Meurtre dans un jardin anglais : la critique du film (1984)

Comédie dramatique, Policier | 1h48min
Note de la rédaction :
9/10
9
Meurtre dans un jardin anglais, l'affiche

  • Réalisateur : Peter Greenaway
  • Acteurs : Anthony Higgins, Janet Suzman, Anne-Louise Lambert, Hugh Fraser
  • Date de sortie: 29 Fév 1984
  • Nationalité : Britannique
  • Titre original : The Draughtsman's Contract
  • Titres alternatifs : Der Kontrakt des Zeichners (Allemagne) / Tecknarens kontrakt (Suède) / El contrato del dibujante (Espagne) / O Contrato (Portugal) / Kontrakt rysownika (Pologne) / I misteri del giardino di Compton House (Italie) / A rajzoló szerződése (Hongrie) / Piirtäjän sopimus (Finlande) / O Contrato do Amor (Brésil) / El contrato del pintor (Argentine)
  • Année de production : 1982
  • Autres acteurs : Neil Cunningham, Dave Hill, David Gant, David Meyer
  • Scénariste : Peter Greenaway
  • Monteur : John Wilson
  • Directeur de la photographie : Curtis Clark
  • Compositeur : Michael Nyman
  • Cheffes maquilleuses : Lois Burwell, Christine Allsopp
  • Chef décorateur : -
  • Directeur artistique : Bob Ringwood
  • Producteurs : David Payne, Peter Sainsbury
  • Producteurs exécutifs : -
  • Sociétés de production : British Film Institute (BFI), Channel Four Television
  • Distributeur : MK2 Diffusion
  • Distributeur reprise : Solaris Distribution
  • Date de sortie reprise : 30 novembre 2022
  • Editeurs vidéo : Trophée (VHS, 1985) / MK2 (DVD, 2002, 2004, 2007, 2008) / Le Chat qui Fume (blu-ray, UHD 4K, 2023)
  • Dates de sortie vidéo : 1985 (VHS) / 9 octobre 2002 (DVD) / 14 janvier 2004 (DVD) / 17 octobre 2007 (DVD) / 10 avril 2008 (DVD) / 30 juin 2023 (blu-ray, UHD 4K)
  • Budget : 320 000 £
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 177 054 entrées (Paris-Périphérie, sortie originale) - 1 839 entrées (reprise 2022)
  • Box-office nord-américain : 2 256 246 $
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleur / Son : Mono
  • Festivals : Festival de Venise 1982 : en compétition / Fantasporto 1984 : en compétition
  • Nominations :
  • Récompenses : Grand Prix de l'UCC 1985
  • Illustrateur/Création graphique : © Yves Prince (affiche de 1984). Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © British Film Institute (BFI). All Rights Reserved. Tous droits réservés.
  • Attachés de presse : -
  • Tagline : Un jeu de piste pervers et brillant. Un chef d'œuvre du cinéma britannique. (affiche de la reprise 2022)
Note des spectateurs :

Premier film abordable de Peter Greenaway, Meurtre dans un jardin anglais a marqué son temps par son esthétique précieuse et la musique magnifique de Michael Nyman. Un must que l’on aime redécouvrir un peu plus à chaque visionnage.

Synopsis : Au XVIIe siècle, une aristocrate, profitant de l’absence de son mari, engage un peintre pour immortaliser son domaine. En dédommagement, elle lui offre la totale jouissance de son corps. L’artiste découvrira trop tard les buts secrets de cet agréable contrat.

Le premier film réellement commercialisable d’un artiste expérimental

Critique : Quand il aborde l’écriture du scénario de Meurtre dans un jardin anglais au début des années 80, le réalisateur britannique Peter Greenaway a déjà derrière lui une imposante carrière faite de films expérimentaux, de documentaires télé ou encore d’installations vidéo pour des musées. En réalité, son seul véritable long-métrage s’intitule The Fall (1980), mais celui-ci est totalement expérimental, listant une centaine de biographies imaginaires durant plus de trois heures de projection. Autant dire une œuvre réservée aux musées d’art contemporain.

A cette époque, un ami lui fait la remarque qu’il pourrait faire la même chose, mais en créant une structure narrative plus abordable pour le spectateur, à l’aide notamment de personnages qui dialogueraient. C’est ainsi que Peter Greenaway se lance dans l’écriture de ce qui sera son premier véritable film commercialisable. Passionné de peinture flamande et lui-même artiste peintre, Greenaway en a fait le sujet de son premier grand long-métrage de fiction, puisqu’il s’agit ici de suivre la création de douze dessins par un artiste de la fin du 17ème siècle.

