Classique thriller à machination, Meurtre par intérim souffre d’un scénario vide qui joue la montre et d’une musique kitsch assez ridicule. Les acteurs, plutôt bons, font ce qu’ils peuvent pour sauver les meubles.
Synopsis : Deux hippies en fuite décident de se planquer dans une villa luxueuse appartenant à une mystérieuse femme. La tension ne va cesser de s’accroitre au cours de leur séjour…
Un thriller né de compromis incessants
Critique : Lorsqu’il entame l’écriture et la préparation de Meurtre par intérim (1971), le cinéaste Umberto Lenzi vient de connaître plusieurs succès dans le domaine du thriller à machination porté par l’interprétation de l’actrice Carroll Baker. Il s’agissait bien entendu d’Une folle envie d’aimer (1969), Si douces, si perverses (1969) et Paranoïa (1970). Face à la bonne réception commerciale de ces produits, le producteur prestigieux Carlo Ponti offre à Umberto Lenzi un budget plus conséquent pour son nouveau polar, réclamant notamment la présence à l’écran de Carroll Baker. Toutefois, Umberto Lenzi lui préfère la chanteuse lyrique Anna Moffo qui accepte dans un premier temps le rôle de l’épouse mystérieuse.
Pourtant, l’actrice s’est désistée quelques jours avant le tournage, alors que les décors de Cinecittà – pour tous les intérieurs de la villa – étaient prêts. Lenzi se retrouve donc obligé d’accepter dans l’urgence l’actrice grecque Irene Papas qui ne correspondait pas vraiment au rôle, d’autant que celle-ci refuse de tourner dénudée. Cette même exigence émane de la jeune Ornella Muti qui n’est pas encore majeure et qui devait, en principe, montrer ses seins. Le réalisateur devra donc ruser par l’emploi d’une doublure-corps pour les scènes plus chaudes.
Meurtre par intérim cherche un scénariste à temps complet
Ce n’est malheureusement pas la seule concession que Lenzi doit faire au producteur Carlo Ponti qui dicte ses exigences. Ainsi, l’influent nabab refuse que les jeunes hippies soient des dealers de drogue et ils deviennent des trafiquants de pornographie, ce qui entame fortement la crédibilité de l’intrigue. En réalité, Meurtre par intérim souffre de plusieurs défauts qui en font un thriller de petite tenue. Tout d’abord, le script tient tout entier dans un twist plutôt bien trouvé, mais qui ne tient pas sur la durée d’une heure et demie. Ainsi, le réalisateur est contraint de jouer la montre durant les quarante premières minutes du film. Sans ligne narrative forte, le métrage semble évoluer au fil des pérégrinations des deux jeunes hippies.
Heureusement, ceux-ci sont incarnés par deux acteurs charismatiques, à savoir Ray Lovelock et la débutante Ornella Muti. Leur couple est crédible à l’écran et ils interprètent avec conviction ces jeunes gens en butte à l’autorité. Pourtant, ils font trop rarement oublier l’ineptie du scénario, ainsi que la multiplication de scènes de remplissage comme les danses embarrassantes dans les boites de nuit – avec la musique très kitsch et improbable de Bruno Lauzi. Le cinéaste tutoie même le cinéma bis avec les évolutions en moto d’Antonio Mellino, un vrai motard casse-cou rencontré par hasard sur le tournage.
Une critique sociale bienvenue, mais noyée dans d’inutiles circonvolutions
Même lorsque le couple arrive dans la villa où se trouve Irene Papas, Meurtre par intérim tarde à démarrer. Lenzi tente de meubler avec une atmosphère vaguement mystérieuse et des plans racoleurs vantant les charmes juvéniles de Muti. Il faut finalement patienter une heure avant d’entrevoir enfin le but de l’auteur, à savoir revenir à un sous-genre qu’il connaît bien : le thriller à machination. Dès lors, l’intrigue fonctionne plutôt bien et se referme même sur une ironie plutôt plaisante. Une fois de plus, l’auteur conspue l’aristocratie qui dissimule ses méfaits derrière un masque de vertu et indique que ceux qui se révoltent contre ce système sont les premières victimes expiatoires d’un ordre social immuable.
Finalement, Meurtre par intérim est tout juste sauvé de la totale médiocrité par son dernier quart d’heure. Toutefois, le long-métrage fait clairement pâle figure par rapport aux autres réussites du réalisateur. D’ailleurs, le métrage a été à peine exploité en France, où il serait sorti tardivement au mois de février 1975 dans quelques salles de province. Il a fallu attendre 2022 pour revoir le film en version HD restaurée chez Le Chat qui Fume, agrémenté d’un entretien passionnant avec Lenzi. Pourtant, le film est loin d’être un incontournable au sein de sa prolifique filmographie, comme il le reconnaît lui-même.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 2 février 1975
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