) laisse la place à la costumière du film : Marilyn Vance. Elle explique bien les différents looks choisis pour les personnages en fonction de leur personnalité. En troisième lieu, Champion City en son et lumière (9 minutes) revient sur les effets spéciaux du film. Pour Todd Tucker, le superviseur des effets spéciaux, ce film a été peu apprécié à sa sortie car il était trop novateur. En quatrième lieu, Le disco, c’est la vie ! (8 minutes) traite de la musique du film. On apprend que le compositeur, Stephen Warbeck a utilisé des sons très différents : musique exotique, tzigane, disco, musique militaire, etc. Enfin, le dernier bonus contemporain est Un regard sur le film par le stagiaire des affiches (11 minutes). Ce module laisse la parole à un certain Quentin Durand qui intervient de façon sur les origines du film et sur ses qualités et (supposées) faiblesses.
Les autres bonus sont des suppléments d’époque. Les coulisses du tournage (17 minutes) a tout du bonus promotionnel où le manque d’autocritique est flagrant. Plus intéressant, les scènes coupées (20 minutes) permettent d’en apprendre plus sur la vie des personnages et leurs relations. On a également la bande-annonce d’époque (2 minutes).
L’Atelier d’Images a ajouté un espace découverte concernant des films qu’il édite en vidéo. Ainsi, on retrouve ainsi les bandes annonces de Jack Burton dans les griffes du mandarin, Rollerball (bande-annonce en français), Darkman et Evil Dead.
L’image : 5/5
Elle est splendide, que cela soit dans les scènes sombres ou plus lumineuses du film. Ainsi, les amateurs du film oublieront aisément le DVD sorti en 2005, devenu totalement obsolète.
Le son : 5/5
Un DTS-HD master audio très bien réparti sur le plan spatial et sans défaut constaté. Et le doublage français est tout à fait appréciable, même si le son est moins puissant.
Critique + test blu ray : Nicolas Bonnes