Meurtre dans un jardin anglais, une expérience cérébrale avant tout

Afin de rendre le film plus attrayant, Peter Greenaway y a inclus une intrigue policière un peu lâche qui aimerait évoquer le travail d’une Agatha Christie sans en avoir la rigueur dans la construction. En réalité, le fil rouge policier n’est là que pour offrir à Greenaway l’occasion de déverser le flot de ses obsessions à l’écran. On y retrouve donc son goût autistique pour l’énumération, mais aussi pour les cadrages léchés, ainsi que la prépondérance de notations érudites qui peuvent éconduire un public désireux de simplement se divertir. Peter Greenaway ne s’adresse jamais aux sentiments des spectateurs mais entend susciter la curiosité de leur intellect.

Ainsi, il situe son intrigue dans une Angleterre spécifique, celle de la Révolution financière britannique de 1694 qui peut être considérée comme le point de départ du capitalisme financier. Cela débute notamment par la création en 1694 de la Banque d’Angleterre qui va donner des outils financiers aux puissants pour investir directement dans l’économie. C’est aussi durant cette époque que les femmes ont pu confirmer leurs droits dans la propriété des biens de leurs époux. Cela n’est aucunement anodin lorsque l’on considère le nœud central de l’intrigue développée dans Meurtre dans un jardin anglais.

Meurtre dans un jardin anglais, l'affiche de la reprise

© 1982 British Film Institute (BFI) / Affiche : Solaris Distribution. Tous droits réservés.

Sans vouloir déflorer le cœur du film et notamment son twist final, Meurtre dans un jardin anglais initie le cycle des films de Greenaway mettant en scène une brillante machination en vue de récupérer un bien matériel. Ainsi, le personnage du dessinateur incarné par Anthony Higgins semble être le deus ex machina durant la totalité du film avant d’être finalement le dindon de la farce. Celui qui pensait tout contrôler est en réalité victime d’une manipulation perverse, ce qui constitue un ressort dramatique fréquemment utilisé par Greenaway.

Un film cruel dans sa dénonciation sociale

Au passage, l’auteur britannique réfléchit à la représentation artistique avec beaucoup de pertinence. L’artiste doit-il plier la nature et les événements à sa convenance ou doit-il n’être qu’un simple observateur neutre ? Ici, les différents indices relevés par le dessinateur et inclus dans son œuvre provoquent inévitablement sa perte. On peut d’ailleurs ajouter à cela une virulente critique sociale dirigée contre les élites dont Greenaway se moque des convenances, tout en démontrant qu’il s’agit d’êtres humains autant enclins à la bassesse qu’autrui.

Il le fait à sa façon inimitable par une ironie mordante présente dans des dialogues alambiqués dont la profusion peut parfois lasser. L’artiste apprendra plus tard à laisser davantage respirer ses plans qui sont ici encore très figés. Marqué par une esthétique très travaillée, Meurtre dans un jardin anglais est constitué d’une succession de plans fixes qui impriment la rétine avec saveur. Ainsi, chaque plan relève du tableau de maître.

La révélation du compositeur Michael Nyman

L’ensemble ne serait pas aussi passionnant sans la contribution majeure du compositeur de musique minimaliste Michael Nyman. En reprenant des morceaux et structures d’auteurs classiques comme Purcell, le musicien s’amuse à en isoler quelques segments qu’il répète à l’envi. Il s’inscrit ainsi dans tout un mouvement de la musique contemporaine qui s’inspire d’un prestigieux passé musical, tout en le faisant évoluer vers des terres inconnues. Cela s’accorde donc parfaitement avec la démarche de Peter Greenaway. Les deux artistes ont ainsi fait un bon bout de chemin ensemble au cours des années 80.

Le renouveau du cinéma britannique après le Free Cinema des années 60

Brillant à plus d’un titre, Meurtre dans un jardin anglais a fait sensation lors de sa présentation au Festival de Venise en 1982, mais sans obtenir de récompenses. L’objet très étrange a surtout connu un certain succès auprès des cinéphiles les plus exigeants. Au Royaume-Uni, il marque un renouveau pour le cinéma britannique alors en crise. Il reste plus de 30 semaines à l’affiche à Londres. Après le Free Cinema des années 60 (cinéma social de Gauche), un vent nouveau souffle enfin sur la Grande Bretagne qui bénéficie des succès mondiaux comme Les chariots de feu, Gandhi et Local Hero, des investissements du producteur David Puttnam et de la puissante chaîne de télé Channel 4. Meurtre dans un jardin anglais, avec un budget de seulement 300 000 livres sterling, aidé par le British Film Institute et Channel 4, cartonne partout au box-office.

Le métrage sort en France deux ans après le Royaume-Uni au mois de février 1984 par les bons soins de Marin Karmitz et sa société MK2 (L’amour violé, Yol, La nuit de San Lorenzo, Le Bon plaisir, Local Hero).

