Comédie débridée qui s’inspire de l’humour décalé des Three Stooges et des cartoons de Tex Avery, Mort sur le gril est le second film de Sam Raimi après Evil Dead. Un pur délire foutraque qui mérite mieux que sa triste réputation.
Synopsis : Par une nuit d’orage, à Denver, Colorado… Vic Ajax, le héros, va se mettre dans de sales draps. Non seulement parce qu’il est amoureux, mais surtout parce que son patron a décidé cette nuit de se débarrasser de son associé.
Une comédie débridée grillée au box-office international
Critique : Cinéaste culte dès son tout premier long-métrage, l’impeccable Evil dead, Sam Raimi a disposé d’un budget légèrement plus conséquent (environ 3 millions de dollars) afin de tourner une comédie délirante tirée d’un scénario des frères Coen. Ethan et Joel Coen sortaient tous deux du succès de Sang pour Sang et étaient la révélation du film noir de l’année 85. Mort sur le gril (1985) aurait donc dû attiser la curiosité du public, mais il fut pourtant un échec commercial cinglant, doublé d’une réception critique assez calamiteuse. Aux USA, il sera distribué bien après nombre de pays européens, signe de l’embarras de Columbia Pictures qui ne savait trop quoi faire du rejeton débridé de Sam Raimi.
Là où le public attendait un nouveau film d’horreur qui repousserait les limites de la peur et du gore, le cinéaste préfère donner libre cours à un humour cocasse effréné, largement inspiré par les délires des Three Stooges qu’il admire profondément. Bercé dans sa jeunesse par leur humour nonsensique et par les cartoons de Tex Avery, Raimi tient ici à rendre un vibrant hommage à ce type de comédies, au risque de désappointer sa fanbase. Si ce type de spectacle régressif a désarçonné à l’époque, il étonne moins de nos jours puisque Sam Raimi a confirmé par la suite son goût pour cet humour délirant (on se souvient des cartoonesques Evil dead 2, L’armée des ténèbres ou encore Jusqu’en enfer). Avec le recul des années, il est donc temps de réévaluer à sa juste valeur ce Crimewave foutraque, mais ô combien revigorant.
© 1985 Embassy Films Associates
Un divertissement noir à mi-chemin entre les frères Coen et le cinéma de Sam Raimi
Très marquée durant sa première demi-heure par l’écriture des frères Coen qui s’orientent invariablement vers le cinéma noir de l’âge d’or de Hollywood, l’écriture annonce les futurs débordements d’Arizona junior (les frères Coen, 1987), avec ses personnages de minables qui ne parviennent jamais à accomplir quoi que ce soit. Ainsi, les associés qui se déchirent pour la succession de leur magasin, mais également l’improbable duo de tueurs profondément loufoques dans leur imbécilité (les grands Paul Smith et Brion James) s’inscrivent totalement dans l’univers du terroir des Coen. Toutefois, la patte de Sam Raimi prend peu à peu le dessus, notamment sur le plan visuel avec des éclairages expressionnistes violemment bariolés et des décors qui dénoncent à chaque seconde leur caractère factice mais ont pour but de moderniser le cinéma noir classique. Vic Ajax, le personnage principal, sorte de nerd amoureux fou d’une femme qu’il ne pourra jamais avoir, anticipe le Peter Parker de la saga Spider-Man tout en tissant un lien avec le passé hollywoodien, celui de James Stewart notamment.
Dynamité par un humour décalé toujours au bord de l’hystérie, Mort sur le gril est donc une œuvre où pointent une certaine naïveté et un romantisme sincère, sans cesse contrebalancés par des gags plus ou moins efficaces. Les seconds rôles sont aussi déconcertants que le ton. La folie douce de l’ex de Woody Allen, Louise Lasser, qu’on allait bientôt retrouver aux portes de la démence dans le bisseux Blood Rage, fait partie des nombreux atouts de cette production déjantée jusque dans le choix des interprètes. Paul Smith, personnage répugnant dans Dune de David Lynch n’a-t-il pas été utilisé comme le sosie de Bud Spencer dans de faux Trinita, où il était assisté du même acteur sosie de Terence Hill ?
Sans être le meilleur film de son auteur, Crimewave, film maudit, flop mondial qui aura bien du mal à se refaire une santé en VHS ou en DVD, témoigne aujourd’hui de la grande cohérence interne de l’œuvre de Raimi. Formellement brillant, le résultat final est certes inégal, mais aussi profondément attachant dans son extrême sincérité et sa foncière générosité. Le plus méconnu des films de son auteur, Mort sur le gril, semble hors compétition dans son œuvre, comme il le fut à Avoriaz où Richard Lester présidait un jury notamment constitué de Luc Besson et Dario Argento.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 15 janvier 1986
© Gédébé by Spadem