Marin Karmitz exploite magnifiquement Meurtre dans un jardin anglais en salle

Distribué la même semaine que le polar Mesrine (André Génovès, 1984) qui a pris la tête des entrées du 29 février grâce à ses 39 écrans, que la comédie L’étincelle (Michel Lang, 1984) avec Clio Goldsmith et Roger Hanin, qui jouissait de 26 écrans parisiens, et l’impérial La femme flambée de Robert van Ackeren, avec la grande Gudrun Landgrebe (20 écrans), Meurtre dans un jardin anglais a convaincu 2 664 Parisiens sur 7 sites contre 4 077 entrées pour la comédie UGC de Michel Lang avec 19 écrans de plus. Le phénomène est lancé.

A l’issue de sa première semaine, la production Channel 4 séduit 25 120 Parisiens et s’approprie une 13e place qui lui portera bonheur. Outre Mesrine (86 316), La femme flambée est l’autre succès de la semaine avec 70 729 entrées et une subtile deuxième place. La classe.

Où voir le classique de Peter Greenaway en première semaine?

MK2 place son produit phare au George V qui vient de renaître de ses cendres en premier multiplexe parisien, mais aussi aux Forums Cinémas, au Lumière, et évidemment aux 14 Juillet Racine/Bastille/Parnasse/Beaugrenelle, qui appartenaient au groupe MK2 de Karmitz.

5 470 Parisiens découvrent Meurtre… au George V à ce moment là. On se bouscule au portillon.

Le long-métrage va évidemment obtenir un excellent bouche-à-oreille, construisant sa notoriété au fil des semaines. Ainsi, le drame se maintient parfaitement en deuxième semaine et progresse même avec 25 483 curieux, malgré les sorties remarquées de Vive les femmes (l’adaptation de Reiser), Scarface (Brian De Palma) et Dead Zone (Cronenberg, Stephen King). 50 000 tickets vendus en 2 semaines dans aussi peu de salles, c’est un événement culturel évident.

En 3e semaine, l’apparition remarquée de l’opéra Carmen de Francesco Rosi diminue un peu l’impact du film de Greenaway, mais on dénombre 18 082 spectateurs sur ce circuit repu de 7 écrans. MK2 profite de l’engouement soudain pour le cinéma britannique pour présenter une autre production made in England, le culte Local Hero de Bill Forsyth, avec notamment Burt Lancaster. Ce dernier finira sa carrière à 256 000 entrées France, grâce à une combinaison plus dense.

Nantes, Bordeaux, Grenoble ou Lyon sont parmi les premières villes de province à accueillir l’exposition de tableaux de Greenaway. Dans des salles d’art et essai, le succès enfle.

La production d’esthète trouve 14 005 entrées en 4e semaine.

Au début du mois d’avril, le métrage a dépassé les 100 000 entrées dans la capitale. Il s’agit assurément d’une très belle surprise pour une œuvre peu évidente à appréhender de prime abord. Elle n’abandonnera l’affiche qu’au bout de 11 mois, au début du mois de janvier, avec pas moins de 177 000 Parisiens en 45 semaines, dont 383 au 14 Juillet Parnasse pour son ultime semaine en première exclusivité, la première semaine de 1985.

Le plus gros succès de Peter Greenaway en France

Avec plus de 250 000 spectateurs en France, Meurtre dans un jardin anglais assurera à Peter Greenaway le plus gros succès de sa carrière française devant Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant (234 000), et Drowning by Numbers (229 000).

Par la suite, le film a été édité en VHS, puis a connu de multiples rééditions en DVD. Plus récemment, Meurtre dans un jardin anglais a connu une restauration 4K qui a été proposée en salles par Solaris Distribution, à la fin novembre 2022, tandis que l’éditeur Le Chat qui Fume le propose en édition UHD 4K en juin 2023. Une sacrée reconnaissance pour cette première œuvre majeure d’un cinéaste iconoclaste à la patte immédiatement identifiable. Malheureusement, il allait connaître peu de temps après l’échec avec le troublant Zoo avec Andréa Ferréol et les frères Deacon.

Meurtre dans un jardin anglais porte assurément la marque des grands.

Critique de Virgile Dumez

Box-office de Frédéric Mignard

Les sorties de la semaine du 29 février 1984

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Meurtre dans un jardin anglais, l'affiche

© 1982 British Film Institute (BFI) / Affiche : Yves Prince. Tous droits réservés.

Biographies +

Peter Greenaway, Anthony Higgins, Janet Suzman, Anne-Louise Lambert, Hugh Fraser

Mots clés

La manipulation au cinéma, La revanche des femmes au cinéma, MK2, Restauration 4K

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Meurtre dans un jardin anglais, l'affiche

Bande annonce de Meurtre dans un jardin anglais (VOstf, HD)

Comédie dramatique, Policier

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